Référencer son école

Zoom sur le quotidien des étudiants en école de danse

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École de danse : à quoi ressemble vraiment le quotidien des étudiants ?

Les écoles de danse, représentées à de multiples reprises dans des films et séries, suscitent de nombreux fantasmes. Corps malmenés, professeurs intransigeants, forte concurrence… Qu’en est-il en réalité ? Nous avons échangé avec trois danseurs du Conservatoire national supérieur musique et danse de Lyon (CNSMD Lyon).


« C’est difficile physiquement et mentalement ». Maelle Garnier, étudiante en quatrième et dernière année au Conservatoire national supérieur musique et danse de Lyon (CNSMD Lyon) en danse classique, évolue sur les parquets depuis ses 6 ans. Après une dizaine d’années passées à l’école Guillemette Meyrieux, à Saint-Genis-Laval (Rhône), elle a intégré le CNSMD Lyon à 17 ans.

« Oui, certains clichés se rapprochent parfois de la réalité, explique la jeune femme de 21 ans. Personnellement, on ne m’a jamais forcée à aller aux cours de danse. J’y allais tout le temps, et par plaisir. Mes parents me disaient même de me reposer. En revanche, j’ai déjà côtoyé des filles qui étaient obligées de s’y rendre parce que c’était la passion de leur mère. Les mamans rentraient dans le studio et surveillaient davantage leur fille que le professeur ».

La jeune danseuse a toujours entretenu « de très bon rapports » avec sa professeure. « C’est un peu grâce à elle que j’en suis là aujourd’hui. Elle pouvait être stricte, comme tous les professeurs de danse, mais le classique demande beaucoup d’exigence. Je pense qu’il est impossible de le pratiquer sans cadre, estime-t-elle. Elle était aussi là pour nous lorsque l’on avait un coup de mou. Elle savait trouver la limite pour ne pas nous faire abandonner, pour que la danse reste une passion et ne devienne pas un supplice ».

Lors de son entrée au CNSMD Lyon, Maelle a découvert une nouvelle équipe pédagogique. Une expérience, là encore, positive. « Je n’aurais pas pu tomber mieux, il y a des professeurs géniaux. Je n’ai jamais eu une mauvaise relation avec eux. Ce sont des humains qui aiment énormément leur travail, qui ont eu des carrières exceptionnelles et qui veulent que l’on réussisse ».

« Quand nous sommes 6 filles par classe, ce qui est une chance exceptionnelle, et que l’une d’entre nous ne s’investit pas à 100 %, ils peuvent perdre patience », détaille-t-elle, assurant que les séries « grossissent un peu les traits ». « Oui, des professeurs peuvent être durs. Mais ce sont des programmes majoritairement destinés aux adolescents, avec des choses poussées à l’extrême. Je n’ai jamais été traumatisée par des professeurs. Cela serait un mensonge de dire que je ne suis jamais sortie de cours en pleurant, mais majoritairement, je sors du studio en souriant ! Ce ne sont pas les professeurs, mais le métier en général qui est difficile. Il y a énormément de demandes pour peu d’offres de travail ».

De fait, les danseuses et danseurs s’infligent eux-mêmes une immense pression, selon l’étudiante. « Si tu n’es pas la meilleure, la plus fine, celle qui saute le plus haut, qui tourne le plus, tu te dis que tu ne vas pas trouver d’emploi. Ça ne fait qu’un tour dans ta tête et cela peut engendrer beaucoup de stress ».

Maelle Garnier, étudiante en quatrième et dernière année au Conservatoire national supérieur musique et danse de Lyon.

