Chaque année, les écoles mettent en avant les salaires de sortie de leurs diplômés et donnent ainsi aux étudiants un aperçu de leurs perspectives de rémunération. Ces chiffres sont-ils un indicateur de la qualité et de la valeur d’une formation, ou bien une opération de communication éloignée de la réalité des entreprises ? Comment gérer des écarts parfois flagrants ?
Selon le Baromètre du Groupe ISC Paris et de l’institut BVA Xsight 2024, le salaire est aujourd’hui le premier critère dans le choix d’une entreprise pour 44 % des 18-24 ans. Mais nombreux sont les étudiants qui, séduits par des perspectives salariales attractives, se retrouvent confrontés à un fossé entre les chiffres promus par leur école et les offres réelles des entreprises. Ce décalage, souvent source de frustration, pose d’un côté la question de la transparence dans la communication des établissements et de l’autre, la nécessaire adaptation des étudiants aux réalités économiques actuelles.
« Cela nous est déjà arrivé d’avoir des candidats déçus lorsque nous arrivons à la proposition de salaire », constate Jonathan Noble, CEO et fondateur de Swello, une PME varoise qui accompagne communicants et grands groupes dans leur stratégie social media. « Il faut cependant considérer que chez nous, il n’y a pas de négociation de salaire. Nous faisons une proposition selon des grilles salariales qui garantissent le principe d’équité, et proposons un package global avec beaucoup d’avantages : congé menstruel, congé parental allongé, semaine de 4,5 jours… »
Le chef d’entreprise souligne qu’il y a une certaine éducation à faire de la part des écoles quant aux à-côtés qui participent à la satisfaction de l’emploi : « Une candidate trouvait ma proposition incohérente par rapport au salaire annoncé par son école, j’ai donc dû lui démontrer que ce salaire à Toulon correspondait à une réalité géographique différente de celle de son école parisienne. » Dès lors, quel rôle doivent jouer les écoles ? Encourager les étudiants à rejeter des offres légèrement inférieures pour préserver leurs statistiques salariales ? Ou au contraire, mieux les préparer à une adéquation avec les réalités économiques locales ?
Sur quelle méthodologie se basent les écoles sur le salaire d’un débutant ?
Pour établir les salaires de sortie, les écoles mènent des enquêtes d’insertion selon les standards méthodologiques reconnus par la Conférence des Grandes Écoles (CGE). Carine Guibbani, directrice du Développement de l’EM Normandie, explique les fondements de cette méthode : « Les résultats que nous communiquons sont basés sur des données fiables collectées dans le cadre d’une enquête structurée, avec un taux de réponse de 64 % pour la promotion 2023. Cette enquête est réalisée en partenariat avec notre association Alumni et validée par des standards méthodologiques reconnus par la CGE, assurant ainsi une transparence totale. Cela permet non seulement de refléter la réalité du marché de l’emploi, mais aussi de fournir une image précise des débouchés après une formation dans une grande école de commerce. »
L’EM Normandie assure ainsi « ne pas vendre des salaires mirobolants à ses étudiants », mais leur donner des informations transparentes basées sur des enquêtes d’insertion, qui couvrent un large éventail de critères et ne se concentrent pas uniquement sur le salaire. « Parmi les éléments analysés, nous considérons le secteur d’activité, le lien avec l’international, le niveau de satisfaction dans l’emploi, ainsi que la diversité des fonctions occupées par nos diplômés, » poursuit-elle. Car en effet, la diversité des parcours et les variations régionales complexifient la réalité.
Encourager les étudiants à voir plus loin que leur fiche de paie après leur master
Les écoles à l’échelle nationale, mettent en avant des statistiques impressionnantes pour attirer des étudiants et justifier des frais de scolarité souvent très élevés. Cependant, ces chiffres sont parfois biaisés. « Les salaires annoncés par les écoles sont souvent issus d’enquêtes auprès des diplômés. Mais qui répond ? Souvent ceux qui réussissent le mieux, pas ceux qui galèrent encore à trouver un emploi ou qui acceptent des postes moins rémunérés pour débuter », souligne Jonathan Noble.
Carine Guibbani ajoute : « Nous reconnaissons que la communication autour des salaires peut créer des attentes élevées chez les étudiants et nous envisageons d’insister davantage sur la diversité des débouchés professionnels et sur l’importance de la progression de carrière. »
Cependant, même lorsque les écoles nuancent leur discours, les étudiants retiennent souvent les chiffres les plus élevés comme des objectifs minimaux, ce qui peut générer frustration et désillusion face à la réalité du marché. Pourtant, le salaire de sortie n’est qu’une étape : il évolue avec l’acquisition de compétences, les années d’expérience, la prise de responsabilités et les opportunités saisies. « Le succès ne se limite pas à un chiffre sur une fiche de paie. La progression, l’épanouissement et l’impact du travail comptent autant », rappelle le chef d’entreprise.
Dans un marché du travail en mutation, de plus en plus de jeunes diplômés privilégient dans leur vie active des éléments comme le télétravail, la flexibilité ou encore des missions porteuses de sens. Jonathan Noble conclut : « Les écoles devraient davantage éduquer leurs étudiants à évaluer un package global, au lieu de tout baser sur le salaire brut. »
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : l’impact des salaires de sortie des écoles sur les étudiants et le marché de l’emploi.
Pénurie de confiance dans les salaires annoncés : Malgré l’attrait des niveaux de salaire de sortie affichés par les écoles, de nombreux étudiants se heurtent à un décalage entre ces chiffres et les réalités du marché, ce qui peut entraîner frustration et désillusion face à leurs attentes en terme de salaire.
Méthodologie d’établissement des salaires : Les écoles utilisent des enquêtes structurées, validées par des standards de la Conférence des Grandes Écoles (CGE), pour établir les salaires minimum de sortie des jeunes diplômés. Cependant, les répondants sont souvent ceux qui réussissent le mieux, créant une image biaisée des débouchés.
Importance de la diversité des parcours : Les écoles, comme les écoles de commerce, sont encouragées à communiquer sur la diversité des carrières et à mettre davantage l’accent sur l’évolution de carrière plutôt que sur l’argent obtenu à la sortie, afin de refléter plus fidèlement la réalité des anciens élèves.
Besoin d’une perspective globale : Les futurs professionnels, de plus en plus, recherchent des conditions de travail comme la flexibilité et le télétravail. Il est donc crucial pour les écoles d’aider les étudiants à évaluer l’ensemble de leur package d’emploi, y compris les avantages non financiers.
Éducation à la réalité du marché : Les écoles, dont les écoles de commerce, doivent mieux préparer les étudiants et jeunes diplômés à la réalité du marché en les incitant à développer un regard critique sur les salaires annoncés et à considérer les compétences, les responsabilités et l’épanouissement personnel comme des éléments essentiels de leur réussite professionnelle.