Ingénieur urbaniste : un profil pluridisciplinaire au service de la transformation des villes

Ingénieur urbaniste : un profil pluridisciplinaire au service de la transformation des villes

Qu’ils soient architectes ou ingénieurs, les professionnels de l’urbanisme agissent à l’échelle d’une ville ou d’un territoire pour mener à bien des projets aux multiples facettes : constructions neuves, rénovations, réhabilitations et aménagement de l’espace public. Bien que ces métiers aient un but commun, ils ne mobilisent pas les mêmes compétences et n’interviennent pas aux mêmes étapes du projet.


Vincent Leclercq est ingénieur urbaniste au sein de l’Agence 360 et pilote les activités lyonnaises de l’agence. Entre OPC-IC, OPC-U et assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), il nous raconte son parcours et les différents métiers qu’il exerce au quotidien. Témoignage.

Vincent Leclercq : Après le bac, j’ai intégré l’école d’ingénieur HEI, à Lille, où j’ai effectué deux ans de classe préparatoire intégrée avant de rejoindre la formation d’ingénieur de trois ans. J’ai assez vite choisi la spécialité BAA (Bâtiment, Aménagement, Architecture), un parcours qui m’attirait parce que c’était une des spécialités les plus créatives. On avait notamment des ateliers en école d’architecture, un jour par semaine, qui permettaient de comprendre comment travaillent les architectes avec lesquels on serait amené à collaborer dans le futur.

J’avais très envie de passer de l’échelle du bâtiment à celle de l’urbanisme, parce que je m’intéressais au fonctionnement de la ville : comment les citadins se déplacent ? Comment les territoires s’organisent ? C’est lors d’un semestre à l’étranger dans la ville de Cali, en Colombie, que j’ai pu aborder cette dimension en choisissant des modules en faculté d’architecture (en complément des modules d’ingénierie).

J’ai ensuite obtenu mon diplôme d’ingénieur, mais j’avais encore besoin d’approfondir l’aspect urbain et la question du développement durable, trop peu présente à mon sens dans le cursus ingénieur. J’ai donc suivi un master spécialisé en alternance, pendant un an, à l’École des Ponts Paristech pour compléter ma formation. Là, je me suis vraiment penché sur le projet urbain et le domaine de l’urbanisme, sous l’angle de l’ingénierie. C’est-à-dire comprendre comment fonctionne la ville de manière “organique” : les réseaux, les flux de personnes (circulations, transports en commun, mobilités douces) et de marchandises (camions de livraisons, logistique urbaine), l’organisation et la planification des grands projets d’aménagement urbain, l’administration politique du territoire, la place de la consultation des citoyens et les opportunités qu’offrent les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), etc.

Vincent Leclercq : Pendant mes études d’ingénieur, j’ai effectué plusieurs stages en construction dans une entreprise de travaux publics, dans une PME de construction bois (Lofoten Construction) et en agence d’architecture et ingénierie (AIA (Architectes Ingénieurs Associés)). J’ai fait mon stage de fin d’études chez Bouygues Constructions, dans un service de montage et développement, qui intervenait au tout début du projet de construction de logements neufs. C’était assez intéressant parce que pluridisciplinaire : il fallait à la fois travailler avec les architectes sur la première volumétrie, consulter l’ensemble des services techniques internes à Bouygues pour savoir quel type de fondation ou de structure privilégier et monter un premier bilan de construction pour établir un budget. J’ai beaucoup appris dans ce service et j’ai donc décidé de poursuivre en alternance pour mon master spécialisé.

Vincent Leclercq : Aujourd’hui, je travaille pour l’Agence 360 qui, comme son nom l’indique, aborde le projet urbain sous toutes ses coutures. 50 % de l’activité de l’agence s’articule autour de ce qu’on appelle de l’OPC-IC (Ordonnancement, Pilotage, Coordination, Inter-Chantier) et OPC-U (Ordonnancement, Pilotage, Coordination, Urbain). 

Ces termes barbares correspondent à une réalité rencontrée en phase de construction/renouvellement d’un quartier. Ces opérations complexes impliquent en simultané la construction des bâtiments privés, d’équipements publics (crèches, écoles, infrastructures sportives, etc), des démolitions de bâtiments vétustes ou inadaptés, et la rénovation ou réhabilitation d’édifices nécessitant un rafraîchissement. Il y a également l’aménagement des espaces publics à réaliser : les routes, les aménagements paysagers, les parcs, etc. Et enfin, il y a tous les réseaux à faire passer en souterrain : gaz, eau potable, évacuation des eaux usées, électricité, réseaux de chaleur, éclairage public, câbles de télécommunication, etc. C’est tout un univers inconnu du grand public qui s’étale sous nos pieds. La mission de l’OPC-IC est d’organiser cette complexité pour faire en sorte que tous ces chantiers, qui sont gérés par des entreprises et des personnes différentes, puissent fonctionner ensemble en impactant le moins possible les riverains. Notre rôle est alors d’aller chercher de l’information, de comprendre les contraintes et le mode de fonctionnement de chaque partie prenante, d’identifier les bons intervenants et de communiquer pour que, le jour J, tous ces corps de métiers soient synchronisés. L’OPC-U, c’est la même chose, mais à plus grande échelle et sur un niveau de complexité plus élevé. Ce sont alors des chantiers qui courent sur 10-20 ans, en contexte de renouvellement urbain, là où l’OPC-IC intervient sur des quartiers qui sont construits en 5 ou 10 ans.

