L’ESIEE Paris, école d’ingénieurs, place l’entrepreneuriat au cœur de son enseignement. Pour l’Express Éducation, Jean Mairesse, son directeur, évoque les actions menées pour favoriser l’esprit d’entreprendre auprès des élèves.
Interview de Jean Mairesse, directeur d’ESIEE Paris
L’ESIEE Paris bénéficie d’une double tutelle de l’université Gustave Eiffel et de la Chambre de commerce et d’industrie. Qu’est-ce que cela apporte à votre école d’ingénieurs ?
Jean Mairesse : La tutelle universitaire garantit notre excellence académique avec un adossement à la recherche. De l’autre côté, la Chambre de commerce et d’industrie certifie une excellente professionnalisation.
La CCI nous accompagne dans la gouvernance avec une présence dans le conseil de l’ESIEE Paris. Le vice-président du conseil d’administration est issu de la CCI, avec une spécialisation dans le domaine de l’innovation et la création d’entreprise.
Comment se positionne l’ESIEE Paris au sein de l’écosystème des écoles d’ingénieurs ?
Jean Mairesse : Nous formons des ingénieurs généralistes sur les transitions numériques et environnementales. Évidemment, même si nous sommes généralistes, nous avons des domaines de spécialisation forts, avec 21 filières différentes.
Par ailleurs, l’école est au service d’un territoire. Un grand nombre d’étudiants viennent des départements limitrophes, de la Seine et Marne (77) et du Val de Marne (94) notamment. Nous valorisons aussi la promotion sociale en intégrant des élèves qui ne sont pas issus de milieux sociaux élevés et qui ont des dossiers scolaires moyens.
C’est aussi pour cette raison que nous valorisons les cursus en apprentissage. La moitié de nos élèves en cycle ingénieur sont en apprentissage, soit 1 200 élèves sur un total de 2 400. Un système de bourses sur critères sociaux cumulables avec les bourses Crous est aussi en place. Un élève qui cumule une bourse ESIEE et celle du Crous reçoit environ 11 000 euros par an ce qui couvre les frais de scolarité de 8 280 euros l’année.
Parmi vos points de différenciation, votre établissement met un accent particulier sur l’entrepreneuriat, pour quelles raisons ?
Jean Mairesse : Nous voulons encourager l’esprit d’entreprendre auprès de nos élèves. Et ce afin de valoriser la créativité et d’implémenter la notion de prise de risque qui sont les deux extrémités du spectre de ce qu’on peut attendre d’un ingénieur.
Car créer son entreprise demande beaucoup d’innovation mais aussi d’organisation et de précisions pour gérer l’ensemble des aspects. Ce n’est pas évident de se lancer dans un tel projet. Or ce sont des compétences entrepreneuriales qui sont aussi essentielles pour les ingénieurs en entreprises.
En développant cette approche pédagogique pour tous les élèves, on crée aussi une atmosphère d’émulation. Même ceux qui ne sont pas attirés par l’entrepreneuriat s’intéressent aux projets créés par d’autres, aux belles histoires qui se développent.
Quelles sont les actions que vous mettez en place pour développer cet esprit ?
Jean Mairesse : Concrètement, nous avons plusieurs étages d’actions selon le profil des élèves. Au premier niveau, nous organisons une journée unique pendant laquelle l’école se transforme en ruche bourdonnante. Pendant cette journée, qui s’adresse à tous les élèves dès la première année, chacun présente un projet innovant à ses camarades et aux entreprises partenaires. À l’issue de l’événement, nos partenaires remettent des prix. Les projets primés bénéficient d’un coaching entrepreneurial dans l’objectif de définir un projet de création d’entreprise à partir du projet qu’ils ont présenté.
Cet événement peut susciter des vocations et permettre à certains jeunes de sauter le pas grâce à cette confrontation avec des professionnels.
Certains de vos élèves ont cette fibre de l’entrepreneuriat. Avez-vous des projets spécifiques qui leur sont adressés ?
Jean Mairesse : Nos élèves qui veulent aller plus loin peuvent bénéficier du statut d’étudiant entrepreneur. Nous en comptons une cinquantaine sur les trois années du cycle ingénieur. Ce statut leur ouvre des droits et des devoirs. Ainsi, ils sont en lien avec le Pepite Paris-Est où ils peuvent développer leur projet et bénéficier de nombreux conseils.
Par ailleurs, nos étudiants-entrepreneurs peuvent remplacer leur stage en entreprise par un temps dédié à la création de leur entreprise. Ils ont également des aménagements de cours.
