L’édition fait toujours rêver de nombreux étudiants passionnés de littérature, mais le secteur, réputé difficile d’accès, est en pleine transformation. Quels sont les métiers qui disparaissent peu à peu ? Et ceux qui recrutent encore ? Arthur de Saint-Vincent, directeur général d’Hugo Publishing, nous éclaire sur les mutations en cours.
Historiquement ancré dans des pratiques traditionnelles, le milieu de l’édition doit désormais composer avec les mutations du numérique et l’essor de l’intelligence artificielle. Si l’innovation technologique a longtemps semblé lointaine pour les éditeurs, elle commence à transformer les modes de production et les attentes en matière de compétences. Selon une étude de l’Afdas diffusée par Livremploi, 38,1 % des maisons d’édition avaient un projet de recrutement en 2024, principalement dans les domaines du marketing digital, de la communication et de la gestion de projet.
Quels sont les profils recherchés aujourd’hui par les maisons d’édition ? Comment les compétences évoluent-elles dans un marché en pleine mutation ? Tour d’horizon d’un secteur où l’IA – encore elle – pourrait bientôt bouleverser les équilibres établis.
Travailler en tant qu’éditeurs, correcteurs et traducteurs : des métiers du livre en sursis ?
Bonne nouvelle pour les aspirants éditeurs : le métier reste porteur. « La production de livres continue d’augmenter. Même si le marché baisse en valeur, le nombre de titres publiés, lui, progresse. Les éditeurs ont donc toujours besoin de main-d’œuvre, même si les délais de travail se resserrent », note Arthur de Saint-Vincent.
En revanche, parmi les premières professions impactées par la montée en puissance de l’IA, les correcteurs et traducteurs commencent déjà à voir leurs perspectives d’emploi ou de rémunération se réduire. « Les métiers de la correction et de la traduction sont les plus exposés. Avant, un traducteur était payé 25 euros le feuillet, aujourd’hui, il est tombé à 16 euros. Avec l’arrivée de l’IA, ces professions vont être de plus en plus fragilisées ».
Deux attitudes se dessinent parmi ces professionnels : certains utilisent discrètement des outils d’IA pour gagner en productivité, tandis que d’autres refusent cette évolution et dénoncent la dévalorisation du métier.
Les graphistes doivent-ils craindre le même sort ? Pas tout à fait. Si l’IA commence à automatiser une partie de leur travail et leur permet d’aller plus vite, son usage reste encore controversé : « Une couverture réalisée avec une IA ou connotée IA génère des bad buzz immédiats », observe le directeur d’Hugo Publishing.
L’évolution des métiers du marketing et de la communication dans l’édition
Le marketing éditorial dans l’édition s’est longtemps résumé à un poste flou, mêlant achat d’espace publicitaire, relations presse et actions de promotion classiques. Aujourd’hui, ce champ s’est segmenté pour donner naissance à de nouveaux métiers spécialisés.
Le métier d’attachée de presse, autrefois central, voit en parallèle son rôle évoluer, voire décliner. « L’attachée de presse reste un métier en tension, mais il a perdu de son poids. Auparavant, décrocher un article dans un grand média pouvait suffire à lancer un livre. Aujourd’hui, cela ne garantit plus rien en termes de ventes », confie Arthur de Saint-Vincent.
À l’inverse, les réseaux sociaux sont devenus un levier essentiel pour les éditeurs. Chaque maison bâtit désormais des stratégies digitales sophistiquées, entre influence littéraire, community management et marketing ciblé. « Les réseaux sociaux sont devenus indispensables : un compte Instagram bien géré peut faire la différence entre le succès et l’échec d’un livre », avant d’ajouter que les influenceurs littéraires font aujourd’hui plus vendre que les médias traditionnels.
Ce glissement explique pourquoi le marketing digital et la gestion des réseaux sociaux font maintenant partie des compétences techniques les plus recherchées selon l’étude de l’Afdas, avec des postes de responsable de projet marketing digital, attaché(e) de presse nouvelle génération et community manager littéraire.
À cela s’ajoute un autre phénomène en pleine expansion : l’événementiel, qui vient fidéliser les communautés de lecteurs. « Les éditeurs en ont assez de publier des séries ou premiers romans qui s’essoufflent après un succès initial. Ils veulent capitaliser sur l’auteur lui-même, et pour cela, les événements et rencontres avec le public se multiplient », explique-t-il.
L’entrée de la data dans les métiers littéraires
Si l’édition a entamé sa transition numérique sur le plan du marketing et de la communication, l’exploitation des données est toujours un angle mort. Contrairement aux industries du streaming ou de l’e-commerce, où chaque interaction est mesurée et analysée, les éditeurs ignorent encore qui achète leurs livres, pourquoi et comment. « Nous n’avons aucune relation directe avec le lecteur. On passe par les distributeurs historiques, Fnac, Amazon ou libraires, ce qui nous empêche d’exploiter la moindre donnée sur nos ventes », déplore Arthur de Saint-Vincent
Le directeur d’Hugo Publishing imagine déjà des solutions, comme l’intégration de QR codes en fin d’ouvrage pour inciter les lecteurs à donner leur mail en échange de contenus exclusifs. Les livres numériques ouvrent aussi un boulevard vers la data, permettant de suivre les comportements de lecture : quels passages sont les plus lus, où les lecteurs abandonnent, l’heure à laquelle ils lisent… « Ces données seraient inestimables », tout comme les étudiants à la double casquette – éditoriale et numérique.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Édition, les métiers qui disparaissent, ceux qui émergent.
Évolution du secteur de l’édition : L’édition subit des mutations profondes dues au numérique et à l’intelligence artificielle. Bien que la production de livres augmente, les métiers de l’édition comme ceux de correcteurs et traducteurs sont menacés, leur rémunération étant affectée par l’IA.
Métiers du livre, tension et émergence : Les maisons d’édition recherchent activement des profils en marketing digital, communication et gestion de projet, en réponse à l’importance croissante des réseaux sociaux et du management de l’édition pour la promotion littéraire.
Transformation du marketing et de la communication : Le rôle traditionnel de l’attaché de presse est en déclin, tandis que le marketing digital et le community management deviennent essentiels. Les stratégies sur les réseaux sociaux sont désormais cruciales pour le succès des livres.
Importance de l’événementiel : Les éditeurs investissent dans des événements et des rencontres avec les lecteurs pour renforcer la fidélisation et capitaliser sur les auteurs, afin d’éviter l’essoufflement des séries de publications.
Exploitation des données encore limitée : La collecte et l’analyse des données sur les consommateurs de livres restent insuffisantes. Les éditeurs n’ont pas de relation directe avec les lecteurs, mais des solutions comme l’intégration de QR codes pourraient améliorer cette connexion et exploiter des données précieuses sur les comportements de lecture.