À 39 ans, cet ancien directeur de création a troqué le monde de la pub contre la scène, preuve qu’il n’est jamais trop tard pour embrasser sa véritable passion.
Le parcours de Thomas Pons ressemble davantage à celui d’un cadre supérieur qu’à celui d’un humoriste. Bac scientifique, études de droit, puis de communication, concepteur-rédacteur en agence de publicité, puis directeur de création dans l’ingénierie de formation. Et pourtant, c’est bien sur les planches qu’il a fini par trouver sa place, après des années à « se chercher », comme il le confie lui-même avec franchise.
L’impro, ou l’école de l’acceptation
Pendant quinze ans, Thomas Pons excelle dans l’art de faire rire… ses collègues. Directeur de création dans une agence spécialisée en ingénierie de formation, il conçoit alors des « dispositifs suffisamment divertissants pour que les gens oublient qu’ils sont en train d’apprendre ». Cette approche révèle déjà une intuition profonde : l’humour est aussi un outil de transmission.
Mais quelque chose lui manquait. « J’étais créatif, oui, mais pour les autres », résume-t-il. « À force d’écrire des histoires pour des marques, j’ai eu envie d’en raconter une qui m’appartienne. » En parallèle de son activité salariée, Thomas Pons multiplie les expériences, et c’est dans le théâtre d’improvisation qu’il se découvre vraiment. Cette discipline lui ouvre un champ nouveau : celui du lâcher-prise, de l’instant, de l’imprévisible. « C’est une école de fainéant, plaisante-t-il, parce qu’on n’a rien à apprendre par cœur. Mais c’est surtout une école de l’écoute, de l’inattendu. On apprend à accepter de ne pas savoir ce qui va se passer. »
Thomas s’essaie également à la chronique chez Radio Nova, repéré un peu par hasard. « La radio, c’est une école de rigueur, confie-t-il. On a quatre minutes d’antenne, mais des heures de travail derrière. C’est presque l’inverse de l’impro : tout est écrit, pesé, rythmé. Sur scène, je joue avec ce qui se passe dans le public ; à la radio, je parlais à 40 000 personnes, mais je n’en avais qu’une devant moi. Il faut être très sûr de ce qu’on écrit, c’est un exercice redoutable, mais d’une exigence formidable. »
Le grand saut sur scène
La bascule vers le spectacle s’est faite simplement, le jour où Thomas Pons a compris que sa place n’était plus derrière un bureau. « On me demandait souvent où on pouvait me voir sur scène. Je répondais : “Au bureau, si vous voulez.” J’ai décidé d’arrêter de me cacher derrière mon job, d’assumer qui j’étais et surtout, ce que j’avais envie de faire », se souvient-il.
Mais Thomas ne saute pas dans le vide sans parachute. Fidèle à sa formation publicitaire, il « formule d’abord une promesse », crée le concept de son spectacle, rédige un pitch et le vend aux salles de spectacle avant même de commencer à écrire. Une approche méthodique, presque entrepreneuriale, qui étonne chez un comédien.
Contrairement à beaucoup d’artistes qui rêvent de vivre exclusivement de leurs spectacles, Thomas Pons a bâti son équilibre sur un modèle plus rationnel. Les représentations qu’il donne, dans des salles de 70 à 100 spectateurs, ne sont pas, dit-il, un moyen d’en vivre, mais « un moyen d’entretenir la flamme ». Le véritable revenu provient de la transmission de ces compétences aux entreprises.
Cette stratégie n’est pas le fruit du hasard : il savait dès le départ qu’il y avait « plus de moyens pour les entreprises que pour le particulier », et qu’il était plus facile de convaincre une seule personne de faire intervenir un formateur dans une entreprise que de convaincre huit personnes individuellement. Rationnel, certes, mais aussi intelligent : cette approche lui permet de vivre de sa passion sans dépendre uniquement des aléas du spectacle vivant.
Il fonde alors la Mascarade Académie en 2024, où il forme aussi bien des particuliers à l’improvisation qu’il anime des ateliers collectifs en entreprise, capitalisant sur son expérience passée dans la formation professionnelle. Cette diversification d’activités lui permet non seulement de sécuriser ses revenus, mais aussi de légitimer son expertise : « Je ne suis pas juste un quarantenaire qui a pété un câble », plaisante-t-il, mais un professionnel aguerri qui connaît les enjeux de la scène et de la transmission.
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Conseils aux étudiants : la méthode du dossard
Pour ceux qui rêvent de monter sur scène, Thomas Pons propose une approche qui ressemble davantage à celle d’un entraîneur sportif qu’à celle d’un coach en développement personnel (un vocabulaire qu’il rejette d’ailleurs avec véhémence). Sa méthode ? La même qui l’a poussé à se mettre au running : prendre un dossard. Autrement dit, s’engager concrètement avant d’être prêt.
« Il faut s’inscrire à un plateau. Il y a beaucoup de scènes ouvertes. Et à partir de là, on y va. Si la flamme naît, il y a peu de choses qui peuvent l’éteindre », explique-t-il. Cette philosophie de l’engagement préalable, qui oblige à se mettre en mouvement plutôt qu’à attendre d’être prêt, constitue peut-être le conseil le plus précieux qu’il puisse donner aux jeunes générations.
Quant à la meilleure école pour l’humour, sa réponse fuse, non sans ironie : « Une école de commerce. » Plus sérieusement, il affirme que la meilleure des formations consiste à « questionner le monde qui vous entoure », à développer son esprit critique, à chercher à comprendre pourquoi les choses nous paraissent dysfonctionnelles. « On n’est jamais aussi bon que quand on est sincère », conclut-il.
Les réseaux sociaux : une arène à double tranchant
Sur la question des réseaux sociaux, qui semble presque incontournables pour toute carrière d’humoriste contemporain, Thomas Pons adopte une position nuancée. Conscient qu’on ne peut pas « passer à côté », il met néanmoins en garde contre leur « ingratitude » : « Les réseaux demandent beaucoup d’énergie, nous éloignent du véritable travail, et se transforment trop souvent en une arène où les gens mettent un pouce vers le bas ou vers le haut pour donner droit de vie ou de mort à un projet ».
Son conseil est de ne pas laisser le nombre de likes ou d’engagements définir sa valeur artistique. « Le fait de faire une vidéo et de faire très peu d’engagement, ça ne définit pas notre valeur. Ça ne veut pas dire qu’on est nuls, ça ne veut pas dire qu’il faut abandonner », insiste-t-il, invitant les jeunes créateurs à ne pas perdre de vue l’essentiel : le travail scénique lui-même.
















