[Face à face] Année de césure, séjour linguistique, tour du monde… En 2017, 15% des jeunes sortis de l’enseignement supérieur avaient interrompu leurs études selon une étude du Cereq publiée en février 2025. Et ces parcours discontinus auraient un impact négatif sur leur insertion professionnelle.
Une conclusion qui trouve évidemment plusieurs explications. D’abord, le fait qu’en France, on soit très attaché aux parcours scolaires linéaires. Mais aussi parce que les recruteurs émettent des doutes sur la réelle valeur ajoutée de ces pauses durant les études. On le voit, la question est sujet à débat. On en parle avec Damien Jordan, directeur général délégué de l’IPSSI, favorable à ce type d’interruption de parcours, et Nicolas Lepercq, directeur R&D d’Ignition Program, qui soulève un certain nombre d’inconvénients à cette démarche.
POUR : « Une césure bien pensée peut être un atout sur un CV »
Damien Jordan, directeur général délégué de l’IPSSI, une école spécialisée en informatique
« Je suis favorable à l’idée de faire une pause entre le bac et les études supérieures. Selon moi, nous avons souvent tendance à nous précipiter vers des choix d’orientation sans avoir vraiment pris le temps de réfléchir à ce que nous voulons réellement. Dans un système scolaire où l’on enchaîne les étapes depuis l’enfance sans interruption, il est parfois bénéfique de faire une pause d’un an, voire deux, pour prendre du recul.
Cette pause, aussi appelée « année de césure » ou « gap year », permet aux jeunes de mieux se connaître, d’explorer de nouveaux horizons, de voyager, de travailler, ou encore de s’investir dans des projets personnels ou associatifs. Ce temps de réflexion active peut aider à confirmer un choix d’études, à en découvrir un autre, ou même à construire un projet professionnel plus cohérent avec ses aspirations profondes.
Contrairement aux idées reçues, cela ne constitue en aucun cas un « retard ». Au contraire ! Les étudiants qui prennent ce temps arrivent souvent en études supérieures avec plus de maturité, de motivation, et une meilleure capacité à s’organiser et à se projeter. Ils savent pourquoi ils sont là, ce qui peut faire toute la différence dans leur parcours académique. De plus, dans un monde du travail en pleine évolution, les recruteurs valorisent de plus en plus les profils atypiques, curieux, ouverts sur le monde, et capables de prendre des initiatives. Une pause bien pensée peut donc aussi être un atout sur un CV, si elle est mise à profit intelligemment ».

CONTRE : L’année de césure et l’arrêt des études n’est pas sans conséquence
Nicolas Lepercq, directeur R&D d’Ignition Program
« Faire une pause durant ses études présente en réalité plusieurs inconvénients. D’abord, un risque de rupture de dynamique dans ses études. Être étudiant c’est un métier avec un rythme et une certaine forme de sociabilisation. C’est toujours un peu dur de s’y remettre après avoir connu d’autres mécanismes sociaux. De plus, lors d’une année de césure par exemple, les étudiants peuvent se retrouver dans une situation arythmique par rapport à leurs copains qui poursuivent leur cursus. Cela peut potentiellement générer une forme d’isolement.
Une pause durant ses études peut aussi impacter l’octroi des bourses et placer les jeunes dans une certaine forme de précarité. Surtout s’ils sont sans soutien financier de leur famille. Si le projet de pause n’est pas bien réfléchi, sans véritable objectif défini, cela peut créer un sentiment de vacances et de non-implication qu’il sera peut-être compliqué d’inverser après.
S’accorder une pause durant ses études implique aussi une entrée plus tardive sur le marché du travail. Cela signifie que le jeune arrivera 6 mois, un an ou deux s’il a déjà redoublé une fois, après sa génération. Donc ses camarades auront déjà engrangé un a deux ans d’expérience professionnelle. Pour lui, cela aura un impact sur sa dynamique de carrière et l’évolution de sa rémunération.
Pour les employeurs, une césure peut aussi être perçue comme un manque de motivation, une incapacité à prendre une décision, un doute sur son métier…. Bref, une position dilettante. Pire un « caprice de riche ». Et ce a fortiori, si le recruteur n’a pas eu la possibilité de réaliser ce type de pause, notamment parce qu’il devait rembourser un prêt étudiant, par exemple.
Enfin, selon les métiers, faire une césure revient à engranger du retard sur l’évolution de certains outils. Je pense notamment aux métiers informatiques. On le voit, interrompre ses études peut desservir les étudiants s’ils n’ont pas réfléchi et conçu un projet solide pour cette période ».

Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Face à face, pour ou contre faire une pause durant ses études ?
Taux d’interruption : En 2017, 15% des diplômés de l’enseignement supérieur en France avaient interrompu leurs études, souvent perçu comme ayant un impact négatif sur leur employabilité.
Avantages de la pause : Pour Damien Jordan, une césure peut offrir aux étudiants le temps nécessaire pour mieux se connaître et explorer des choix d’orientation, renforçant ainsi leur motivation et leur maturité lors de leur retour aux études.
Valeur ajoutée : Les césures bien pensées, comme les années de césure, sont de plus en plus valorisées par les recruteurs, car elles indiquent des profils ouverts, curieux et proactifs.
Inconvénients de la césure : Selon Nicolas Lepercq, l’interruption des études peut entraîner des risques d’isolement social, de rupture de dynamique académique, et des retards dans l’entrée sur le marché du travail. Une césure peut nuire à la carrière du jeune.
Perception négative : Les employeurs peuvent interpréter une césure comme un manque de motivation ou une difficulté à s’engager dans un projet professionnel, ce qui peut stigmatiser les diplômés ayant pris une telle décision.