Qu’en est-il de la concurrence féroce entre étudiants dont sont témoins les téléspectateurs ? « Souvent, dans les séries de danse, il y a toujours la fille douée qui est détestée par la fille populaire. Ce n’est pas du tout le cas dans la réalité ! Comme partout, on ne s’entend pas avec tout le monde, mais nous sommes des collègues de travail. Les clous dans les pointes, la détérioration du matériel, ça n’existe pas du tout ici ! », assure Maelle, évoquant « à la limite quelques cachoteries plutôt que des attaques ». Même constat pour Lino Jaricot Garcia, 19 ans, étudiant en dernière année au CNSMD Lyon en danse contemporaine. « S’il y a quelque chose à démentir, c’est vraiment ça. Il y a un réel soutien entre nous. Les auditions aussi nous permettent de faire de belles rencontres, même quand nous ne sommes pas retenus. On se fait beaucoup de contacts ».

« Une fois qu’on arrive ici, c’est un cocon, une grande famille, assure également Ellena Henry Ostermann, étudiante en troisième année en danse contemporaine. Tout le monde est accompagné de la même manière. Et la notion de groupe est très importante. On a le même pendant nos quatre années d’études, jusqu’au Jeune Ballet en dernière année, où tout le monde partage la scène. S’il y avait une ambiance invivable entre nous, je ne serais pas restée ». Les étudiants du CNSMD Lyon peuvent d’ailleurs être hébergés dans une résidence sur place, avec un étage dédié aux mineurs et un autre aux majeurs. En danse classique, les candidats peuvent postuler dès 15 ans, et dès 16 ans pour la danse contemporaine.

« Le milieu, lui, est compétitif, prévient cependant la jeune femme de 20 ans. On sait très bien qu’à la sortie, on va devoir passer des auditions pour trouver du travail dans un contexte difficile ». « La suite peut être extrêmement angoissante », ajoute Lino. Le jeune homme se rappelle une audition à laquelle il a participé pour intégrer le collectif La Horde, du Ballet national de Marseille. « Ils cherchaient deux apprentis. Ils ont reçu plus de 1 000 candidatures. J’ai été pris pour le deuxième tour. On était environ 55 personnes, puis 10, puis 5. C’est à ce moment-là que je n’ai pas été retenu. Au final, ils ont pris deux danseuses ».

« Il y a aussi des changements de carrière. Des danseurs et danseuses en contemporain qui se dirigent vers les arts plastiques, la performance, la scénographie, ou encore le professorat par exemple. Si cela doit m’arriver, je vise plutôt la création de lieux culturels, dans le but de diffuser un peu plus la danse », explique Lino, qui assure cependant être « plus excité qu’inquiet ».

Lino Jaricot Garcia, 19 ans, étudiant en dernière année au CNSMD Lyon en danse contemporaine

Pour Maelle comme pour ses camarades, l’arrivée au CNSMD Lyon a été synonyme de changement de rythme. « C’est quand même différent de se lever tous les matins pour aller danser toute la journée », confie la jeune femme. Le corps, lui, est largement sollicité. « C’est notre outil de travail, il faut en prendre soin. Il faut l’écouter, comprendre les douleurs, les reconnaître. Mais aussi écouter sa tête. Parce qu’il y a forcément des moments de creux, de fatigue plus intense. C’est un équilibre à trouver. Je pense que la santé mentale et les blessures physiques sont liées ». La danseuse évoque également les troubles des conduites alimentaires (TCA). « J’ai de la chance, parce que je n’ai jamais eu de problème avec la nourriture. Mais ça existe », déplore-t-elle. Leur poids est d’ailleurs contrôlé lors de certaines auditions, mais jamais à l’école, assure Maelle. Elle souligne cependant une ouverture du milieu quant aux morphologies, avec des corps « plus athlétiques » désormais acceptés.

Au CNSMD Lyon, un kinésithérapeute effectue des permanences sur place pour accompagner les étudiants. Le danger étant de continuer à danser avec une blessure susceptible de s’aggraver. « On peut avoir tendance à minimiser une douleur parce qu’on a envie de danser. Il faut apprendre à reconnaître celle avec laquelle on peut danser ou pas. J’ai toujours communiqué là-dessus, parce que j’ai trop peur de me blesser, et il est hors de question que je m’arrête trop tard, affirme Maelle. Il y a des blessures qui tuent des carrières ».

