La Commission européenne a prévu une hausse de 50 % du budget d’Erasmus. Pour Nelly Fesseau, cette augmentation est une “bonne surprise”, mais elle ne sera pas suffisante pour satisfaire toutes les demandes et les enjeux. Entretien.
8questions À Nelly Fesseau, Directrice Erasmus + France

Le programme Erasmus, qui existe depuis 1987, est toujours aujourd’hui un des projets phares de l’Union Européenne. Quels sont vos grands enjeux stratégiques pour les prochaines années ?

Nelly Fesseau : Notre enjeu principal est de conforter le projet tel qu’il existe depuis sa création et tel qu’il a été étendu depuis 2014. Nous devons continuer à aller plus loin.
Aujourd’hui, nous sommes à plus de 16 millions de mobilité en Europe, dont 150 000 par an en France. Nous devons aujourd’hui toucher de plus en plus de jeunes dans tous les secteurs et notamment dans la formation professionnelle et le secteur scolaire.

Malgré la hausse des fonds alloués, vous ne parvenez pas à répondre à toutes les demandes de mobilités. Comment cela se fait-il ?

Nelly Fesseau : Entre 2021 à 2027, le budget pour la France est passé de un milliard à 2,2 milliards d’euros. C’est déjà considérable. Mais en parallèle, les souhaits de mobilité ont explosé, surtout depuis le Covid. Les jeunes ont de plus en plus envie de découvrir l’Europe, de partir à l’étranger, d’acquérir des compétences transversales.
Aujourd’hui, nous arrivons à répondre à une demande de mobilité sur deux en France. Nous ne sommes pas les plus mal lotis en Europe, mais il est difficile de répondre à tous. C’est un enjeu du programme.

Comment comptez-vous y parvenir ?

Nelly Fesseau : Cela passe mécaniquement par une augmentation du budget alloué. Erasmus + est une bourse, donc plus nous avons de fonds, plus nous parviendrons à répondre favorablement aux projets de mobilités.
À l’échelle de l’Europe, le programme ne représente que 2 % du budget total de l’Union Européenne, ce qui est très peu quand on voit l’impact de cette mobilité sur le sentiment d’appartenance européenne et la montée en compétences des jeunes.

Ce budget peut-il encore évoluer à la hausse ?

Nelly Fesseau : La commission européenne a annoncé une hausse de plus de 50 % du budget du programme sur la période 2028-2034. On passerait ainsi de 26 à 40,8 milliards. C’est une très bonne surprise.
Cependant, cette hausse de 55 % est un seuil pour ne pas dégrader notre capacité à répondre à la demande. Aussi, nous savons déjà que nous ne parviendrons pas à répondre à l’ensemble des projets. L’Allemagne souhaite ainsi une hausse de 100 % du budget du programme, comme cela a été le cas pour le précédent exercice.
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Pourquoi aujourd’hui, faire une mobilité en Europe est toujours pertinent ?

Nelly Fesseau : La Commission européenne souhaite aller vers une union des compétences pour tous les jeunes. Une mobilité change beaucoup de choses. Outre les compétences acquises, les mobilités favorisent l’autonomie et donc un accès à l’emploi facilité.
Surtout, la mobilité renforce ce sentiment d’appartenance à l’UE et le sentiment de citoyenneté européenne.

Comment s’organise l’allocation des bourses par établissement ?

Nelly Fesseau : Nous fonctionnons par appels à projets. En octobre, tous les porteurs de projets, (établissements scolaires, rectorats, écoles, universités, collectivités…) transmettent leur candidature. Cet appel à projet se clôture en mars. Après les avoir évalués, nous allouons directement l’ensemble des fonds dès que les conventions sont signées.

N’existe-t-il pas un déséquilibre entre les grandes écoles qui ont des mobilités obligatoires et les universités ?

Nelly Fesseau : Dans l’enseignement supérieur, les grandes écoles – ingénieurs, commerce, IEP – ont intégré depuis longtemps le principe d’une mobilité qui est devenue obligatoire.
Si cela est possible dans les grandes écoles, c’est plus complexe dans les universités, même si certaines sont très actives, comme Savoie Mont Blanc ou l’université de Strasbourg.
Cependant, les choses évoluent depuis la création des alliances universitaires qui implique un principe de mobilité pour 50 % des étudiants. Un jeune inscrit dans la formation d’une alliance peut faire une ou plusieurs mobilités chez un partenaire européen. Le parcours pédagogique est pensé avec les partenaires ce qui favorise les échanges. D’ailleurs, nous constatons déjà une augmentation de 400 % des mobilités. C’est une très belle réussite.

Quels sont les défis que vous devez encore relever au sein du programme ?

Nelly Fesseau : Nous devons résoudre les inégalités d’accès au programme. Nous avons créé une bourse supplémentaire Top up inclusion qui peut aller jusqu’à 250 euros par mois en plus de la bourse Erasmus classique pour aider ceux qui ont des difficultés financières.
Pour faciliter l’accès au programme pour les étudiants ultramarins, nous réfléchissons à des mobilités plus accessibles. Ainsi, un jeune qui habite à la Réunion pourrait aller à Maurice, un étudiant vivant à Mayotte pourrait faire sa mobilité à Madagascar, etc. Mais nous avons une contrainte, 80 % des partenaires doivent être européens et nous devons garder en tête que l’objectif d’Erasmus c’est toujours de renforcer la citoyenneté européenne.
Enfin, nous avons aussi l’enjeu d’ouvrir le programme à d’autres publics, notamment dans la formation professionnelle et dans le scolaire. Nous travaillons avec les rectorats sur ce sujet et avons avancé sur la mobilité des apprentis pour leur permettre de partir plus longtemps.
Dans le contexte actuel de tension géopolitique, la forte demande de la jeunesse pour aller voir ce qui se passe dans d’autres pays est une excellente chose. C’est à nous de l’encourager et de la rendre possible.
NOTRE RÉSUMÉ EN
5 points clés
PAR L'EXPRESS CONNECT IA
(VÉRIFIÉ PAR NOTRE RÉDACTION)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Nelly Fesseau (Erasmus +) : “La hausse du budget est un seuil pour ne pas dégrader notre capacité à répondre aux demandes de mobilités”
Un budget en forte hausse mais insuffisant
Le programme Erasmus + en France dispose de 2,2 milliards d’euros entre 2021 et 2027, mais ne peut répondre qu’à une demande de mobilité sur deux. La hausse de 55 % prévue pour 2028-2034 (40,8 milliards au niveau européen) permettra seulement de maintenir le cap.
Une explosion des demandes
Depuis le Covid, les jeunes veulent davantage partir à l’étranger pour acquérir des compétences et vivre une expérience européenne. Erasmus + reste l’un des programmes les plus plébiscités, avec plus de 16 millions de mobilités cumulées en Europe.
Un impact majeur sur les jeunes
Au-delà des compétences professionnelles, la mobilité développe l’autonomie, facilite l’accès à l’emploi et renforce le sentiment d’appartenance à l’Union européenne.
De nouvelles dynamiques dans l’enseignement supérieur
Les grandes écoles imposent déjà des mobilités obligatoires, mais les universités progressent via les alliances européennes, avec une hausse de 400 % des échanges étudiants.
Un défi d’inclusion
Erasmus + veut réduire les inégalités d’accès avec une bourse complémentaire « Top up inclusion » (jusqu’à 250 €/mois), des solutions pour les ultramarins et une ouverture vers la formation professionnelle et le scolaire.












