Pour Alain Asquin, coordonnateur national du « Plan Esprit d’Entreprendre » du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, devenir entrepreneur n’est pas inné. Cela s’apprend et mobilise un certain nombre de compétences. Interview.
5questions à Alain Asquin, coordonnateur national du « Plan Esprit d'entreprendre » du ministère de l'Enseignement supérieur

On dit souvent qu’on ne nait pas entrepreneur mais qu’on le devient. Est-ce à dire que l’entrepreneuriat s’apprend ?

Alain Asquin : En effet, entreprendre s’apprend, et particulièrement par la combinaison de modes d’apprentissage multiples. Un entrepreneur doit maitriser des savoirs théoriques et pratiques spécifiques pour structurer son projet dans un contexte d’incertitude. Cependant, suivre des mois de formation ne suffit pas à qualifier quelqu’un d’entrepreneur. Entreprendre c’est une façon d’agir, de transformer effectivement le réel et c’est cette aptitude qui atteste du statut d’entrepreneur.

S’agit-il d’un « métier » à part entière ?

Alain Asquin : Cela nous engage dans un débat complexe et encore largement ouvert. C’est un métier au regard des compétences spécifiques et des méthodes qu’il faut mobiliser. Cela permet aussi de qualifier professionnellement celui qui l’exerce, à la fois auprès de son entourage professionnel mais aussi personnel. Cependant, la diversité des formes entrepreneuriales et des projets rend difficile d’imaginer une normalisation des processus opératoires. De même, un entrepreneur, par la raison qu’il serait expérimenté n’offre pas la garantie du succès. La pertinence d’un projet entrepreneurial dépend fondamentalement de l’attitude de celui qui le porte, du regard singulier qu’il pose sur le monde, de sa sensibilité, de l’énergie qu’il saura maintenir dans la durée ou de sa tolérance à l’incertitude. Il y a donc un caractère hybride à cette profession. La dimension créative et personnelle à l’origine de tout entrepreneuriat permet de le voir comme un art, au-delà d’un métier.

Hard-skills, soft-skills… Quels types de compétences sont nécessaires ?

Alain Asquin : Le réseau des « Pépite », les pôles dédiés à l’entrepreneuriat étudiant a travaillé concrètement sur cette question. Ils ont adapté la base de compétences entrepreneuriales « Entrecomp », crée sous l’égide de la Commission Européenne pour proposer un référentiel de 20 compétences-clés réunies en 4 domaines : Avoir une posture entrepreneuriale, Faire émerger une opportunité d’entreprendre, Construire un projet entrepreneurial et enfin Agir et lancer un projet. Trois, parmi ces domaines, sont essentiellement composés de compétences comportementales et relationnelles, et seulement un est dominé par des compétences techniques. C’est un message clair. Pour la réussite d’un projet entrepreneurial, les soft skills sont bien plus stratégiques que les hard skills qui, si elles sont nécessaires, peuvent être sous-traitées ou confiées à un tiers pourvu que l’on sache encadrer cette délégation.

L’entrepreneuriat s’est largement développé dans les écoles et les universités. L’enseignement supérieur est-il devenu une fabrique d’entrepreneurs ?

Alain Asquin : Il serait plus juste de dire que l’enseignement supérieur se positionne en révélateur de l’esprit d’entreprendre. Les établissements encouragent les étudiants à révéler leur talent créatif, à développer les techniques d’argumentation, à oser solliciter des contacts qu’ils pensent à priori inaccessibles… mais aussi oser se faire confiance pour créer de la valeur sociale, économique ou culturelle. Je ne parle pas spécifiquement de création d’entreprise. Certes, il s’en créé des milliers chaque année à partir des établissements d’enseignement supérieur, mais notre ambition est plus large. Elle est centrée sur la révélation d’un esprit et d’une capacité qui pourront s’exprimer certes en tant qu’entrepreneur, mais aussi en tant que salarié, comme citoyen ou dans le cadre de sa vie personnelle.

Aujourd’hui, qu’est ce qui attire la nouvelle génération dans le fait de créer son entreprise ?

Alain Asquin : Il est difficile de proposer une généralité face à la diversité des motivations des jeunes entrepreneurs. Deux aspects ressortent de mes échanges réguliers avec des jeunes entrepreneurs. D’abord, entreprendre c’est vivre une aventure intense, qui les fait se révéler à eux-mêmes ce qui est sans doute le propre de toutes les aventures. Ensuite, ils ont envie de traduire un engagement en projet entrepreneurial. Cela signifie que pour eux entreprendre est un moyen, pas une fin. Ils veulent agir pour une cause, tirer partie d’un savoir-faire pour répondre à une problématique, se créer un mode de vie…Parfois cela donne des entreprises innovantes à forte croissance, et parfois cela donne des entreprises centrées sur un service de proximité ou sur le renforcement du lien social. Cet engagement leur fait bénéficier d’une reconnaissance et d’une grande bienveillance de leur entourage et plus largement de la société comme en atteste l’écho donné à leurs initiatives par les médias.
NOTRE RÉSUMÉ EN
5 points clés
PAR L'EXPRESS CONNECT IA
(VÉRIFIÉ PAR NOTRE RÉDACTION)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Alain Asquin, « Entreprendre, c’est un art, au-delà d’un métier »
L’entrepreneuriat s’apprend
Devenir entrepreneur ne relève pas d’un don inné, mais de l’acquisition de savoirs théoriques, pratiques et surtout d’une capacité à agir et transformer le réel.
Un métier hybride
L’entrepreneuriat mobilise des compétences spécifiques, mais il se distingue par une dimension créative et personnelle, ce qui en fait à la fois un métier et un art.
Les soft skills en première ligne
Selon le référentiel « Entrecomp », 3 domaines sur 4 des compétences entrepreneuriales reposent sur les qualités comportementales et relationnelles, essentielles à la réussite d’un projet.
Un rôle clé de l’enseignement supérieur
Universités et grandes écoles révèlent et stimulent l’esprit d’entreprendre, au-delà de la seule création d’entreprise, en développant créativité, audace et confiance.
Une génération motivée par l’engagement
Les jeunes voient dans l’entrepreneuriat une aventure personnelle et un moyen d’agir pour une cause ou un mode de vie, plutôt qu’une simple finalité économique.













