Ils ont fait une prépa et ne le regrettent pas

Ils ont fait une prépa et ne le regrettent pas

Un rythme de travail intense, un esprit de compétition… Entre mythe et réalité, attraction et répulsion, les prépas (CPGE) ne laissent personne indifférent. Passés par là il y a plusieurs années, cinq témoins s’en souviennent ; et pas forcément pour le pire. Encore aujourd’hui, ils recueillent le fruit de leur labeur d’antan. 


Accessibles aux bacheliers, les classes préparatoires se suivent en un ou deux ans. Elles permettent de préparer divers concours et d’entrer dans de prestigieuses écoles.

Son bac en poche, on ressent quoi en intégrant la prépa ? « De la fierté », assure Anne-Cécile, 43 ans, entrepreneuse, qui a suivi une prépa khâgne, tandis que Julien 45 ans, directeur B2B dans le jeu vidéo, à l’entrée de sa prépa HEC, évoque une sensation d’accomplissement : « Je suis arrivé en prépa par hasard, poussé par les professeurs. Je n’avais donc que peu d’idées préconçues ou de retour d’expérience. Je me suis vite senti dans mon élément avec des professeurs exigeants et une approche des matières beaucoup plus poussée qu’au lycée ».

Elodie et Céline se remémorent l’arrivée en prépa. Intégrant une classe préparatoire économique et commerciale (prépa HEC CPGE), la première se retrouve face à un « énorme défi et la peur de ne pas être à la hauteur ». Idem pour Céline, journaliste, 43 ans. Sa première année en Hypokhâgne la déstabilise : « J’étais la meilleure de la classe et je me suis retrouvée catapultée parmi d’excellents élèves dotés d’une très grande capacité de travail. »

Choisir la prépa, c’est renoncer. Agée de 18 ans, Céline finance ses études avec un job d’étudiant et vit en couple, loin de ses parents : ses professeurs en CPGE n’hésitent pas à lui signifier que son rythme de vie est incompatible avec l’investissement attendu. Pour Valéry, 50 ans, professeur de philosophie, l’adaptation en prépa littéraire est laborieuse : « Ça a été dur car j’arrivais d’un lycée où j’étais tel le borgne au royaume des aveugles. Là, c’était moi l’aveugle ». Cette charge de travail que tous décrivent ne revêt pas que des mauvais aspects, bien au contraire : « J’ai ressenti un vrai soulagement. Après un profond ennui toute ma scolarité, j’ai trouvé un lieu où apprendre m’amusait, entouré de professeurs stimulants et disponibles. Un cadre de travail propice à un sentiment d’appartenance également : mes acolytes sont rapidement devenus mes amis les plus proches », explique Julien.

« Beaucoup d’étudiants en école de commerce regrettent leur prépa car c’était un autre niveau de stimulation intellectuelle », souligne Anne-Cécile. « La prépa était tellement riche intellectuellement que mes études de commerce se sont révélées par la suite décevantes », approuve Elodie. Quant à Valéry, il a continué à suivre les heures de philo de khâgne pendant son année de maîtrise et de Capes.

Tous les anciens élèves s’accordent à dire que la CPGE les a marqués durablement. « Face à de telles charges de travail, on développe sa capacité d’adaptation, on met en place des subterfuges », explique Elodie. « On devient créatif. Il faut apprendre à prioriser, choisir, s’investir au bon endroit, au bon moment », complète Julien. « Tout ceci contribue à faire grandir sa confiance en soi », selon Elodie qui déclare même qu’elle n’aurait jamais été entrepreneuse sans passer par la case prépa. « Avoir des facilités ne suffit pas. Il faut mesurer sa force de travail et organiser sa pensée. J’ai pu explorer ma capacité de travail dans certaines matières et dès lors, m’orienter vers le journalisme », relate Céline.

Il y a presque un sentiment de reconnaissance de la part des anciens élèves, qui ont l’envie de partager leurs expériences des CPGE à leur tour : « Si j’ai eu mon agrégation du premier coup, c’est assurément grâce à la prépa. J’y ai tout appris et cela me sert tellement encore que j’enseigne dans le type de classe où j’ai moi-même été. Après avoir appris beaucoup, c’est à mon tour de transmettre beaucoup », déclare Valéry. La prépa, c’est en résumé l’école de la vie. « Il y a parfois les mauvais coups des camarades, mais on apprend comment les dépasser ! » observe Anne-Cécile. « On est confronté à des gens brillants, pas toujours bienveillants ; il faut se protéger », confirme Céline. « Cela prépare à la compétition, mais j’ai découvert aussi un groupe soudé et solidaire », nuance Julien. 

«  Alors qu’il faut faire un choix si structurant pour la vie à 18 ans, la prépa permet de rester généraliste. Je le recommande à tous les étudiants qui l’envisagent,» conclut Anne-Cécile.