Depuis 1997, l’école de la guerre économique forme à l’intelligence économique et stratégique. Un positionnement différent dans un monde en mutation. Rencontre avec Christian Harbulot, directeur de l’EGE.
L’école de guerre économique, école du groupe Planeta, existe depuis 1997. Pourquoi l’avez-vous créée ?
Christian Harbulot : Tout d’abord, nous avons fait le constat d’un déficit pédagogique dans la manière d’enseigner les rapports de force économiques et le rôle de l’information dans celui-ci. Il nous semblait important de construire une formation autour de la notion d’intelligence économique.
Nous avions aussi une volonté cachée de défendre la souveraineté économique de la France, même si à l’époque ce n’était pas d’actualité. Cette question est aujourd’hui un enjeu qui dépasse largement les logiques de marchés.

Que recouvre concrètement l’intelligence économique ?
Christian Harbulot : Ce concept recouvre une approche des relations internationales qui ne se limite pas à l’étude du marché ou la finance dans le domaine économique. C’est une logique qui intègre les problématiques de puissance et d’accroissement de la puissance par l’économie.
Concrètement, c’est exactement ce qui est au cœur de la politique de Donald Trump aux États-Unis qui pousse la dimension industrielle nationale mais aussi l’affrontement économique avec d’autres pays comme la Chine.
À partir de ce constat, quels sont vos objectifs pédagogiques ?
Christian Harbulot : Nous apprenons à nos élèves à pratiquer le management de l’information. L’économie numérique mondiale s’est fortement structurée avec Internet et les technologies de l’information.
Notre rôle, c’est d’apprendre à nos étudiants à chercher l’information. Nous travaillons à partir de l’intelligence artificielle avec un regard critique, et ils découvrent comment analyser les situations. L’un de nos points forts est de créer des grilles de lecture qui prennent en compte les rapports de force entre puissances, les problèmes de compétitions économiques, l’implication des sociétés civiles aussi dans la vie économique… En un mot, ils apprennent à analyser toutes les formes de confrontations informationnelles.
Comment les formations sont-elles structurées pour répondre à ces enjeux ?
Christian Harbulot : Nous avons une approche du monde qui est très lucide par rapport aux mutations et aux conflits qui s’intensifient depuis quelques années. On ne dissocie pas le temps de paix, qui était dominant dans le monde occidental, du temps de guerre qui commence à apparaître dans les programmes gouvernementaux, d’où le nom de notre école d’ailleurs.
Cette approche globale n’est pas centrée sur des relations internationales apaisées. On se colle à la réalité qui aujourd’hui remet en question ce qu’on pensait apaisé depuis longtemps.
Par ailleurs, notre enseignement se base sur des cas concrets à travers des exercices et des missions qui durent plusieurs mois. Par exemple, une entreprise peut demander à nos étudiants de réfléchir à la manière d’utiliser la connaissance et l’information pour être meilleure qu’un concurrent.
Nos étudiants travaillent d’ailleurs sur des sujets qui intéressent souvent les instances parlementaires. L’EGE a été citée dans un rapport du Sénat sur l’ingérence économique dans la production alimentaire française, par exemple. Nous avons aussi été invités à intervenir à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une commission sur la réindustrialisation… Ce que font nos étudiants a un impact concret.
Quels types de formations dispensez-vous ?
Christian Harbulot : Nous proposons des formations au niveau master (M1 et M2) dans différents domaines comme l’intelligence économique, la cybersécurité, la gestion des risques ou le renseignement.
Nous avons aussi des formations exécutives qui s’adressent à des professionnels. Ils viennent chercher une approche complémentaire pour aider leurs entreprises à être plus performantes.
Dans quels secteurs se retrouvent vos diplômés à la sortie ?
Christian Harbulot : Lorsqu’on a créé l’école, nos diplômés travaillaient essentiellement dans le monde du conseil et dans quelques grands groupes qui intégraient déjà des profils experts de l’intelligence économique.
Aujourd’hui, la ventilation a évolué. Beaucoup d’anciens vont dans des entreprises de toutes tailles, d’autres dans le conseil et enfin, on a de plus en plus de diplômés qui se dirigent vers les services spécialisés de l’État, comme les renseignements ou les armées pour travailler.
Au vu du contexte mondial, votre école peut attirer de nombreux nouveaux acteurs. Quelle est la stratégie de contact de l’EGE dans les années à venir ?
Christian Harbulot : Nous allons prochainement présenter le plan triennal de l’EGE dans lequel nous allons mettre l’accent sur l’étude des rapports de force et des confrontations informationnelles, ce qui nous semble essentiel.
Avant cela, nous avons déjà lancé EGE international, soit des formations online que nous proposons à des pays étrangers selon leurs réalités.
Enfin, nous lançons un bachelor, dès cet automne. Dans ce contexte nous travaillons à rassurer les parents sur la pertinence de ce diplôme pour leurs enfants.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Christian Harbulot, directeur de l’École de Guerre Économique (EGE) : « Notre approche du monde est lucide »
Création et objectif de l’EGE : Fondée en 1997 en France, l’école vise à combler le déficit qui apparaît dans l’enseignement de l’intelligence économique et stratégique, avec une volonté de défendre la souveraineté économique française face aux enjeux mondiaux.
Notion d’intelligence économique : Elle englobe une approche des relations internationales centrée sur la puissance économique et stratégique, illustrée par des politiques comme celles de Donald Trump ou la rivalité sino-américaine.
Approche pédagogique et formation pratique : L’EGE enseigne le management de l’information, l’analyse critique via l’intelligence artificielle, et propose des cas concrets, missions long terme, qui ont un réel impact sur les secteurs publics et privés, notamment en matière d’ingérence économique.
Offres de formation : L’école propose des masters en France dans des domaines clés (cybersécurité, gestion des risques, renseignement) et des formations exécutives pour professionnels, avec une implantation à l’international et un futur bachelor dès l’automne.
Perspectives et stratégie : L’EGE ambitionne de renforcer ses études sur les rapports de force et les conflits informationnels avec un plan triennal, tout en développant ses formations en ligne et à l’étranger pour répondre à une demande croissante dans un contexte géopolitique tendu.