Bienvenue dans 20 sur 20, le podcast de L’Express Education. Philippine Dolbeau, entrepreneure, conférencière et animatrice télé, y accueille des personnalités du monde de l’éducation, des hommes et des femmes inspirants venus livrer leurs réflexions sur l’école d’aujourd’hui et de demain. Alors, qu’ils soient chercheurs, entrepreneurs de la EdTech, professeurs, parents, politiques ou même philosophes, tous partagent la même volonté de transformer l’éducation et de préparer la nouvelle génération aux défis de demain. Chaque semaine dans 20 sur 20, nous découvrons ces acteurs qui font bouger les lignes de l’éducation.
Dans cet épisode, Philippine Dolbeau rencontre Ariel Renous. Avec Augment, Ariel propose une approche résolument moderne et pragmatique : des enseignements dispensés par des figures emblématiques comme les fondateurs de Wikipédia, YouTube ou Shazam, un format 100 % digital et flexible, et surtout une philosophie qui remet en question les codes traditionnels des MBA !
Qu’est ce qui vous a donné envie de créer une alternative aux MBA traditionnels ?
Ariel Renous : En 2018, j’intègre HEC avec mon meilleur ami de l’époque. On commence nos études mais le contenu se prête davantage aux personnes qui veulent faire des carrières dans le monde du conseil ou dans la finance et pas forcément pour ceux qui ont un esprit entrepreneurial. On a réfléchi sur le fait de réinventer cette expérience de l’école de commerce, de réinventer le MBA pour une partie de la population qui n’aurait pas forcément envie de s’insérer dans le cadre finance et conseil et qui aurait besoin de cette éducation business 360. On a ensuite décidé de monter Augment.
Un MBA avec Augment, à quoi cela ressemble ?
Ariel Renous : Un MBA avec Augment se fait de chez soi, en parallèle d’un travail, à son rythme et surtout en apprenant des meilleurs. C’est un parcours qui couvre toutes les disciplines business majeures : finance, entrepreneuriat, marketing, innovation, leadership, management, vente, etc. Elles sont enseignées par des grands entrepreneurs : les fondateurs de YouTube, de Wikipedia, de Shazam, de la Chief of Staff de Google, de la Brathwaite de Jeff Bezos, d’Amazon, etc.
Votre MBA ne vise aucune accréditation, contrairement à ceux qui sont proposés par la concurrence. Pourquoi ?
Ariel Renous : On appelle ça un MBA alternatif. Le but est de parvenir à délivrer le même niveau d’éducation en s’affranchissant des contraintes du biais traditionnel. Des biais qui viennent avec un prix. On a décidé de ne pas poursuivre des accréditations d’État, ni européennes, ni américaines. Aujourd’hui, on se concentre sur le volet éducation. Le vrai problème de l’école de commerce traditionnelle est qu’elle est contraignante en termes de temps et assez cher. Notre vision est de donner aux 99 % de la population qui ne vont pas en école de commerce une opportunité d’apprendre les fondamentaux de l’entrepreneuriat, du marketing, de la vente et du management. Cela leur permet de ne pas avoir à faire un prêt et de réaliser le MBA en parallèle de leur travail.
Vous avez convaincu le fondateur de Wikipédia, Jimmy Wales et le cofondateur de YouTube, Steve Chen, de rejoindre votre startup. Comment fait-on pour convaincre ces gens-là ?
Ariel Renous : Ce n’est pas la chose la plus compliquée, paradoxalement. Le projet est une mission qui résonne, surtout auprès des personnes qui ont réussi et qui sont dans une optique de donner en retour. Quand nous allons les voir, on leur propose quelque chose de différent. C’est un projet qui a du sens pour eux et c’est un exercice nouveau. Cela n’a pas été très compliqué de convaincre ces figures, surtout une fois que nous avions les premiers. Le premier était Chris Barton, le fondateur de Shazam et on y est allé au culot. On a décidé d’envoyer des centaines d’emails à des grands patrons de la Silicon Valley, sans franc succès jusqu’au jour où on s’est réveillé avec une réponse de Chris Barton, qui était intéressé. Cela a donc été plus facile d’aller ensuite démarcher le fondateur de YouTube, de Wikipédia, de Ways, etc. […]
Quel est votre rôle modèle ?
Ariel Renous : À la base, ce sont eux mes rôles modèles et c’est pour ça que j’ai monté ce business. Cela m’anime d’échanger avec eux et d’organiser ensuite tout autour d’un cours. J’ai toujours été fasciné par les entrepreneurs de manière générale. Il peut y avoir plein de motivations différentes mais il y a toujours cette volonté créative de faire quelque chose qui va servir. J’ai toujours été fasciné par les entrepreneurs. J’ai monté une école de commerce qui s’appuie sur ces rôles modèles et c’est ma mission de pouvoir partager cette passion et de pouvoir rendre ces connaissances et l’expérience de ces personnes. […]
Depuis combien de temps travaillez-vous sur Augment ?
Ariel Renous : Cela fait deux ans. On a dépassé notre 1 000ᵉ étudiant et on est présent dans plus d’une trentaine de pays aujourd’hui. […] On est dans cette phase intéressante où, au-delà du cours, on est en train de développer l’aspect communautaire. La semaine dernière, on avait un événement communautaire à New York, le mois d’avant on était à Londres… On souhaite prendre les personnes qui ont indépendamment souscrit au programme sur Internet et qui se retrouvent dans des événements un peu partout dans le monde. […] La vision que l’on a de cette nouvelle école de commerce, c’est qu’elle allie la flexibilité de l’enseignement en ligne et le pouvoir relationnel des événements physiques.
