Comment concilier ouverture sociale et frais de scolarité élevés ? C’est le dilemme auquel doivent faire face l’ensemble des écoles de commerce françaises. Pour tenter d’en sortir, elles multiplient les dispositifs financiers pour réduire la facture et développent des politiques pour lever les freins de l’auto-censure.
Pour de nombreuses écoles de commerce, l’enjeu de l’ouverture sociale est central. Cependant, face à des frais de scolarité qui continuent de s’envoler, avec un coût moyen de 15 000 euros par an, difficile de trouver des solutions pour éviter les inégalités d’accès à ces établissements.
Aujourd’hui, certaines écoles de commerce mettent en place des politiques volontaristes qui vont jusqu’à l’exonération des frais de scolarité pour capter les meilleurs profils d’étudiants quelle que soit leur situation économique et sociale.
Des dispositifs de remise de frais de scolarité
Si l’une des plus prestigieuses, l’ESCP, facture sa première année de programme Grande école à 22 400 euros, elle propose en parallèle la gratuité aux étudiants boursiers de l’école (échelon 4 à 7) depuis 2021. « Cette ouverture sociale fait partie du processus d’égalité des chances », estime Damien Forterre, associate dean Égalité des Chances & Inclusion à ESCP.
« L’idée est d’aller au-delà de la posture de l’ouverture sociale pour mettre en place un modèle qui a un impact concret sur les étudiants », confirme Marie Courtois, directrice de l’expérience étudiante de l’ESSCA.
Cette école post-bac en cinq ans fait ainsi figure de pionnière. Dès 2021, elle adopte un système de modulation des frais de scolarité qui se base sur le quotient familial. « Les étudiants boursiers en bénéficient automatiquement. En parallèle, les familles qui le souhaitent peuvent remplir un dossier. Au terme du processus, nous pouvons aller jusqu’à une exonération totale des frais de scolarité », explique la directrice de l’expérience étudiante.
L’ESSCA a créé 12 tranches avec des frais de scolarité qui oscillent de zéro à 13 125 euros. « Nous avons 250 étudiants qui bénéficient d’une exonération totale des frais de scolarité », précise-t-elle par ailleurs.
D’autres écoles ont fait le même choix pour les étudiants boursiers. C’est le cas de TBS Education depuis 2021. « Nous nous sommes appuyés sur les échelons des bourses Crous pour définir le système de remise. Ainsi, selon son échelon, un étudiant boursier peut bénéficier d’une remise entre 5 et 50 % des frais de scolarité », explique Anne Rivière, directrice de la formation initiale de l’école de commerce toulousaine. Une politique qui a un impact : TBS Education compte 38 % de boursiers Crous dont 47 % suivent le programme grande école.
Même dispositif à l’ESSEC pour qui le financement des études est un véritable enjeu. Et pour cause, une année dans la prestigieuse école basée à Cergy-Pontoise s’élève à plus de 20 000 euros. « Nous nous basons sur les échelons du Crous pour proposer un abattement sur les frais de scolarité. Pour un élève boursier échelon 7, nous visons d’ailleurs une exonération totale des frais pour la première année. Pour les années suivantes, la décote est moins importante car il existe la possibilité de poursuivre la scolarité en apprentissage », explique Sandie Meusnier, Directrice du centre égalité, diversité et inclusion de l’ESSEC.
L’apprentissage, entre ouverture sociale et professionnalisation
L’apprentissage est d’ailleurs souvent considérée comme une mesure d’ouverture sociale. TBS Education comme l’ESSCA limitent la modulation des frais de scolarité pour les années où l’alternance n’est pas possible – soit les premières années d’études. La raison ? En optant pour l’alternance, les étudiants voient les frais de scolarité pris en charge par leur entreprise et bénéficient en parallèle d’un salaire.
Pour autant, « il faut que le projet d’alternance soit en cohérence avec le projet professionnel de l’étudiant », prévient Sandie Meusnier. Car si l’alternance est un levier d’ouverture sociale, permettant à des étudiants boursiers d’envisager de poursuivre des études en grande école, cette modalité ne doit pas s’imposer aux jeunes. « Il faut que l’alternance soit un vrai choix et non un choix de seconde zone », confirme Marie Courtois de l’ESSCA.
« Si un étudiant qui éprouve des difficultés financières ne souhaite pas faire d’alternance, dans ce cas-là, nous proposons un abattement et la possibilité d’avoir un prêt sans garant, pour poursuivre en master », rassure Sandie Meusnier.
Lever l’auto-censure
Cependant, malgré ces actions concrètes, il reste des freins difficiles à lever. « Même si la diversité des profils s’amorce, on se heurte toujours à l’auto-censure et à un manque d’information », analyse Marie Courtois. « De nombreux jeunes ne s’autorisent pas à aller dans les grandes écoles », confirme Sandie Meusnier.
En plus de dispositifs de sensibilisation au monde des grandes écoles auprès des collégiens ou des lycéens, à l’instar des Cordées de la réussite, certains établissements proposent des « politiques volontaristes pour diversifier le recrutement », précise Sandie Meusnier.
L’ESSEC a par exemple renforcé sa politique auprès des étudiants boursiers de prépa avec « le double appel à l’oral ». « On s’est rendu compte que les candidats boursiers excellaient aux oraux d’admission. Dès lors, nous avons décidé de ‘repêcher’ jusqu’à 40 boursiers très proches de la barre d’admissibilité à l’écrit pour qu’ils puissent passer les oraux et atteindre, s’ils excellent, la barre d’admission », résume la directrice du CEDI.
L’ESCP accompagne de son côté des candidats boursiers en prépas ECG en région et des prépa ECT pour les inciter à ne pas se censurer au moment des concours et d’oser présenter des écoles de commerce du top 5. Si la dynamique est lancée, la marche est encore haute pour atteindre l’égalité des chances.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Frais de scolarité et ouverture sociale, les écoles de commerce à la hauteur de l’enjeu ?
Enjeux des frais de scolarité : Les écoles de commerce françaises sont confrontées à la difficulté de concilier des frais de scolarité élevés, avec des coûts moyens de 15 000 euros par an, et l’ouverture sociale, essentielle pour réduire les inégalités d’accès.
Dispositifs de remise de frais : Certaines institutions, comme l’ESCP et l’ESSCA, ont mis en place des politiques de réduction ou exonération des frais pour les étudiants boursiers, visant à capter des profils diversifiés et à assurer l’égalité des chances.
Alternance comme levier d’inclusion : L’apprentissage est également promu comme une stratégie d’ouverture sociale, offrant des frais de scolarité pris en charge par l’entreprise. Toutefois, la compatibilité du projet d’alternance avec les aspirations professionnelles des étudiants est primordiale.
Lutte contre l’auto-censure : Malgré les efforts pour diversifier les profils, des freins comme l’auto-censure persistent, empêchant des jeunes issus de milieux défavorisés de postuler dans des grandes écoles. Des initiatives comme les Cordées de la réussite visent à sensibiliser et encourager ces étudiants.
Mesures proactives pour la diversité : Des politiques, telles que le double appel à l’oral à l’ESSEC, ont été instaurées pour repêcher des candidats boursiers près de la barre d’admission, dans le but d’accroître la représentation et d’atteindre une réelle égalité des chances au sein des écoles de commerce.