« Réconciliations » : les parents d’élèves au cœur d’une méthode pédagogique créée par deux professeurs

l'implication des parents comme levier de motivation des jeunes qui passent le bac

Deux enseignants d’un lycée de Drancy, en Seine-Saint-Denis, ont développé une méthode pédagogique impliquant les parents d’élèves. En quelques années, le protocole a fait ses preuves, et attire désormais de plus en plus d’enseignants français. 


Près d’un mois et demi consacré aux révisions. C’est le luxe que se sont offerts les élèves de terminale d’un lycée de Drancy, en Seine-Saint-Denis, avant d’entamer la session 2024 du baccalauréat. « Chaque année, les élèves terminent très tôt le programme. Grâce à leur sérieux, les cours vont tellement vite qu’on a toujours beaucoup de temps pour réviser », nous explique Jérémie Fontanieu, professeur de sciences économiques et sociales (SES) au sein de l’établissement. Depuis 2017-2018, sa classe affiche 100% de réussite au bac. Ses élèves de seconde font également preuve de discipline tout au long de l’année.

A l’origine de ce succès : la méthode « réconciliations », développée par l’enseignant et son collègue David Benoît, professeur de mathématiques, dès 2012. Cette dernière, que l’on peut également découvrir dans un documentaire sorti au cinéma en mars 2024 (« Le Monde est à eux » de Jérémie Fontanieu), est applicable à tous les niveaux, de l’école au lycée. « On faisait face aux difficultés de tous les professeurs, pas seulement au lycée, pas seulement à Drancy », raconte Jérémie Fontanieu. « Les élèves ne faisaient pas ce qu’on leur disait. En classe, ils étaient trop passifs, et à la maison, ils ne révisaient pas. Ils gâchaient leur potentiel », estime-t-il.

Face à ce constat d’échec, les deux professeurs ont décidé de se tourner vers les parents d’élèves. Un accueil positif les a encouragés à approfondir cette piste. Il aura fallu environ cinq ans pour que la méthode « réconciliations » soit développée.

Comment ça marche ? Le « le 31 août ou le 1er septembre », les professeurs prennent contact avec les parents. Tout au long de l’année, ils seront informés par sms, une fois par semaine, du comportement de leur enfant. Y compris « lorsqu’il n’y a pas de problème ». « Ils vont accepter de faire plein de petites choses qui vont nous changer la vie, à nous, enseignants. Ils deviennent les alliés indéfectibles des professeurs ».

Alors que les élèves avaient l’habitude de profiter du manque de communication entre les parents et les professeurs, ils sont, grâce à cette méthode, poussés à prendre leurs responsabilités, assure l’enseignant. « Ils ont un déclic. Ils se rendent compte que leur travail paie, que l’on fait ça pour leur bien ! Nous n’avons plus à nous battre contre eux ». Un réel soulagement, assure Jérémie Fontanieu, qui évoque « une reconnaissance et une gratitude des élèves et des familles extraordinaires ».

Des efforts qui permettent à ces élèves, souvent en proie à un manque de confiance en eux, de réussir là où ils pensaient ne pas en être capable. Et de continuer leurs études, comme c’est le cas pour la majorité des élèves de terminale. Les professeurs, eux, peuvent « enfin » se consacrer à leur travail. « C’est pour ça que la méthode s’appelle réconciliations, au pluriel. Il y a aussi une réconciliation entre nous, enseignants, avec notre métier, qui est formidable, mais qui peut être parfois tellement violent quand on le pratique de manière solitaire, ce qui est le cas pour la plupart des professeurs », témoigne Jérémie Fontanieu. Le temps investi dans les appels et sms avec les parents est quant à lui largement rentabilisé, assure-t-il.

Après avoir constaté des résultats « suffisamment forts », un collectif a été créé en 2021 afin de partager la méthode avec tous les professeurs qui le souhaitent. Ces derniers viennent d’un peu partout en France. « Il y a une majorité qui sont en zones prioritaires. Mais nous avons aussi des enseignants qui viennent de collèges situés en centre-ville, en zone périurbaine. Ça marche très bien là-bas aussi », note Jérémie Fontanieu.

Déjà 200 cette année, ils seront environ 350 l’année prochaine. Le tout, sans « aucun soutien institutionnel », refusé par le collectif, mais par le biais du bouche à oreille. « Nous utilisons notre liberté pédagogique. Nous sommes indépendants, et nous sommes très attachés à la diffusion horizontale de cette méthode, de professeur à professeur. Nous grandissons plus lentement sans l’aide de l’État, mais de manière plus saine ». Pour se joindre au collectif, les volontaires peuvent envoyer un message à l’adresse [email protected], ou via les réseaux sociaux. Les professeurs bénéficient d’un suivi tout au long de la mise en place de la méthode, et une rencontre annuelle est organisée en juillet. Les billets de train sont offerts aux participants, financés grâce à l’argent du film.