La concertation : une autre façon d’exercer le métier d’architecte

La concertation en architecture, une autre voie.

Que faire après une école d’architecture ? Si de nombreux étudiants intègrent des agences d’architectures, cette option n’est pas l’unique voie pour exercer dans ce milieu. 


Depuis 3 ans, Manon exerce en tant que cheffe de projet participation citoyenne au sein de l’Atelier Pop Corn, à Lyon, dont le cœur de métier est l’assistance à la maîtrise d’usage et l’ingénierie sociale participative. En d’autres termes, cette SCOP (Société Coopérative de Production) accompagne par la médiation les différents acteurs d’un projet architectural ou urbain, en plaçant l’usager au centre de la démarche. Au sein de cette entreprise, Manon a pour rôle de définir et de mettre en place une stratégie d’accompagnement à la participation citoyenne dans le cadre de projets d’aménagements publics et d’habitats. La concertation est un pan de l’architecture qu’elle a découvert au cours de son parcours qu’elle a construit à son image, en choisissant à chaque fois la voie qui avait le plus de sens à ses yeux. Elle témoigne.

Manon : Après le bac S, je n’avais pas d’idée de ce que je voulais faire. Je savais simplement que je souhaitais apporter une dimension créative et artistique à mon parcours. À l’époque, faire une Mise à niveau en art appliqué (MANAA) me paraissait donc la meilleure solution pour « toucher à tout » pendant un an et me spécialiser ensuite. Cette année m’a finalement servi à affiner mon orientation (Beaux-Arts vs Architecture) et à préparer les concours d’entrée. J’ai ensuite fait 5 ans d’études à l’ENSASE (école d’architecture de Saint Etienne) dont une année d’échange à Medellín, en Colombie. Puis, j’ai obtenu mon DEA (diplôme d’état en architecture).

Manon : Je me suis rendu compte que je voulais exercer un métier me permettant de mettre l’usager au cœur de la conception. En effet, quand j’ai fait mon année d’échange en Colombie, il a fallu que je dessine des projets dans un pays que je ne connaissais pas, avec des habitudes de vie et des contraintes climatiques différentes. Toutes mes idées et tous mes automatismes ne pouvaient pas fonctionner face à ces spécificités. J’ai alors passé beaucoup de temps à échanger avec les Colombiens : des étudiants, nos enseignants, pour comprendre quelles étaient les habitudes dans le pays. En tant que Française, j’ai compris que je ne pouvais pas dessiner un projet sans avoir rencontré et compris qui étaient les habitants du territoire. A ce moment, je n’avais pas le sentiment que les agences d’architecture en France consacraient suffisamment de temps à cette recherche, j’ai donc choisi une autre voie. C’est comme cela que j’ai rejoint une association de sensibilisation à l’architecture pour les enfants, Chic de l’archi !, où j’ai travaillé pendant 3 ans. J’ai ensuite intégré l’Atelier Pop Corn, où je suis encore en poste aujourd’hui, pour faire de la concertation.

Manon : Le cœur de mon métier est de faire en sorte que la parole des citoyens, les usagers, soit intégrée dans les projets. Pour moi, la concertation vient au service de l’architecture et du paysage pour faire en sorte qu’ils soient plus adaptés aux besoins de ceux qui vivent ces espaces. Cela passe par des ateliers au cours desquels on fait intervenir les citoyens pour leur demander leur avis à différents niveaux du projet. Cela peut être au niveau du programme politique : on leur demande alors ce qu’ils en pensent et ce qu’ils aimeraient voir construit. Cela peut aussi être au niveau du paysagisme : on les interroge sur des points un peu plus précis du projet, comme l’aménagement d’une aire de jeu, par exemple. Ensuite, il faut compiler les différents points de vue pour en faire ressortir une ligne cohérente et utile aux architectes. 

Manon : J’aime être au cœur des réflexions d’aménagement des territoires pour qu’ils répondent aux défis environnementaux et sociaux. Cette démarche permet de replacer les habitant.e.s (même les plus éloignés du débat public) au cœur du projet urbain ou architectural. 

Pour cela, je dois concevoir des outils adaptés pour expliquer le projet, même quand il s’agit de sujets compliqués, et recueillir la parole des habitant.e.s. J’adore également rencontrer des publics très variés, des parcours de vie et des points de vue différents.

Manon : Une des plus grosses difficultés que je rencontre dans mon quotidien est de réussir à mobiliser des publics habituellement éloignés du débat public. C’est aussi l’un des aspects du métier qui est le plus intéressant, car il m’oblige à innover.

Une autre difficulté, qui représente elle aussi un défi intéressant, est de réussir à retranscrire la diversité des points de vue, de façon neutre et objective, pour que ceux-ci puissent être intégrés dans le processus de conception du projet.

Manon : Je pense qu’il faut avant tout être empathique et à l’aise à l’oral pour pouvoir animer correctement les ateliers. Il faut également savoir se montrer créatif et témoigner d’une bonne capacité de synthèse. Mais tout dépend du poste exercé. À l’Atelier Pop Corn, nous sommes cinq et nous avons toutes des compétences bien différentes, alors que nous exerçons le même métier. C’est d’ailleurs cette pluralité des compétences qui fait la richesse de notre approche.

Manon : Je pense que ce qui est le plus important, c’est d’abord de choisir une formation qui nous donne envie avant de choisir un métier ! Même si je n’exerce pas en tant qu’architecte à proprement parler, j’ai adoré mes études et ce que j’y ai appris infuse mon quotidien. Quand on aime ce que l’on fait, on s’y investit mieux et c’est comme cela que l’on réussit. Pendant les études, il y avait forcément des jours moins drôles que d’autres, des cours qui me passionnaient moins, mais je n’ai jamais regretté mon choix d’orientation.