Quel regard vous portez sur les MBA traditionnels ?
Ariel Renous : Je n’ai pas d’énorme critique sur le système éducatif de l’école de commerce traditionnel. Mais il y existe une place à prendre pour permettre à des personnes intéressées par des carrières dans le monde des startups et des technologies. Ma seule critique est le manque d’aspects pratiques. C’est compliqué de s’adapter à un monde du travail qui change et les personnes n’ont pas forcément les clés qu’ils aimeraient avoir sur le monde digital. Cela change tous les aspects du business, la stratégie, l’innovation, mais aussi la vente, la manière de mener des équipes, de faire du leadership, de faire du management, etc…
Avez-vous déjà vécu un moment compliqué, qui vous a obligé à vous remettre en question ?
Ariel Renous : J’ai envie de parler d’un moment spécifique dans l’histoire d’un entrepreneur, qui n’est pas assez mentionné : c’est toute la période avant l’aventure entrepreneuriale. Avant Augment, j’avais ce désir intense de monter un projet mais les étoiles ne s’alignaient pas. La plupart de nos étudiants sont des aspiring entrepreneurs. Ils aspirent à être entrepreneur et sont dans cette phase-là, qui pour moi a été compliquée. Cela fait deux ans que nous avons monté notre business, il y a des hauts, des bas, mais les choses avancent. Chaque fois que je parle à un entrepreneur dans cette phase d’exploration, de rencontres, elle est vécue comme compliquée émotionnellement mais elle forge le caractère d’un entrepreneur. […]
Est-ce que l’entrepreneuriat est un sujet qu’on devrait apprendre dès l’école ?
Ariel Renous : Quand j’étais à l’école, j’étais très éloigné de ce monde-là. Après l’équivalent du bac, j’ai fait une licence d’histoire. C’est mon associé qui m’a poussé à entrer à l’école HEC et qui m’a tiré vers cette voie. Même si mes projets n’étaient pas forcément des projets d’entreprise, je montais des associations, des groupes, etc… C’est cet esprit que j’aime, que j’admire et qui peut être utilisé pour monter des entreprises, des organisations, des groupes, des écoles. C’est cet esprit là qu’il faut cultiver. […] Le monde est malléable et avec une bonne dose d’énergie, des bons coéquipiers, on peut créer des choses. Plus on encourage ça, plus on va avoir des personnes qui vont s’épanouir dans la société.
Quelle serait votre définition de la réussite ?
Ariel Renous : C’est faire que chaque jour au travail soit un plaisir. C’est travailler avec des gens que j’admire et sur un sujet qui me passionne. Avoir la liberté de construire quelque chose, d’avoir le rêve ensemble, d’avoir de l’ambition. Dans une aventure entrepreneuriale professionnelle, il y a une dimension financière. L’argent est non seulement la récompense, mais aussi la mesure du succès. Il y a plein d’entrepreneurs aujourd’hui qui font Augment et qui ont des entreprises. Nous encourageons, même dans notre programme, à se poser des questions sur la réussite. Réussir c’est travailler sur un projet qui a du sens et qui va essayer d’apporter au monde.
L’échec est-il assez valorisé en France ?
Ariel Renous : La notion d’échec en France est très différente de celle que l’on peut trouver aux États-Unis. La peur de l’échec est l’une des raisons principales pour laquelle les personnes ne se lancent pas dans une aventure entrepreneuriale. Ce que j’essaie de me dire à chaque fois, c’est que les personnes sont principalement concentrés sur elles-mêmes. Que tu réussisses ou que tu rates, ça ne change rien à leur vie. Parfois on se prend un peu trop la tête en réfléchissant à ce qu’un tel peut penser ou pas. La réalité c’est que les gens pensent beaucoup moins à nous que ce qu’on imagine. Il faut juste se concentrer sur ce qu’on peut contrôler.
Quels sont les obstacles principaux à la croissance du marché Edtech par rapport aux pays étrangers ?
Ariel Renous : Le problème avec les boîtes EdTech, c’est que la plupart des produits d’éducation sont extrêmement imbriqués dans la fabrique culturelle et sociale. Il y a très peu de produits qui sont transposables d’un pays à l’autre, dans le monde de l’éducation. À l’inverse, d’un software ou d’une application mobile. La catégorie Edtech où on a le plus de boîtes c’est l’apprentissage des langues, avec notamment Duolingo. Par contre, la personne qui va devoir trouver un stage, apprendre un métier spécifique à un pays, cela s’exporte assez mal. Les plus gros succès EdTech doivent se baser sur des produits dans l’éducation qui sont internationales. Par exemple, le MBA, l’apprentissage des langues… C’est tellement imbriqué dans la société que c’est dur d’exporter un produit EdTech. La vraie différence avec les États-Unis et l’Inde, c’est la fragmentation culturelle que nous avons en Europe. Une fragmentation linguistique et culturelle, qui empêchent des leaders tech d’émerger. […]
L’intelligence artificielle est-elle une véritable révolution ou plutôt une affaire de communication ?
Ariel Renous : L’IA est une véritable révolution et nous l’utilisons tous les jours chez Augment. Plusieurs produits permettent aujourd’hui aux professeurs de créer beaucoup plus de contenus rapidement et de manière plus personnalisée. Un professeur peut créer en deux minutes un exercice à propos du cours qu’il vient d’enseigner. On voit aussi apparaître les tuteurs individuels personnalisés et à petit prix. Le professeur particulier devient un avatar virtuel, une application sur le téléphone mobile disponible 24h sur 24. […]