Tout au long de sa scolarité, elle a entendu qu’elle sortait du cadre et ne réussirait pas. Mais qu’est-ce que cela veut dire : réussir ? En guise de réponse, Zoé de las Cases a bâti au fil des années un métier sur-mesure, qui ne ressemble qu’à elle.
À la tête de son studio de création éponyme, tantôt décoratrice d’intérieur, tantôt illustratrice ou designer produit, elle a banni la routine de son quotidien et ne pense qu’à une chose : s’amuser. Une méthode qui semble plutôt porter ses fruits.
Comment vous présentez-vous lorsque vous rencontrez quelqu’un pour la première fois ?
Zoé de las Cases : Me présenter est toujours un exercice compliqué. Je résume parfois en disant que je suis décoratrice. Et quand je développe, je vais détailler mes différentes missions : décoratrice, graphiste et directrice artistique de mon studio de création.
À quoi ressemblait votre scolarité ?
Zoé de las Cases : J’ai toujours été très malheureuse à l’école. Au CP, j’étais dans une école privée catholique. Ma mère s’est faite convoquée par la directrice qui lui a assené : « Votre fille ne saura jamais lire. » J’étais l’aînée de cinq enfants, alors pour elle, ça a été la douche froide ! Mais elle s’est très vite beaucoup informée et m’a confiée à une orthophoniste. Je quittais l’école 30 minutes avant tout le monde pour me rendre chez elle. Je me souviens de son crayon rouge et bleu, de son gros cahier, des sons qu’elle me faisait répéter en apposant des images… J’avais enfin quelqu’un en face de moi qui parlait une langue qui était la mienne. En un an, elle m’a appris à lire et à écrire. J’ai poursuivi ensuite toute ma scolarité laborieusement, en redoublant ma troisième, en étant toujours parmi les dernières de mes classes.
À 19 ans, année du Bac, une énième remarque humiliante d’un de mes professeurs m’a plongée dans une dépression. C’était de l’ordre de l’inconscient, je somatisais, je ne voulais plus aller à l’école ; j’appréhendais énormément l’examen du Bac et c’est ma mère qui a mis des mots dessus. Elle a compris et a fait quelque chose de très audacieux qui lui a d’ailleurs valu d’être critiquée. Elle m’a dit : « Je suis fière que tu en sois déjà arrivée là. Tu veux faire un cursus créatif depuis tes 12 ans, alors tu peux arrêter tes études avant de passer le Bac, dès lors que tu trouves une école qui t’accepte sans le diplôme et que tu travailles pour participer au financement de tes études. »
Vous avez déniché l’école qui correspondait ?
Zoé de las Cases : Oui, j’ai fait mes recherches. Tout le monde ne jurait que par Penninghen (école d’architecture intérieure, de communication et de direction artistique française parisienne très réputée, N.D.L.R), mais je trouvais cela très prétentieux et très compétitif, ce qui n’était pas du tout dans ma mentalité. Alors, je me suis dirigée vers l’Académie Charpentier. Mon lycée m’a délivré un papier indiquant que j’avais le « niveau Bac » et j’ai été acceptée. J’étais si heureuse ! Au cours de la première année, ma professeure de créa m’a dit « qu’elle était très sensible à mon travail. »
Le fait qu’elle m’encourage a agi comme un détonateur. J’ai voulu lui faire plaisir, j’ai commencé à travailler comme une damnée. Je me suis orientée vers la communication visuelle et j’ai fini quatrième de ma promotion, avec la mention très bien. Lorsque je l’ai appris à ma mère, elle a dit : « Belle vengeance ». C’était vrai, c’était une vengeance. Encore maintenant, je pense que mon parcours compliqué joue beaucoup sur mon tempérament. Aujourd’hui, je ne suis pas quelqu’un qui doute et je n’ai plus peur de l’échec. Je sais qu’il fait simplement partie du parcours, le tout est de savoir rebondir.
Vous êtes une véritable touche-à-tout, qu’est-ce que cela dit de votre personnalité ?
Zoé de las Cases : Je pense que j’ai un cerveau de dyslexique, qui marche aux sens, aux odeurs, aux images, aux émotions, à la lumière. C’est mon langage. Je vais aimer tout ce qui est créatif, ce qui s’apparente au rêve, à l’imaginaire. Et puis, je déteste la routine. Cela fait presque 20 ans que je fais ce métier, chacune de mes journées est différente et j’adore cela. Je ne me suis tellement pas amusée lorsque j’étais à l’école. J’ai besoin de me rattraper et là, je m’amuse beaucoup !
Vous redoutez l’ennui ?
Zoé de las Cases : Non pas vraiment, je pense que l’ennui est nécessaire au processus créatif. Je ne me perçois pas comme une hyperactive, voire je me vois comme plutôt paresseuse. J’ai d’ailleurs remarqué que depuis que nous vivons à la campagne et que je fais des allers retours sur Paris, je suis plus créative qu’avant et je n’ai jamais autant travaillé. Cet équilibre de vie permet à mon cerveau de se détendre, de faire des pauses et de prendre du recul.