Sorti au cinéma en 2023, le film Toni en famille raconte l’histoire d’une mère de cinq adolescents qui décide de reprendre ses études, passé 40 ans.
Dans ce long métrage, le jeune réalisateur français Nathan Ambrosioni nous propose d’explorer les difficultés que l’on peut rencontrer au moment de se reconvertir. Entre moqueries, manque de soutien des proches, démarches administratives lourdes, bilans de compétences couteux et périodes de doute, Antonia Livesi, interprétée par l’actrice Camille Cottin, nous offre à voir le parcours du combattant que représente la reprise d’études passé un certain âge. Une prise de risque préparée ou envisagée par 50 % des actifs en 2024, selon le baromètre de la formation et de l’emploi de Centre Inffo. Aperçu des nombreuses étapes d’une reconversion professionnelle, entre doutes et quête de sens, en 10 répliques. Attention, spoilers.
Chercher un sens
« Biologie, design et déco, sociologie et politique, sciences politiques, architecture, éducation, enseignement…Attends, c’est génial, tu peux tout faire…» lâche une Toni ébahie face à la multitude de choix de formations proposées sur Parcoursup. Alors qu’elle aide ses deux aînés à enregistrer leurs vœux sur la plateforme, la quarantenaire, ancienne participante d’un télécrochet (la célèbre Star Ac) qui a voué tout son temps à l’éducation de ses enfants qu’elle élève seule, prend conscience de tous les possibles qui s’offrent à elle. Elle, qui cherche à donner un nouveau sens à sa vie, elle se plonge avec grand intérêt dans les trésors de Parcoursup et s’imagine reprendre ses études pour devenir enseignante. Plus tard dans le film, elle avouera à l’un de ses fils : « Je suis si fière d’être votre mère, tu n’imagines même pas. Mais je ne peux pas être que ça. Il faut que je trouve un sens et ça, ça n’a rien à voir avec vous. »
Le manque de soutien : un premier frein à la reconversion
« Je vais reprendre mes études ! Pourquoi tu ris ? » Lors d’un échange avec sa mère, l’héroïne annonce son désir de changer de vie. Ce qui lui vaut un sourire narquois et un petit ricanement. Passer le rêve éveillé, la dure réalité de son quotidien la rattrape et elle se retrouve face à certains freins, parmi lesquels, le peu de soutien, voir les moqueries de sa famille. Ses enfants ne seront pas plus emballés par l’idée et lui opposent tout un tas d’arguments au mieux presque réalistes, au pire, parfaitement égoïstes. L’un de ses fils fait remarquer qu’ils n’ont même pas assez d’argent pour se nourrir correctement et l’accuse de conserver ses finances pour son propre plaisir au détriment de sa famille. Sa fille ainée s’agace quant à elle du fait que sa mère pourrait alors se retrouver dans la même université qu’elle. Quant à la benjamine, elle ne trouve même pas les mots pour exprimer sa surprise à cette annonce. Seule la cadette souffle, timidement, que, oui, c’est un projet plutôt cool.
Si leurs réactions semblent violentes, elles témoignent toutefois d’une certaine réalité. Le monde de l’éducation est encore principalement réservé aux jeunes suivant un parcours classique après le bac. Même si de plus en plus de personnes font le choix de la reconversion, retourner sur les bancs de l’école reste un défi et nécessite d’accepter de se confronter au regard des autres, pas toujours bienveillant. C’est ce qu’exprime maladroitement Marcus, le fils ainé de Toni, lors de cet échange : « Mais genre, t’es vieille ! – Je te remercie Marcus, j’ai 42 ans. – Je veux dire, pour la Fac. – C’est pas toi qui disait dans ta dernière vidéo qu’il n’y a pas de règle ? – Je parlais pour ma génération. » Une “gentille” façon de rappeler que reprendre ses études passé un certain âge peut encore sembler étrange, quant cela ne s’apparente pas, aux yeux de la société, à un échec donnant lieu à des moqueries. « T’as pas peur qu’ils se moquent de toi dans ton école ? – Tu penses qu’ils vont se moquer de moi ? – Je ne sais pas, peut-être que oui, il faut être réaliste. » s’inquiète d’ailleurs la petite dernière.
De lourdes démarches administratives
Dans plusieurs scènes du film, nous pouvons voir Toni en quête de nombreux papiers pour constituer son dossier Parcoursup. Bulletins de notes, résultats du Bac, numéro INE, tous ces documents sont remis aux lycéens lors de leur année de Terminale et ils les conservent précieusement. Mais à 40 ans, lorsque les années lycées sont très loin derrière soi, il est plus difficile de retrouver et rassembler ces précieux sésames.
S’ajoute à cela la question du financement et des aides qui existent pour accompagner ce type de reconversion. On aperçoit ainsi Toni, aux prises avec Pôle Emploi (aujourd’hui France Travail). Pour ajouter du poids à son dossier de financement, la structure lui suggère d’effectuer un Bilan de compétence. Un parcours couteux censé l’aider à trouver plus facilement sa voie et décrocher une aide financière.
Le bilan de compétence : stigmatisant ?
