La France n’irait pas assez vite dans l’adoption de l’intelligence artificielle. Seulement 30 à 40 % de nos entreprises l’utilisent aujourd’hui, contre presque 60 % en Amérique du Nord. Ce retard pose une question cruciale : faut-il miser sur la formation initiale ou continue pour rattraper cet écart ? Comment les écoles et universités se saisissent-elles de ce nouvel enjeu de compétitivité ?
Selon l’étude “GoStudent 2024 sur l’éducation du futur” réalisée avec Edelman Data & Intelligence, seulement 11 % des élèves français ont accès à des outils d’IA à l’école, contre 38 % en Allemagne et 20 % au Royaume-Uni. Cette situation contraste avec l’intérêt marqué des jeunes pour les nouvelles technologies, perçues comme un levier d’apprentissage puissant mais aussi d’employabilité future.
Pour rattraper ce retard, les écoles et universités françaises ont un rôle essentiel à jouer dans la formation aux compétences en intelligence artificielle, à la fois en termes de formation initiale et continue. « L’ensemble des institutions d’enseignement supérieur a saisi l’urgence de l’enjeu. Certains établissements sont encore en phase de réflexion, quand d’autres se lancent sur la mise en application », constate Léon Laulusa, directeur général de l’ESCP Business School. L’école de commerce vient tout juste de signer un partenariat historique avec OpenAI afin de former 1 000 champions parmi son personnel administratif, ses étudiants, ses professeurs et même ses anciens apprenants, tous réunis autour d’une même mission : comprendre et intégrer l’intelligence artificielle dans leurs pratiques quotidiennes.
Former les futurs formateurs à l’intelligence artificelle
Du côté des universités, Daniel Guinet, professeur émérite de l’Université Claude Bernard Lyon 1, astrophysicien de formation et spécialisé dans l’innovation pédagogique, déplore que les professeurs ne soient pas formés. « L’université est dans un temps long, contrairement à la technologie. On propose pour le moment une sensibilisation à l’IA mais ce n’est pas suffisant. Nous manquons de formateurs de futurs formateurs, pour montrer par exemple aux enseignants quels bénéfices en tirer. »
Un objectif bien compris par l’ESCP, pour qui ces 1 000 champions font partie d’une stratégie de déploiement massif de l’IA, en formant ceux qui à leur tour diffuseront les connaissances acquises. Mais que leur apprend-on exactement ? « Nous les encourageons à tirer parti d’assistants virtuels alimentés par l’intelligence artificielle pour accomplir des tâches variées, qui vont de la gestion d’agenda à la rédaction de leur mémoire via un bot. L’idée est de les amener à se montrer créatifs dans l’utilisation de l’IA, non seulement pour optimiser leurs propres usages, mais aussi pour développer des solutions utiles en entreprise », détaille le directeur. « Nous voulons que nos étudiants ne soient pas seulement consommateurs de l’IA, mais aussi créateurs ».
La formation ne se limite pas à l’apprentissage technique. Deux aspects cruciaux sont mis en avant : la protection des données et une utilisation éthique. Un code de bonne conduite a été établi pour encadrer l’usage de l’IA par les étudiants. Par exemple, il est obligatoire de mentionner son utilisation pour la rédaction de mémoires ou la collecte d’informations. De plus, les étudiants sont sanctionnés en cas de diffusion de fausses informations via des outils d’IA. « Ce code est constamment enrichi pour répondre aux nouveaux défis éthiques que posent les évolutions de l’IA », poursuit Léon Laulusa, rejoint par Daniel Guinet dans cette réflexion : « la majorité des étudiants utilisent déjà l’IA générative, mais le danger est qu’ils ne sont pas formés et pas assez vigilants sur les biais et les hallucinations. Mal utilisée, l’intelligence artificielle peut générer beaucoup de bêtises. »
Faut-il privilégier la formation initiale ou continue pour les métiers du numérique ?
Qui faut-il donc former en premier pour rester compétitif à l’échelle mondiale ? « À court terme, les étudiants doivent être formés en priorité », assure Daniel Guinet. Mais outre la formation initiale, la formation continue est un levier indispensable pour rattraper le retard de la France en matière d’IA. Pour cela, l’ESCP a également lancé l’”Extension School”, un programme de 150 heures dédié aux professionnels et axé sur des sujets comme l’IA, la création d’applications no code et la transition écologique. L’objectif est de rendre ces formations accessibles à tous, avec des tarifs abordables.
En matière de formation continue, les besoins des entreprises, grandes ou PME, se concentrent sur des compétences pratiques liées à la résolution de problèmes. Cela inclut la capacité à poser de bonnes questions, ou à formuler des prompts pertinents pour une IA générative. L’esprit de synthèse et la capacité à interagir sont des qualités transversales particulièrement appréciées dans ce contexte.
À l’avenir, l’ESCP envisage un modèle de formation continue inspiré du modèle d’abonnement type “Netflix”. L’idée est de permettre un accès flexible et régulier aux modules de formation mis à jour en permanence, afin de répondre aux besoins d’apprentissage tout au long de la vie et de suivre les évolutions rapides de la technologie et des métiers.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : La formation initiale et continue pour répondre aux enjeux de l’IA.
État des lieux de la formation à l’intelligence artificielle : La France accuse un retard dans l’adoption de l’intelligence artificielle (IA), avec seulement 30 à 40 % des entreprises utilisant ces technologies. Les écoles et universités doivent renforcer la formation en intelligence artificielle pour préparer les étudiants et les professionnels aux défis contemporains et aux métiers de demain.
Initiative de l’ESCP : L’ESCP Business School a signé un partenariat avec OpenAI pour former 1 000 “champions” de l’intelligence artificielle parmi ses étudiants et son personnel, leur enseignant à utiliser des outils IA dans leurs tâches quotidiennes et à devenir créateurs de solutions innovantes.
Formation des enseignants : Il y a un besoin urgent de former les enseignants sur l’IA. Actuellement, la formation se limite à une sensibilisation, et il manque des formateurs capables d’intégrer ces nouvelles connaissances dans l’enseignement. Une formation adéquate est essentielle pour éviter des utilisations problématiques de l’intelligence artificielle.
Importance de l’éthique et de la protection des données : La formation ne se limite pas aux compétences techniques ; elle inclut aussi des aspects éthiques et de protection des données, comme un code de bonne conduite pour les étudiants utilisant l’IA. Cela permet de sensibiliser à l’importance de la véracité et des biais potentiels des outils.
Formation continue et flexibilité : En plus de la formation initiale, la formation continue est cruciale. L’ESCP a lancé l’”Extension School”, offrant des programmes axés sur des compétences pratiques en intelligence artificielle pour les professionnels. À l’avenir, un modèle d’abonnement pourrait faciliter l’accès à des modules de formation constamment mis à jour pour accompagner l’évolution rapide de la technologie au sein des métiers.