Quel rapport la Gen Z entretient-elle avec les entreprises ?

Le rapport de la génération Z avec l'entreprise

Le monde du travail fait encore rêver les 18-28 ans mais leurs exigences professionnelles laissent les chefs d’entreprises songeurs, pour ne pas dire démunis. Les résultats de l’enquête menée par Ispos pour le réseau d’écoles d’ingénieurs CESI mettent en lumière des divergences significatives et détaillent les attentes réciproques de ces deux générations.


« Un malentendu entre les chefs d’entreprise et la génération Z ! ». C’est ainsi que Brice Tenturier, Directeur général délégué d’Ipsos, qualifie les relations entre la Gen Z, les jeunes nés après 1995, et les dirigeants actuels. Les résultats de l’étude présentée le 18 juin* par l’institut confirment une certaine incompatibilité entre les « digital natives » et leurs aînés. 

Coté chefs d’entreprise, le constat est sévère. Brice Tenturier parle même d’une « forme de désarroi chez les dirigeants ». 86 % perçoivent en effet la Gen Z comme différente de la génération précédente, les “Y” (nés entre 1980 et 1994). Décrits comme moins investis, moins fidèles à l’entreprise et moins respectueux de la hiérarchie, les jeunes d’aujourd’hui ont un rapport ambigu au travail. 70% des dirigeants peinent d’ailleurs à cerner leurs attentes.

Les dirigeants estiment ainsi que les jeunes sont moins prêts à faire des heures supplémentaires non rémunérées et à travailler plus en cas de pic d’activité. Cerise sur le gâteau, cette difficulté à comprendre la Gen Z s’accompagne également de problèmes de recrutement. 58% des chefs d’entreprise déclarent rencontrer des difficultés pour proposer des rémunérations jugées attractives par les jeunes. Un constat confirmé par Julien R, directeur financier dans un grand groupe énergétique, à la recherche d’un contrôleur de gestion junior. « A moins de 40 000 euros par an, cela ne les intéresse pas. Ils déclinent la proposition » souligne le cadre dirigeant qui peine à recruter.

Ce portrait peu flatteur n’est cependant pas tout à fait fidèle au ressenti des jeunes. « Ils sont toujours prêts à s’investir dans le travail, il n’y pas de renoncement de leur part » constate Brice Tenturier. 84 % disent ainsi avoir « le goût du travail » et 85 % estiment que réussir sa vie professionnelle est un objectif essentiel. Cette aspiration à la réussite va de pair avec le souhait de travailler en entreprise : 80 % auraient envie de travailler dans une entreprise de taille moyenne et 76 % dans une petite entreprise, loin devant la fonction publique (59 %) et les associations (59 %). « Le travail reste une valeur essentielle pour eux mais sous conditions. Voilà ce qui crée le malentendu avec la génération des chefs d’entreprise habitués à 30 ans de chômage de masse » note Brice Tenturier.

Si la Gen Z se dit attachée aux critères traditionnels (équilibre, rémunération, intérêt), les facteurs d’autonomisation sont des critères importants dans leur choix de poste. 72 % des 18-28 ans jugent important ou primordial l’autonomie et la possibilité de prendre des décisions seul, 70 % la flexibilité des horaires et 69 % le fait de pouvoir évoluer vers d’autres secteurs ou spécialités. Recherchant l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, ils ne se disent pas prêts à « sacrifier » leur temps à l’entreprise. Particulièrement quand ils n’ont pas de contre partie financière. « Lorsque l’entreprise leur demande de faire plus, gratuitement, là, ça bloque » prévient Brice Tenturier.

Résultat, lorsqu’ils ne se retrouvent pas ou plus dans l’entreprise, ils n’hésitent pas à se mettre en mouvement. 79 % des jeunes considèrent qu’il est indispensable de changer régulièrement d’entreprise pour avoir un meilleur salaire et un poste plus intéressant. Si une majorité tente d’abord le dialogue, ils envisagent la démission quand la situation n’évolue pas dans le bon sens dans les quelques jours ou semaines qui suivent la discussion. Une exigence de rapidité perçue comme de l’infidélité par les dirigeants alors que les jeunes la voient comme un engagement sous conditions. De quoi, à nouveau, alimenter le malentendu générationnel !

*Enquête réalisée auprès de 1 000 jeunes âgés de 18 ans à 28 ans, du 19 avril au 7 mai ; et de 405 dirigeants d’entreprise, du 24 avril au 14 mai 2024.