Une étude réalisée par le collectif d’entrepreneurs Axtom montre que les 18/24 ans ont une perception d’apparente simplicité et une vision idéaliste de la création d’entreprise. Réaliste ou exagéré ? La réaction de plusieurs écoles de commerce proposant des programmes Entrepreneuriat.
À force de répéter que créer son entreprise est facile, tout le monde a fini par y croire. Particulièrement les jeunes. D’après une étude publiée par Axtom* en décembre, 55 % des 18/34 ans pensent ainsi que n’importe qui peut, aujourd’hui, entreprendre. 58 % déclarent même qu’il suffit d’une bonne idée pour se lancer et…réussir. En cause une certaine méconnaissance de la réalité et une flopée d’idées pré-conçues. « Les récits simplifiés autour d’entrepreneurs à succès comme Steve Jobs, Elon Musk ou Mark Zuckerberg négligent souvent les difficultés, les efforts et les ressources nécessaires pour transformer une idée en entreprise viable. Avec l’accès accru aux technologies et aux ressources en ligne, les jeunes peuvent croire que lancer une entreprise est plus facile qu’il ne l’est réellement » explique Jérémie Benmoussa, directeur général et associé du collectif Axtom.
Le mythe de la facilité a la vie dure
Les écoles de commerce, nombreuses à proposer des programmes Entrepreneuriat dans leur cursus Bachelor ou Master, œuvrent à déconstruire ce mythe de la facilité, dont elles sont aussi les grandes témoins. « Nos étudiants entrepreneurs sont un peu des poètes et ces chiffres ne m’étonnent pas vraiment. Certes, il est aujourd’hui possible de créer facilement et rapidement une auto-entreprise mais un vrai projet nécessite un temps long et de l’expertise » indique Guillaume Dillon, responsable de l’incubateur EDCube de l’EDC et enseignant en Innovation et Entrepreneuriat. « Il manque aux jeunes l’expertise métier, ce qui est normal, mais leur vision de la création d’entreprise s’est construite autour de nombreux biais cognitifs. Si ChatGPT leur dit que leur idée de business est bonne, ils y croient. Si un influenceur témoigne de sa réussite sur les réseaux sociaux, ils identifient son succès à la facilité. Tout cet environnement joue sur la représentation faussée qu’ils se font de l’entrepreneuriat. Ils n’ont pas conscience des étapes intermédiaires pour mener un projet à bien » poursuit Guillaume Dillon.
Le constat est peu ou prou le même à l’EM Lyon. Alexander Bell, directeur de l’incubateur Venture Labs de l’école, insiste lui aussi sur la nécessité d’ouvrir les yeux des étudiants. « Ils ont été bercés par les levées de fonds publiées sur internet et le succès facile de certains entrepreneurs stars. Ce n’est pas la réalité car les échecs existent. Entre 70 et 80 % des startups périclitent dans les deux à trois années suivant leur création. Ce n’est pas assez dit et montré en France, contrairement aux États-Unis ou l’échec n’a rien de honteux. Ces discours alimentent certaines fausses croyances ».
L’importance de la transparence des écoles envers les futurs jeunes entrepreneurs
Dès la première année d’enseignement, et les premiers cours, les enseignants s’efforcent donc de tordre le cou à cette vision dégradée de l’entrepreneuriat. « Nous les faisons redescendre sur terre. Je fais intervenir des entrepreneurs et des experts pour que les étudiants assimilent la réalité de leur parcours, et parfois leurs difficultés. J’ai même créé l’an dernier un cours dédié aux fake news pour qu’ils apprennent à faire la part des choses entre des posts pipeau et des posts vérité » détaille Guillaume Dillon de l’EDC. L’idée n’est pas de les décourager, ni de les dissuader mais d’éviter les désillusions. « Dès mon premier cours, je démonte leurs croyances et leur déroule la difficulté de créer une entreprise rentable. Je vois souvent les visages blêmir face aux étapes à franchir et au travail à accomplir. Mais ils comprennent vite que 80 % du process de création passe par de la méthodologie et une bonne exécution. Ce cours d’introduction fait voler en éclats les fausses idées qu’ils pouvaient avoir » constate Alexander Bell de l’EM Lyon qui accompagne 150 étudiants-entrepreneurs au sein de Venture Labs.
*Les Français et la volonté d’entreprendre- Ifop/Axtom- décembre 2024
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Les jeunes se méprennent-ils sur la réalité de l’entrepreneuriat ?
Perception simpliste de l’entrepreneuriat : Une étude Axtom révèle que 55 % des jeunes de 18-34 ans pensent que n’importe qui peut lancer une entreprise, et 58 % estiment qu’une bonne idée suffit pour réussir, illustrant une vision idéaliste et déformée de l’entrepreneuriat.
Influence des récits d’entrepreneurs célèbres : Les succès de figures emblématiques comme Steve Jobs ou Elon Musk nourrissent l’idée que l’entrepreneuriat est facile pour les jeunes entrepreneurs, occultant les efforts et les défis préalables nécessaires pour réussir dans le monde des affaires.
Manque d’expertise chez les jeunes : Les écoles de commerce, conscientes des perceptions erronées des jeunes, soulignent qu’une réelle expertise est souvent manquante chez les jeunes entrepreneurs, ce qui les fait aborder la création d’entreprise avec des biais cognitifs.
Importance de la transparence dans l’enseignement : Dès le début de leur formation, les écoles encouragent les étudiants à comprendre la réalité des difficultés associées à l’entrepreneuriat et les compétences nécessaires. Des cours interrogeant les fausses croyances et présentant des intervenants réels sont mis en place pour sensibiliser les jeunes.
Réalités des échecs entrepreneuriaux : Entre 70 et 80 % des startups échouent dans les deux à trois premières années. En Europe, cette réalité n’est pas toujours mise en avant, contrairement aux États-Unis, ce qui souligne la nécessité d’une approche plus réaliste et éducative des programmes pour mieux préparer les futurs et jeunes entrepreneurs.