Chaque année, des centaines de jeunes franchissent les portes du Cours Florent, célèbre école privée de théâtre. Certains y voient un tremplin vers le cinéma, d’autres une étape dans leur construction artistique. Derrière le prestige du nom, qu’apprend-on réellement derrière ses murs ? Et comment s’inscrit-elle dans le paysage plus large des formations d’art dramatique en France ?
Moins élitiste que le Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD), plus accessible que les Écoles nationales de région comme celle du TNS Strasbourg, de l’ENSATT Lyon, de la Comédie Saint-Étienne (800 candidats pour une dizaine de places), le Cours Florent attire par son ouverture, son réseau, et la possibilité de s’y construire à son rythme.
Juliette Gaudin, 23 ans, a rejoint l’école en octobre dernier après un bachelor à Sup’De Com Brest qui la laisse sur sa faim. La jeune femme rêve de travailler dans le milieu du cinéma depuis l’enfance et s’inscrit, un peu sur un coup de tête, au fameux stage de découverte du Cours Florent. « Je n’étais pas bien dans ce que je faisais, j’ai toujours aimé le théâtre, alors j’ai tenté. » Après une semaine de jeu devant une caméra, elle est admise. « Normalement, l’intégration se fait en septembre. J’ai eu de la chance, une place s’est libérée en novembre. »
Ce type de stage est l’une des portes d’entrée les plus fréquentes, une forme de pré-sélection « douce », qui permet de juger la motivation et le potentiel du candidat.
Une première année pour « désacraliser le plateau »
Au Cours Florent, la première année est commune à tous et comprend neuf heures de théâtre hebdomadaires, auxquelles s’ajoute un intense travail personnel pour préparer les échéances, ces sortes de partiels scéniques qui rythment l’année. « L’idée est de désacraliser le plateau », explique Juliette. Les élèves apprennent à dépasser la peur du regard, libérer leur voix, leur corps, à se tenir, écouter, répéter. « On est tout de suite confrontés au jeu, aux autres, à l’exigence, mais dans un climat très bienveillant. »
Grand angle
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Car le Florent, c’est aussi un état d’esprit. « J’ai enfin trouvé un endroit où je me sens à ma place. On peut parler cinéma, littérature, improvisation, avec des gens qui partagent les mêmes passions. » L’âge n’est pas un critère pour entrer dans l’école, qui accueille des reconversions comme des passionnés : Juliette évoque parmi ses camarades de classe un homme de 74 ans comme une jeune active ayant quitté un poste à haute responsabilité.
« Ce que j’aime, c’est qu’on travaille des textes d’époques et de registres très différents, on apprend autant à jouer qu’à mettre en scène », raconte Juliette. L’une des échéances les plus techniques consiste en effet à construire une mise en scène de A à Z en groupe, à partir d’une œuvre existante, en choisissant la scénographie, la musique et la chorégraphie. « C’est très exigeant, mais ça nous pousse à travailler en collectif. »
L’école de l’autonomie ?
Avec seulement neuf heures de cours hebdomadaires en première année – auxquelles peuvent s’ajouter des ateliers payants ou des classes parallèles – l’autonomie est de rigueur. « On répète énormément en dehors des cours. Il faut arriver en classe avec une scène qui a déjà évolué. Le prof attend qu’on propose, qu’on corrige, qu’on progresse. »
Dans cette configuration, la notion de « troisième œil » prend tout son sens : un regard extérieur d’un camarade qui peut pointer les failles, guider une correction, affiner un jeu. « C’est un travail très collectif. Il y a une vraie solidarité dans ma classe. On s’entraide tout le temps », assure Juliette.
Entre désir de scène et coût de la formation
Ce rêve de théâtre n’est cependant pas gratuit. Le Cours Florent coûte cher : près de 6 000 euros l’année, sans compter les ateliers (390 euros par an) ou la double spécialisation théâtre-cinéma dès la deuxième année (supplément de 1 000 euros). « Je vis chez mes parents, c’est ce qui me permet d’y être. Beaucoup d’élèves travaillent à côté, et ça empiète sur leur engagement dans le collectif de l’école. » La jeune femme rappelle également, à regret, que l’école ne délivre pas de diplôme reconnu par l’État.
L’un des objectifs majeurs pour de nombreux étudiants reste l’intégration de la classe libre. Ce concours interne du Cours Florent, en trois étapes, sélectionne une centaine d’élèves sur environ 3 000 candidats, et offre une année gratuite avec un encadrement plus intensif et des contacts privilégiés dans le milieu professionnel. « C’est un peu le Graal, l’élite », reconnaît Juliette, qui pense tenter sa chance l’an prochain.
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Mais pour certains, le Cours Florent n’est qu’une étape vers des écoles publiques plus prestigieuses. Le Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, « le CNSAD », reste la référence ultime, avec son concours ultra-sélectif (près de 1 000 candidats pour une trentaine de places). Ces établissements publics et gratuits proposent une formation professionnalisante avec un diplôme à la clé, et des débouchés réels dans les réseaux subventionnés. « Je prépare le concours du Conservatoire pour l’an prochain. Même si j’aime l’école, l’idée d’intégrer un cursus gratuit, avec un réseau aussi fort, c’est tentant », confie Thomas, un élève de deuxième année au Cours Florent.
À l’issue de sa première année, Juliette Gaudin s’orientera vers un double cursus théâtre-cinéma. « Je suis attirée par la caméra. J’adore la mise en scène, le montage et je n’exclus pas de devenir réalisatrice. » Car rien ne garantit qu’à l’issue de ces trois années, Juliette deviendra actrice : « Ici, on apprend un métier qu’on choisit sans aucune certitude. C’est une prise de risque, mais c’est la première fois que je me sens à la bonne place. » Dans un secteur où les trajectoires sont rarement linéaires, tout est possible.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Écoles de théâtre : le Cours Florent vu de l’intérieur
La spécificité du Cours Florent : L’école privée de théâtre est accessible et ouverte à tous profils intéressés par les métiers de l’art, principalement pour devenir comédien. Elle offre une alternative moins élitiste que le CNSAD et plus ouverte que d’autres écoles régionales, avec une pédagogie progressive et de bons résultats.
La pédagogie centrée sur la pratique et la confiance : La première année est axée sur la désacralisation du plateau, avec une immersion intensive dans le jeu, la mise en scène collective, et la stimulation de l’autonomie des élèves, dans un climat bienveillant et solidaire.
L’autonomie et l’esprit collectif : Les étudiants doivent répéter en dehors des cours, avec un accent sur la correction par les pairs et le travail en groupe, favorisant solidarité et entraide dans un cursus très pratique et collectif.
Le coût élevé et le rêve d’intégrer la classe libre : L’école privée de la comédie propose une formation coûteuse (environ 6 000 euros par an) qui pousse certains étudiants à travailler parallèlement, avec une ambition de réussir le concours interne de la classe libre, considéré comme la voie royale vers le prestige et la profession.
La voie vers d’autres écoles prestigieuses ou carrières variées : Le Cours Florent sert aussi de tremplin pour intégrer des écoles publiques comme le CNSAD ou poursuivre des carrières diversifiées (cinéma, mise en scène, réalisation), preuve que le cursus offre une grande flexibilité malgré l’incertitude du parcours professionnel dans le théâtre.