Enfin, nous proposons aussi pour les élèves de dernière année, un diplôme universitaire entrepreneuriat qui comptabilise 15 élèves. Cette formation, qui se prépare en parallèle de la formation ingénieur, prévoit des enseignements ciblés sur la création d’entreprise que ce soit au niveau juridique, marketing, financier…
Ce diplôme doit se conclure par la participation à un concours de création d’entreprise.
Avez-vous un incubateur au sein de l’école ?
Jean Mairesse : Nos étudiants entrepreneurs peuvent intégrer l’incubateur de la Cité Descartes qui est partagée avec d’autres acteurs du territoire. Par ailleurs, certains de nos élèves sont incubés dans des structures nationales.
Par exemple, un projet monté par trois élèves de l’école est incubé à la Station F. Ils ont créé un drone semi-autonome pour transporter des prélèvements médicaux pour les analyser plus rapidement et accéder à des zones difficiles d’accès. C’est un projet extraordinaire et emblématique qui a même représenté la France au G20 des jeunes entrepreneurs.
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Parmi les élèves, combien sont parvenus à créer leur entreprise ?
Jean Mairesse : Nous n’avons pas assez de chiffres sur la création d’entreprise et surtout sur l’évolution à cinq ou dix ans.
Mais nous savons que la plupart va au bout de l’aventure et lance son entreprise. Cependant, parfois les concepts marchent, parfois ils échouent. Quoiqu’il arrive, cela reste une nouvelle expérience riche qui apporte des compétences entrepreneuriales clés à nos élèves.
La situation économique actuelle a-t-elle un impact sur l’intérêt de vos élèves pour l’entrepreneuriat ?
Jean Mairesse : Le contexte est compliqué pour tout le monde, de façon globale. Nous sommes dans une phase d’attentisme généralisé en lien avec la situation géopolitique et économique mondiale. Mais c’est aussi difficile pour les start-ups que pour les grandes entreprises.
Mais comme ces évolutions sont assez récentes, il est encore un peu tôt pour mesurer son impact sur la volonté d’entreprendre.
Zoom sur Jean Mairesse
Quel est le livre que vous recommandez aux étudiants ?
Pour ne jamais oublier, « la bataille du silence » de Vercors, alumni ESIEE Paris, illustrateur, écrivain, et résistant.
Les personnes qui vous inspirent ?
Evariste Galois, génie mathématique et héros romantique. Et, plus récemment, Yann Le Cun, alumni ESIEE Paris qui a révolutionné l’intelligence artificielle.
Les lieux où vous aimez vous rendre ?
La Touraine, berceau familial, et le Perche.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur : Jean Mairesse, directeur d’ESIEE Paris, et l’encouragement à l’esprit d’entreprendre chez les étudiants
ESIEE Paris, école d’ingénieurs à double tutelle : L’école de l’enseignement supérieur bénéficie d’un partenariat stratégique avec l’université Gustave Eiffel pour l’excellence académique et la recherche, et avec la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) pour la professionnalisation et l’innovation, notamment via la gouvernance.
Formation d’ingénieurs généralistes avec une forte dimension entrepreneurial : L’établissement de l’enseignement supérieur forme des futurs ingénieurs aux transitions numériques et environnementales, en valorisant l’intégration sociale et l’apprentissage, comme état d’esprit. 50% des étudiants en cycle ingénieur sont en apprentissage, bénéficiant de bourses sociales.
Promotion de l’esprit d’entreprendre : ESIEE Paris met en œuvre des actions dans l’objectif de stimuler la créativité, la prise de risque, l’esprit d’initiative et d’équipe, en organisant des événements comme une journée dédiée aux projets innovants, avec accompagnement et prix pour encourager la création d’entreprises et l’esprit d’entreprendre.
Parcours dédié aux étudiants entrepreneurs : Les élèves peuvent obtenir le statut d’étudiant-entrepreneur, intégrer des incubateurs comme la Cité Descartes ou Station F, et suivre un diplôme universitaire entrepreneuriat avec concours, leur offrant un accompagnement renforcé dans l’objectif d’une mise en oeuvre de leur projet.
Impact et perspectives dans l’économie actuelle : Bien que la conjoncture économique incite à l’attentisme, l’école constate que la majorité de ses étudiants entrepreneurs en enseignement supérieur poursuivent leurs initiatives. Avec leur esprit d’entreprendre, ils acquièrent des compétences entrepreneuriales clés malgré l’incertitude liée au contexte géopolitique global.