Cette partie opérationnelle représente plus de la moitié de notre activité, aujourd’hui. Mais l’idée des fondateurs de 360 était, justement, de ne pas faire que ça, mais d’intervenir également en amont du chantier, sur la partie conception et programmation de projet urbain. Cela permet d’intégrer les contraintes de terrain – que nous connaissons bien grâce à l’OPC-IC-U- dès la conception du projet et ainsi de l’appréhender sous un angle plus fonctionnel, tout en y injectant les dimension environnementales et sociales qui sont centrales pour l’agence. Pour adresser ce sujet, l’agence a embauché des concepteurs, donc des architectes, qui sont en capacité de concevoir un projet urbain, de comprendre les problématiques du lieu, d’étudier la réglementation, de dessiner les implantations, les volumes et le programme dans ses grandes lignes.

Ce qui nous anime dans ces missions est la possibilité d’accompagner un maître d’ouvrage, par exemple un aménageur, une ville ou une métropole, dans la définition de son projet et de faciliter ses prises de décisions en mettant la lumière sur tous les aspects du projet. Cela est possible par le fait que nos architectes travaillent main dans la main avec les l’OPC-IC-U, mais également avec nos spécialistes du projet urbain et des politiques publiques de l’aménagement, qui travaillent dans le troisième pôle de l’agence : l’assistance à maîtrise d’ouvrage.

Ce troisième métier, très transverse, consiste à accompagner nos clients dans le pilotage de leurs projets, toujours dans une posture de tiers facilitateur pour faire travailler ensemble et faire prendre des décisions éclairées et pragmatiques. Nous exerçons ce métier à l’échelle du projet urbain (AMO pilotage du projet, innovation urbaine, montage économique etc), mais également à l’échelle des politiques publiques métropolitaines et nationales. Par exemple, nous accompagnons le ministère de la transition écologique dans l’animation de dispositifs destinés à accompagner la transition environnementale du secteur de l’aménagement.

Vincent Leclercq : J’ai plusieurs casquettes. En tant qu’OPC Inter-chantier, mon client direct est l’aménageur et mes interlocuteurs les plus fréquents sont les promoteurs immobiliers et bailleurs sociaux, qui rachètent des terrains pour y construire ou rénover des bâtiments, les concessionnaires de réseau qui assurent les opérations de maintenance et de création de réseaux, et enfin les architectes et bureaux d’études missionés pour concevoir les espaces publics.

Sur ces missions, mon objectif est de comprendre comment le chantier fonctionne et de récupérer des informations les plus précises possibles pour identifier les contraintes du site, définir les accès et circulations chantiers, où reporter les circulations des riverains, savoir où passent les réseaux existants et projetés, définir où et quand raccorder les lots privés, etc.

À partir de ces investigations, notre équipe définit précisément dans quel ordre seront réalisés les chantiers. Pour cela, on crée des carnets de phasage, documents dans lesquels on définit jour par jour, semaine par semaine, ou mois par mois, toutes les étapes du chantier. On soumet le résultat à tous les acteurs impliqués et on l’ajuste continuellement pour que tout fonctionne.

Nous cadrons également contractuellement l’organisation des chantiers grâce à des documents comme des chartes chantiers, qui contiennent des pénalités pour qui ne jouerait pas le jeu. Enfin, nous effectuons à une fréquence définie des visites de sites et des réunions de coordination avec l’ensemble des acteurs pour solutionner les conflits et mettre tout le monde d’accord. Ce dispositif global nous permet de maîtriser dans le temps et dans l’espace l’ensemble des opérations, permettant ainsi à nos clients aménageurs de se concentrer sur leurs spécialités, d’avancer sereinement, et de satisfaire les attentes des intervenants du chantier, des riverains et des mairies.

Je fais également beaucoup d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Dans ce métier, il y a le client (la maîtrise d’ouvrage) qui porte un projet d’aménagement. Mon rôle est de lui apporter un appui sur ce sur quoi il n’est pas sachant. Cette activité est donc très variée et me permet de faire évoluer les pratiques constructives et d’aménagements pour qu’elles soient plus efficaces et respectueuses de l’environnement.