« Par rapport au chant, je vous expliquais que je n’ai rien fait d’autre, j’ai l’impression que je ne sais rien faire d’autre et ça me terrorise. » Face à la personne qui la reçoit pour entamer son parcours de bilan de compétence, Toni exprime son inquiétude et ses doutes face à son profil. Après avoir vécu de sa musique suite à sa victoire à la Star Académie, elle a eu ses enfants et leur a consacré sa vie, chantant le soir dans un restaurant pour subvenir à leurs besoins. Elle n’a donc que très peu d’expérience professionnelle et estime n’avoir aucune compétence. C’est en cela que le bilan de compétences peut s’avérer utile : en montrant aux personnes en reconversion qu’ils disposent de nombreuses qualités pouvant leur servir et qu’ils ignorent sûrement.
Pour autant, l’échange entre Toni et sa conseillère semble quelque peu stigmatisant, certaines formations apparaissant comme plus adaptées pour obtenir un financement de la part de Pôle Emploi (France Travail) : « Pourquoi ne pas se tourner vers des cours du soir ou une formation plus spécialisée que l’université, comme un BTS ou un DEAS. – Un DEAS ? – Diplôme d’État d’Aide Soignante, c’est plus adapté pour les profils de votre âge qui veulent se réorienter. – Oui mais, je n’ai pas envie d’être aide soignante. Moi je voudrais vraiment aller à la fac. » L’inquiétude dont témoigne alors la conseillère est que la formation pour devenir professeur des écoles est très généraliste. Elle peut donc paraître longue et peu professionnalisante pour les aides à la formation comme Pôle Emploi. Il semblerait donc que certains secteurs soient beaucoup plus propices à la reconversion. Ce à quoi Toni, courageuse et déterminée, répond : « J’ai envie d’y croire ! » La suite de l’histoire donnera raison à la conseillère puisque Toni n’obtiendra pas son financement.
Qu’est-ce que la mention « Oui, si » sur Parcoursup ?
Au moment de consulter le résultat de son affectation sur Parcoursup, Toni n’est pas au bout de ses peines. « Ah “Oui, si” ! – “Oui, si” quoi ? – Je ne sais pas, c’est ce qu’il y a marqué. – Mais je suis admise ou pas ? » On découvre alors l’existence d’une mention “Oui, si” sur ParcourSup. Celle-ci, un peu déroutante, signifie que le candidat est admis dans l’établissement de son choix, mais sous certaines conditions. C’est un dispositif de soutien personnalisé qui est proposé par les universités. Il peut prendre la forme d’un renforcement méthodologique, d’une remise à niveau dans certaines matières, de cours supplémentaires, d’une licence sur 4 ans au lieu de trois, etc.
Dans le cas de Toni, le doyen de l’université lui propose, au vu de ses notes du bac et du temps qui s’est écoulé depuis, un emploi du temps aménagé avec des cours supplémentaires et un tuteur accompagnant pour se refamiliariser avec la prise de note. « Parce que je vais être honnête avec vous, j’en vois arriver chaque rentrée, des étudiants de votre âge, et la plupart je ne les vois pas arriver au bout. […] C’est pas facile, c’est un vrai rythme, c’est un sacré projet. C’est pour ça que c’est bien qu’on se rencontre, c’est important de prendre conscience de tout ça avant d’accepter de s’y plonger, même si ça peut paraître un peu démoralisant. » explique le doyen. Ce discours, s’il peut sembler décourageant reste pour autant très positif, car il témoigne du fait que les universités prennent à bras le corps la question de la reconversion, et font ce qu’elles peuvent pour accompagner et faire réussir ces profils atypiques.
Tout est bien qui fini bien, ce long cheminement amène finalement Toni à l’université. À la fin du film, on la voit faire sa rentrée des classes après quelques encouragements et bons conseils vestimentaires de Marcus, son fils ainés. Une conclusion qui démontre que, si le processus n’est pas aisé, il est néanmoins tout à fait possible de reprendre ses études, quel que soit son âge et son parcours !
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le film Toni en famille ou les défis de la reconversion passé 40 ans.
Recherche de sens et opportunités : Le film Toni en famille illustre le désir de redonner du sens à sa vie passé 40 ans par le biais de la reprise d’études.
Manque de soutien social : Le personnage de Toni, interprété par Camille Cottin, se heurte aux moqueries et à l’incompréhension de ses proches quant à son désir de reprendre des études, un obstacle fréquent dans le processus de reconversion pour les personnes ayant des parcours non traditionnels.
Complexité administrative : Les démarches pour retourner aux études après 40 ans montrent la difficulté à rassembler documents et financements, illustrant les défis bureaucratiques auxquels fait face toute personne souhaitant se réorienter.
Utilité et stigmatisation des bilans de compétences : Bien qu’utiles pour mettre en lumière des compétences cachées, les bilans peuvent sembler stigmatisants, les conseils pouvant parfois restreindre les aspirations des candidats à des formations considérées plus adaptées à leur âge.
Mention “Oui, si” sur Parcoursup : Cette mention signifie une admission conditionnelle, requérant un accompagnement méthodologique ou des cours supplémentaires, montrant l’engagement des universités à soutenir les profils atypiques dans leurs études.