« Les blessures, ça arrive, ajoute Ellena. Les risques sont un peu différents en danse classique et en danse contemporaine. Mais il y a quand même des blessures récurrentes, que l’on peut prévenir ».

« Le corps travaille beaucoup, mais l’esprit travaille énormément aussi. Dès la première année, on danse environ 25 heures par semaine. Puis ça s’intensifie les années suivantes. Sans oublier les cours théoriques, ou encore les cours du CNED pour ceux qui passent leur BAC, explique Lino, qui danse depuis ses 5 ans. Après de nombreuses années dans le classique, il s’est tourné vers le contemporain à son arrivée au CNSMD Lyon. « On imagine souvent les danseurs comme des bourreaux de travail. Je ne peux pas vraiment dire le contraire, c’est intense. Mais si tu connais ton corps, que tu es passionné, c’est vraiment faisable ! », s’enthousiasme le jeune homme.

Lino Jaricot Garcia, 19 ans, étudiant en dernière année au CNSMD Lyon en danse contemporaine

Malgré la rigueur exigée par le milieu, les trois étudiants ne regrettent rien. Et encouragent les jeunes passionnés à suivre la même voie. « Ce sont des études géniales ! », estime Ellena, poussée par la directrice de son ancienne école à persévérer. « Il faut être curieux, s’intéresser à ce qui se fait en ce moment sur la scène contemporaine, avoir une culture chorégraphique, aller voir ce qu’il se passe dans les théâtres », conseille-t-elle.

« La curiosité, c’est vraiment ce qui fait tout, confirme Lino, marqué dès son plus jeune âge par le Lac des cygnes. Il ne faut pas avoir peur d’aller voir les gens, de leur parler, de leur dire ce qu’on a pensé de leur spectacle… Parce que c’est important de dire aux artistes qu’ils peuvent changer les choses, être inspirants et inspirantes. Je pense aussi qu’il faut faire preuve d’ouverture d’esprit, essayer plusieurs danses, ne pas se limiter à ce que l’on a toujours connu. Et qu’il n’y a pas d’âge pour se mettre à danser ! ».

Maelle insiste quant à elle sur l’importance de « ne pas s’enfermer dans la danse ». Et souhaite que le secteur continue de progresser, notamment sur les tenues, encore trop peu adaptées aux peaux noires et métisses. Du matériel par ailleurs particulièrement couteux pour les étudiantes. Elle espère également que les danseurs seront moins critiqués en société, alors qu’ils sont parfaitement intégrés dans le milieu. Un phénomène qui, selon elle, peut décourager les garçons, moins nombreux à s’orienter vers ce choix de vie professionnelle.


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Zoom sur le quotidien des étudiants en école de danse

Engagement physique et mental : Les étudiants en danse, comme Maelle Garnier, soulignent la difficulté de leur formation, qui allie des exigences physiques intenses et des défis mentaux. L’engagement est crucial, mais la passion pour la danse demeure une motivation principale.

Relations professorales : Les étudiants apprécient généralement leurs relations avec les professeurs, qui sont souvent perçus comme des mentors bienveillants, malgré une certaine rigueur nécessaire au milieu. Ils assistent les élèves tout en maintenant des standards élevés.

Concurrence et soutien entre élèves : Contrairement aux stéréotypes sur la rivalité dans les écoles de danse, les étudiants témoignent d’une atmosphère collaborative, décrivant leurs camarades comme une “grande famille” qui se soutient mutuellement dans un cadre compétitif.

Prise en charge de la santé : La santé physique et mentale est une priorité, avec des professionnels disponibles pour aider à la gestion des blessures. Les étudiants apprennent à écouter leur corps et à reconnaître les douleurs pour éviter des problèmes à long terme.

Une passion enrichissante : Malgré la rigueur de l’entraînement et les défis du monde professionnel, les étudiants encouragent les passionnés de danse à suivre cette voie, soulignant l’importance de la curiosité, de l’ouverture d’esprit et de la culture chorégraphique pour s’épanouir dans ce domaine.

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