Chez 360, chacun cultive une spécialité. Moi, c’est l’économie circulaire, parce que je suis passionné par le sujet et que j’ai fait, pendant mon master spécialisé, une thèse professionnelle et un peu d’enseignement sur ce sujet. J’ai d’ailleurs monté une formation que je dispense, dans le cadre de mon travail, à des professionnels de la construction de l’aménagement.

Vincent Leclercq : C’est de faire changer les pratiques de l’aménagement et de faire en sorte que la ville soit plus durable et agréable, pour toutes les catégories de population. Ma petite victoire quotidienne est de faire en sorte que les gens arrivent à travailler ensemble et que l’on réussisse à trouver des compromis. Ce qui me plaît, c’est aussi d’être sur le terrain, voir des choses différentes, rencontrer des personnes. Cela me fait grandir et apprendre au quotidien. J’aime aussi le fait d’exercer plusieurs métiers et de pouvoir me spécialiser dans les thématiques qui me plaisent et m’animent.

Vincent Leclercq : Pour donner des exemples concrets, on a imaginé une manière de mieux gérer les déchets de chantier. On a observé qu’en OPC-IC les matériaux n’étaient jamais triés à la source et qu’ils étaient donc mal valorisés. On a proposé notre solution à l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui nous a donné une petite subvention pour faire de la recherche sur ce sujet. Cela nous a permis d’approfondir notre intuition, de prouver notre concept et d’aller le proposer à des aménageurs. Certains ont eu envie de le tester sur une opération et nous menons actuellement une expérimentation à grande échelle très concrète pour un aménageur Lyonnais.

Dans ces cas-là, je fais de l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour embarquer tout le monde dans ce nouveau modèle. On est allé voir tous les promoteurs (car ce sont eux qui génèrent les déchets) et on a essayé de recueillir leur adhésion pour qu’ils rentrent dans le modèle et ensuite l’imposer à leurs entreprises de travaux. On a rédigé une consultation pour avoir un seul gestionnaire de déchets à l’échelle de plusieurs lots à construire de façon mutualisée et pour qu’il y ait moins de flux de camions. Ce sont des missions qui prennent du temps et sur lesquelles on navigue à vue, parce que tout est à inventer.

Vincent Leclercq : On pourrait résumer en disant que l’ingénieur urbaniste mobilise ses compétences techniques pour faciliter la conception et la réalisation d’opérations d’aménagement urbain. L’ingénieur urbaniste intervient sur des projets qui touchent énormément de professionnels et de compétences différentes, et doit donc avoir un profil curieux, empathique et fédérateur, ayant la soif d’apprendre, de comprendre et de mettre d’accord, en se positionnant comme chef d’orchestre du projet.

Néanmoins, il n’existe pas forcément de définition précise du métier d’”ingénieur urbaniste” : c’est un métier récent, que nous créons et faisons évoluer au même rythme que les villes, dont l’aménagement doit continuellement s’adapter pour répondre aux grands défis sociaux et environnementaux. Par exemple, sur mon statut de salarié, je suis ingénieur, je ne suis pas urbaniste, mais je le prône parce que j’ai fait une formation pour ça, parce que c’est l’échelle à laquelle je travaille et que c’est dans cet espace-là que j’ai ma valeur ajoutée.


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Ingénieur urbaniste, un profil pluridisciplinaire au service de la transformation des villes.

Parcours académique diversifié : Vincent Leclercq a suivi une formation d’ingénieur avec une spécialité en Bâtiment, Aménagement, Architecture à HEI, complétée par un master spécialisé à l’École des Ponts Paristech pour approfondir les aspects urbains et durables.

Rôle d’OPC-IC et OPC-U : En tant qu’ingénieur urbaniste chez l’Agence 360, Vincent coordonne des projets d’urbanisme complexes, synchronisant les efforts de divers acteurs pour des aménagements urbains efficaces, notamment en construction, rénovation et gestion de réseaux.

Assistance à maîtrise d’ouvrage : Vincent joue un rôle de facilitateur pour ses clients, apportant son expertise sur des projets d’aménagement en intégrant durabilité et innovation, tout en faisant progresser les pratiques environnementales comme le tri des déchets de chantier.

Polyvalence et spécialisation en économie circulaire : La carrière de Vincent est marquée par une diversité de missions, avec une spécialisation en économie circulaire, où il développe et met en œuvre des solutions pour une gestion plus durable des ressources dans l’urbanisme.

Impact et évolution du métier : En tant qu’ingénieur urbaniste, Vincent contribue à la transformation continue des villes pour les rendre plus durables et agréables, faisant évoluer le métier pour répondre aux défis sociaux et environnementaux actuels.