Horaires rigides, charge de travail écrasante, responsabilités accrues, respect de la hiérarchie, attentes implicites, codes sociaux tacites : autant de réalités qui peuvent bousculer, voire dérouter, les jeunes qui découvrent le monde du travail pour la première fois. Écoles et parents doivent les préparer à la réalité, sans brider leur enthousiasme, tandis que les entreprises doivent accueillir cette nouvelle génération avec bienveillance.
« Je n’avais aucune idée de la charge de travail du métier de commercial. J’avais négligé la pression qui règne au cœur du métier. Je ne m’attendais pas à en faire autant. Heureusement que cela me plaît ! » confie Charlotte Rabilloud. Comme beaucoup de jeunes qui arrivent avec une vision idéalisée ou floue de l’entreprise, la jeune étudiante de 22 ans à l’Ipag en alternance chez Sodexo aurait aimé être prévenue de la réalité du travail. Le passage du statut d’étudiant à celui de salarié, qui constitue un choc entre les habitudes académiques et les exigences de l’entreprise peut en effet s’apparenter à une plongée dans l’inconnu. Les difficultés peuvent aussi être accentuées par les écoles elles-mêmes qui ne préparent pas suffisamment les jeunes à la « pratique » des entreprises.
Développer les soft skills adéquats chez la jeunesse
Si certaines écoles intègrent des modules sur le management ou la posture professionnelle, d’autres peinent encore à connecter leurs enseignements aux réalités du terrain. En parallèle de l’enseignement théorique et des compétences techniques qu’elles dispensent, les écoles doivent aborder les compétences comportementales, comme l’art de la communication professionnelle, la gestion des émotions, l’organisation, la gestion des priorités ou la résolution de conflits ; et encourager les projets collaboratifs pour que les jeunes s’habituent aux dynamiques d’équipe.
De leur côté, pour mieux vivre cette transition, les jeunes doivent se préparer mentalement et développer certaines attitudes clés, comme cultiver l’humilité, un premier emploi constituant une phase d’apprentissage où les échecs font partie du processus. C’est ce qu’a appris à ses dépens Charlotte Rabilloud : « J’ai perdu deux appels d’offre en l’espace de trois jours. Il m’a manqué un accompagnement pour savoir prendre du recul face à la défaite » estime la jeune étudiante. Les jeunes, exposés sur les réseaux sociaux à des success stories qui valorisent l’entrepreneuriat éclatant et rapide, occultent souvent les efforts et les sacrifices qui le précèdent.
Parmi les attitudes positives à adopter, être proactif, c’est-à-dire demander du feedback, poser des questions. Les jeunes ont intérêt à adopter une culture d’apprentissage, à faire preuve d’adaptabilité et d’ouverture, soit à prendre des initiatives et à aller au-delà de leurs missions. Lors de sa première expérience en alternance au sein d’un club omnisports, Gautier Outters reconnaît avoir été trop souvent livré à lui-même et s’être « fait un peu secouer ». « On nous donnait des tâches au compte-goutte. Une fois que nous les avons accomplies, nous avons tendance, comme à l’école, à attendre au lieu de demander du travail. J’avais tendance à ne rien faire, à aller boire un café, fumer une cigarette, discuter avec les autres ou surfer sur mon téléphone. Ce que l’on a pu me reprocher ».
Les parents ont également leur rôle à jouer. En adoptant un rôle protecteur et en cherchant à éviter les épreuves à leurs enfants, certains risquent de freiner le développement de compétences essentielles comme la responsabilisation, la prise de décision, la gestion du stress ou la rigueur des deadlines.
Réduire le fossé entre formation et emploi
Pour démystifier le monde de l’entreprise et permettre aux jeunes de se familiariser avec le monde professionnel, lycées et universités ont intérêt à généraliser les expériences immersives via des stages ou alternances. Pour compléter les formations académiques, ils ont également intérêt à introduire des cours sur les réalités organisationnelles (fonctionnement d’une hiérarchie, gestion des conflits, résistance au stress…) et à co-construire, avec les employeurs, des modules pour mieux refléter les besoins du marché. Ils peuvent enfin organiser des espaces d’échange via des ateliers ou séminaires où jeunes et professionnels partagent leurs attentes et leurs expériences et échangent sur les réalités concrètes du travail ; ou encore des simulations de recrutement (entretiens, jeux de rôle) pour aider les étudiants à décoder les attentes des employeurs.
