L’industrie du luxe : entre héritage et innovation

L’industrie du luxe se porte bien, notamment après une année record enregistrée en 2023. Mais préserver son héritage, dont des savoir-faire historiques, constitue aujourd’hui un défi, selon Marta Marcheva, Directrice Exécutive de Sup de Luxe.


« Pouvoir innover sans rompre avec son ADN ». C’est l’un des principaux enjeux de l’industrie du luxe, affirme Marta Marcheva, Directrice Exécutive de l’école Sup de Luxe (ou Institut Supérieur de Marketing du Luxe), fondée par la Maison Cartier en 1990. « Le défi, aujourd’hui, réside dans la capacité à préserver l’héritage du luxe, caractérisé par sa rareté, son extrême qualité, l’utilisation de matières nobles… Tout en s’adaptant aux évolutions des marchés et des attentes des clients, ce qui n’est pas une tâche aisée », estime-t-elle.

Qualifié d’artisanat d’excellence grâce à des savoir-faire historiques, comment le luxe peut-il encore conserver son authenticité ? « Travailler selon les standards du luxe prend du temps. Le temps long du luxe est celui de la recherche d’une qualité extrême, d’une esthétique unique et de matières premières d’exception, explique Marta Marcheva. Dans le monde moderne, ces savoir-faire ne se transmettent plus aussi facilement, le retour sur investissement est souvent lent, ce qui les rends moins attractifs pour les nouvelles générations. C’est l’une des préoccupations des maisons depuis une dizaine d’années. En France, elles ont pris les devants, aidées par des institutions comme le comité Colbert (l’association de promotion du luxe français, ndlr) et des lycées spécialisés, pour protéger cet héritage ».

Pour convaincre une génération hyperconnectée, les maisons de luxe ont massivement investi les réseaux sociaux. « Face aux interrogations sur la légitimité des prix des produits de luxe, les maisons n’hésitent plus à communiquer sur leurs savoir-faire et à dévoiler les coulisses de leur artisanat, ce qui était rare par le passé. Aujourd’hui, il est courant qu’une maison explique qu’un produit nécessite 600 heures de confection, de broderie, etc. Montrer tout le travail qu’implique la fabrication devient un véritable argument de vente ». 

Le marché du luxe, quant à lui, ne connaît pas la crise, et se porte même « très bien ». « L’industrie a enregistré une année record en 2023, après la crise du Covid, avant de se stabiliser en 2024 », détaille Marta Marcheva. Un succès qui semble bien parti pour durer. « Le seul risque serait un excès de démocratisation et un nivellement par le bas, comme l’utilisation de matières moins nobles. Quand une maison de luxe utilise du polyester pour ses collections mode, je m’interroge. Historiquement, seules des matières nobles et naturelles, comme la soie, le coton ou la laine, étaient considérées. Pour séduire à la fois la clientèle historique et les nouvelles générations, certaines maisons misent sur deux collections, deux ADN, au risque de dénaturer leur héritage ». 

Parmi les secteurs particulièrement dynamiques, la Directrice Exécutive de Sup de Luxe cite la haute gastronomie. « Comme le luxe en général, ce secteur s’est énormément démocratisé. Autrefois très cloisonné, codifié et élitiste, il s’est ouvert grâce à des émissions comme Top Chef ou à des réseaux sociaux comme Instagram. La pandémie de Covid a également marqué un tournant : les consommateurs recherchent désormais des expériences mémorables plutôt que la possession de biens. Plutôt que d’acheter un sac à 10 000 euros, on préfère s’offrir des moments d’exception, comme un dîner dans un restaurant étoilé. Cette dynamique touche aussi d’autres domaines, « la mixologie, la pâtisserie – qui n’a jamais vu une vidéo du chef pâtisser Cédric Grolet ? – ou encore des créations comme le chocolat signé Louis Vuitton ». 

Sup de Luxe, qui forme aux métiers du luxe (hors artisanat) depuis 35 ans, doit s’adapter à ces transformations. « Parmi les évolutions notables, on observe, ces 10 dernières années, la montée en puissance du marketing digital, mais aussi un volet majeur : la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Il y a une prise de conscience croissante de l’importance de la RSE et de l’économie circulaire. Ces notions ne sont pas encore pleinement intégrées de manière fluide et homogène dans toutes les entreprises. Ce n’est pas un métier à part entière, mais plutôt une compétence qui sera de plus en plus valorisée. Cette année, nous avons d’ailleurs introduit pour la première fois un cours de RSE Luxe dès la première année du bachelor ». Les « métiers traditionnels », eux, restent essentiels : le retail, la communication et toutes les fonctions directement liées au business continuent de jouer un rôle central. De nombreuses possibilités de carrière s’offrent donc aux étudiants. Le poste de chef de produit reste l’un des plus prisés. 

« Notre ADN est celui des maisons, de l’industrie et des différents secteurs. Nous proposons un bachelor plutôt orienté commerce, ainsi que des MBA et MSc plus axés sur le marketing et le management. En revanche, si l’artisanat n’est pas notre cœur de métier, il est évidemment intégré dans notre ingénierie pédagogique, précise la Directrice Exécutive. Nous préparons les futurs leaders et managers du luxe à accompagner l’artisanat, à comprendre le produit pour mieux le valoriser et le développer ». 

Aucun prérequis particulier n’est exigé pour intégrer le bachelor Sup de Luxe. « Ce qui compte, pour les étudiants qui arrivent du lycée, c’est leur passion et leur motivation. Ils intègrent une école où ils apprendront à être critiques envers le luxe, à l’accompagner dans son développement, dans son innovation, mais aussi dans sa mission de préservation de l’héritage et de son rayonnement ». Quant à l’employabilité, Marta Marcheva se veut rassurante, évoquant un « large écosystème, également composé de nombreux sous-traitants, start-up et agences spécialisées ». 


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : L’industrie du luxe, entre héritage et innovation.

Défi de l’innovation sans perdre l’héritage : Marta Marcheva, Directrice Exécutive de Sup de Luxe, souligne que l’industrie du luxe doit innover tout en préservant ses savoir-faire historiques et la qualité de ses produits, un défi complexe dans un marché en constante évolution.

Changement de perception grâce à la communication : Les maisons de luxe investissent les réseaux sociaux pour mieux expliquer leurs savoir-faire artisanaux, soulignant le temps et l’effort requis pour créer leurs produits, afin de justifier les prix élevés et d’attirer une clientèle moderne.

Croissance continue du marché du luxe : Malgré les défis, le secteur du luxe a connu une année record en 2023. Toutefois, des inquiétudes subsistent quant à l’utilisation de matières moins nobles, qui pourrait nuire à l’authenticité et au prestige des marques.

Importance de la RSE et de l’économie circulaire : Les écoles de luxe comme Sup de Luxe adaptent leur enseignement pour inclure la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et l’économie circulaire, répondant ainsi aux nouvelles attentes des consommateurs et du marché.

Opportunités professionnelles variées : Sup de Luxe forme les futurs leaders du secteur avec un programme axé sur le commerce, le marketing et la gestion. L’accent est mis sur l’évolution des métiers traditionnels et l’importance d’un bon esprit critique dans un secteur dynamique, garantissant ainsi une excellente employabilité pour les diplômés.