Une étude inédite menée à Grenoble École de Management bouleverse les idées reçues : plus un enseignant est culturellement éloigné de ses étudiants, mieux il est évalué. Une preuve empirique qui tombe à point nommé dans le débat sur les politiques de diversité.
La diversité du corps professoral fait-elle progresser ou reculer la qualité de l’enseignement ? Une étude de grande envergure menée à Grenoble École de Management apporte des réponses surprenantes. Publiée dans Academy of Management Learning & Education et saluée par le Financial Times, cette recherche démontre que les étudiants valorisent massivement la diversité de leurs professeurs.
Un enjeu stratégique sous tension
Les écoles de commerce évoluent sous une pression intense. Les classements internationaux et les accréditations (AACSB, EQUIS, AMBA) dictent leurs critères de performance. Le Financial Times accorde 10 % de son score final à la diversité du corps professoral, tandis que Bloomberg Businessweek consacre 25,5 % à l’apprentissage, dont les évaluations étudiantes sont un critère crucial.
Cette double exigence crée un dilemme redoutable. D’un côté, recruter des enseignants internationaux et assurer la parité ; de l’autre, maintenir d’excellentes évaluations étudiantes, alors que plusieurs études suggéraient que les professeures et les enseignants issus de minorités recevaient systématiquement des notes plus basses.
L’enjeu dépasse les simples classements : ces évaluations déterminent concrètement les promotions, titularisations et carrières des enseignants.
Une recherche sans précédent
Les chercheurs Yashar Bashirzadeh et Robert Mai (GEM), avec Luc Meunier (ESSCA), ont analysé 377 504 évaluations portant sur 1 028 professeurs de 45 nationalités et 2 013 étudiants de 79 pays, sur neuf années.
Leur approche innovante ? Une analyse dyadique qui mesure la distance culturelle dans chaque paire étudiant-professeur, en utilisant les dimensions culturelles de Hofstede (distance hiérarchique, individualisme, aversion au risque, etc.). Les chercheurs ont aussi adopté une « théorie de la catégorisation sociale » qui reconnaît que les humains catégorisent spontanément les autres selon des caractéristiques visibles – âge, genre, origine – activant stéréotypes et représentations collectives.
La distance culturelle, un atout inattendu
Premier enseignement majeur : plus la distance culturelle entre étudiant et professeur est importante, plus l’évaluation est positive. Les professeurs les plus culturellement éloignés de leurs étudiants reçoivent des notes supérieures de 8%.
« Les étudiants recherchent une internationalisation et une exposition à la différence », expliquent les auteurs. La différence culturelle est perçue comme un signal d’expertise internationale et d’approches pédagogiques enrichissantes qui les préparent à leurs carrières globalisées.
Nuance critique : lorsqu’un professeur enseigne dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle, les évaluations baissent. Il faut donc distinguer richesse culturelle et barrière linguistique.
Genre et âge : quand les stéréotypes se télescopent
Sur le genre, l’étude révèle des mécanismes complexes. Les jeunes professeures (24 ans) partent avec un handicap de 11 % face à leurs collègues masculins. Mais vers 48 ans, elles surpassent nettement les hommes : plus un professeur masculin vieillit, plus ses évaluations baissent, perdant jusqu’à 13,8 % entre 24 et 77 ans.
« Cette découverte réconcilie des décennies de recherches contradictoires », soulignent les auteurs. La clé ? L’interaction entre stéréotypes de genre et d’âge : les préjugés négatifs (femmes chaleureuses mais moins compétentes) s’estompent avec l’âge qui confère autorité et expertise.
Des implications qui dépassent les business schools
Pour les établissements, le message est clair : diversité et satisfaction étudiante ne s’opposent pas, elles s’alignent. « Il n’y a pas de double contrainte », affirme l’étude. Les écoles peuvent poursuivre leurs politiques de recrutement diversifié sans craindre pour leurs évaluations.
Mais la portée dépasse le microcosme des écoles de commerce. Dans un contexte où les politiques de diversité, équité et inclusion font débat dans de nombreux pays, cette recherche apporte une preuve empirique essentielle : les étudiants valorisent la diversité et l’apprécient comme partie intégrante de leur expérience éducative.
NOTRE RÉSUMÉ EN
5 points clés
PAR L'EXPRESS CONNECT IA
(VÉRIFIÉ PAR NOTRE RÉDACTION)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : la diversité professorale, moteur de la satisfaction étudiante
Une étude inédite à Grenoble École de Management
Une recherche publiée dans Academy of Management Learning & Education révèle un résultat contre-intuitif : plus un enseignant est culturellement éloigné de ses étudiants, mieux il est évalué. Menée sur plus de 377 000 évaluations d’enseignants issus de 45 nationalités, l’étude prouve que la diversité est un atout réel pour la qualité perçue de l’enseignement.
Un enjeu stratégique pour les écoles de commerce
Les écoles sont soumises à une double pression : recruter des professeurs diversifiés pour les accréditations internationales (AACSB, EQUIS, AMBA) et obtenir d’excellentes évaluations étudiantes pour les classements (comme le Financial Times ou Bloomberg Businessweek). L’étude montre qu’il n’y a pas de contradiction entre diversité et satisfaction étudiante, bien au contraire.
La distance culturelle, un levier de valorisation
Les chercheurs observent que les enseignants culturellement éloignés de leurs étudiants reçoivent jusqu’à 8 % de meilleures notes. Cette diversité est perçue comme une source d’enrichissement et de professionnalisation, préparant les étudiants à un monde du travail globalisé. Seule limite : les évaluations baissent lorsque le professeur enseigne dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle.
Genre et âge, des biais complexes mais révélateurs
L’étude met en lumière des stéréotypes croisés. Les jeunes femmes enseignantes subissent une pénalité de 11 % par rapport à leurs homologues masculins, mais cette tendance s’inverse après 40 ans : les femmes mûres sont mieux notées que les hommes du même âge. À l’inverse, les évaluations des professeurs masculins déclinent progressivement avec l’âge.
Un message fort pour les politiques de diversité
Cette recherche apporte une preuve empirique que diversité et excellence académique vont de pair. Loin d’affaiblir la satisfaction étudiante, la diversité du corps professoral renforce la qualité perçue des enseignements. Un argument de poids pour encourager les universités et grandes écoles à poursuivre leurs politiques de diversité, d’équité et d’inclusion.