De leur côté, les entreprises peuvent proposer des parcours d’intégration clairs pour accompagner les nouveaux entrants, sensibiliser les managers à l’accompagnement bienveillant des jeunes recrues et enfin mettre en place des systèmes de parrainage où des professionnels guident les jeunes dans leurs premiers pas. Au sein du club omnisports où il a fait sa première année d’alternance, Gautier Outters estime ne pas avoir été « encadré ni formé. Je n’étais pas accompagné ». Passé en master 2 « business sport » à l’Inseec et dans une deuxième alternance au sein de la société Wetix, spécialisée dans la billetterie d’événements sportifs, il se réjouit de bénéficier d’un accompagnement rigoureux et d’avoir enfin des retours constructifs sur son travail.
Charlotte Rabilloud se félicite elle aussi de son choix d’entreprise pour son alternance : « Je voulais avoir un cadre et un suivi. C’est réussi puisque j’ai des points hebdomadaires ou mensuels qui me permettent d’avoir une visibilité sur leurs attentes et sur mes objectifs et d’échanger sur mon intégration et mon bien-être » explique-t-elle. À l’école aussi, elle bénéficie d’un tuteur d’entreprise. Au sein des organisations, la bonne pratique consiste à mettre en place un système de mentorat avec les jeunes recrues et à leur offrir un cadre clair avec des objectifs précis et des retours réguliers.
Enfin, dans certaines écoles, notamment dans les plus grandes, le discours fait miroiter aux étudiants, jugés comme l’élite de la nation, un futur radieux ou les valorise comme des “changemakers” attendus pour transformer le monde. Résultat : confrontés aux réalités d’un premier poste, souvent subalterne ou exigeant, les jeunes peuvent être rapidement désenchantés. Il est impératif qu’elles insistent sur l’humilité et sur la nécessité de prouver leurs compétences. Le choc peut également être accentué par les aspirations de la nouvelle génération, en quête de sens. Plus sensibles que leurs aînés à la qualité de vie au travail et à l’éthique, ils arrivent en entreprise avec des attentes fortes. La confrontation avec une culture d’entreprise traditionnelle, parfois axée sur la performance brute, peut là encore générer des frustrations.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : De l’école au monde de l’entreprise : le choc des cultures ?
Importance de la préparation à la vie professionnelle : Les étudiants sont souvent mal préparés aux exigences du monde du travail, ressentant un choc entre leurs études et la réalité professionnelle. Les établissements scolaires doivent intégrer des modules qui reflètent la pratique à leurs élèves, notamment sur la gestion du stress et la compréhension des hiérarchies pour l’avenir professionnel de leurs étudiants.
Rôle des parents et des attentes sociales : Les parents peuvent involontairement freiner l’autonomie de leurs enfants en étant trop protecteurs, ce qui les empêche de développer des compétences clés pour la vie active telles que la prise de décision et la gestion des responsabilités.
Besoin d’expériences immersives : L’introduction d’expériences pratiques et de visite en entreprise (stages, alternances) sont cruciales pour aider les jeunes à se familiariser avec le monde professionnel. Ces expériences doivent être enrichies de formations sur les réalités organisationnelles pour mieux préparer les étudiants.
Importance d’un bon encadrement en entreprise : Les entreprises doivent mettre en place des parcours d’intégration clairs et offrir un accompagnement solide aux nouveaux employés. Un bon dispositif de mentorat permet de guider les jeunes recrues, favoriser leur intégration et répondre à leurs attentes. Une expérimentation favorisant l’insertion des jeunes.
Aspirations changeantes des nouvelles générations : Les jeunes travailleurs recherchent un équilibre entre vie professionnelle et personnelle ainsi que des valeurs éthiques. Les entreprises doivent s’adapter à ces attentes et programmer une évolution dans leur formation pour éviter le désenchantement et permettre aux jeunes de se sentir valorisés et motivés au sein de leur environnement de travail.