Seulement 25% des jeunes femmes décident d’intégrer des formations supérieures dans l’ingénierie et le numérique. Une proportion qui stagne depuis 20 ans. C’est dans ce contexte que le ministère de l’Éducation a lancé en mai 2025, le plan Filles et maths.
Dans ce plan figure la mise en place d’un objectif cible de filles à l’entrée en CPGE scientifiques avec un minimum de 30 % en 2030. Si la ministre ne parle pas de quota, ce chiffre cible pose néanmoins la question de moyens pour arriver à cet objectif. Or l’idée d’instaurer une discrimination positive, via les quotas notamment, pour mettre fin à ce déséquilibre ne fait pas l’unanimité.
On fait le point avec Isabelle Huet, directrice générale d’Elles bougent, favorable à la mise en place de quotas pour augmenter le nombre de femmes dans les filières scientifiques et avec Laurent Pater, président d’Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques, qui estime que la solution se porte plutôt sur la représentation des métiers.
Pour : « L’introduction de quota est essentielle pour espérer un changement systémique »
Isabelle Huet, directrice générale d’Elles bougent

Nous sommes plutôt favorables à la mise en place de quotas dans les filières scientifiques. D’ailleurs, nous avons proposé ce type de discrimination positive dans notre enquête sur l’orientation genrée. Pour Elles Bougent, l’introduction de quotas en prépa mais aussi de façon générale dans d’autres établissements – comme dans les écoles d’ingénieurs avec prépa intégrée – est essentielle pour espérer un changement systémique. Nous avons conscience que ce n’est pas l’idéal, notamment parce qu’il y a une sélection sur le genre, mais cette action peut vraiment faire bouger les lignes, comme on l’a vu dans d’autres secteurs, notamment en politique.
Les statistiques sur la mixité des ingénieurs évoluent très peu, dès lors si on veut faire changer les choses, il faut mettre en place une politique volontariste. Cette politique doit se jouer sur plusieurs leviers et à tous les niveaux. En effet, en ce qui concerne la présence des filles dans les sciences, on se rend compte qu’on en perd à chaque étape de la chaîne de valeur, dès le collège puis progressivement au lycée, dans l’enseignement supérieur et enfin sur le marché du travail. C’est pourquoi les actions ne peuvent pas se limiter à la mise en place de quotas. Le développement des rôles modèles dans le secondaire est aussi fondamental.
Parmi les autres leviers d’action, il faut aussi agir sur les biais qui existent au sein même des modalités de sélection. Certaines filles peuvent ainsi décrocher en maths parce que les évaluations sont pensées par et pour des garçons. Il est essentiel que tous les acteurs fassent leur part pour favoriser les candidatures des jeunes femmes et leur laisser de la place.
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Contre : Au lieu d’instaurer des quotas, mieux vaut travailler sur les représentations des métiers d’ingénieurs
Laurent Pater, président d’Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques

Aujourd’hui le mot quota n’est pas posé dans le plan Filles et maths . On parle plutôt de chiffre cible à atteindre. Pour autant, selon l’union des prépas scientifiques, les quotas ne vont pas améliorer la présence des filles dans nos filières. Si je prends l’exemple de mon lycée, Jules Ferry à Versailles, nous avons un important vivier de candidates. Parmi les 200 premiers dossiers classés, 35 % sont des filles avec des candidatures brillantes. Mais à la rentrée, elles ne sont plus que 24,7 %. Simplement parce que si elles sont prises dans notre prépa, elles font un autre choix d’orientation sur Parcoursup.
Par ailleurs, il n’est pas certain que l’instauration de quotas change la situation. Pour prendre un exemple, la loi Orientation de 2018 a intégré la notion de quota pour favoriser les boursiers. Il s’agit de quotas d’appel et non de place, ce qui signifie que les établissements doivent appeler davantage de candidatures de boursiers pour leur laisser plus de chance d’intégrer un établissement. Or cette politique n’a pas eu les effets escomptés. En effet, si la part des boursiers parmi les admis a augmenté depuis cette loi, leur taux dans le supérieur stagne dans les filières sélectives.
Aussi, au lieu d’instaurer des quotas, il est essentiel de travailler sur la représentation des métiers d’ingénieurs . En effet, ingénieur est un titre et non un métier. Derrière cette dénomination, il est possible d’exercer dans différents secteurs, en ressources humaines, recherches et développement, etc. Or, c’est sur cet axe-là qu’il faut travailler pour mettre en place une vraie politique d’orientation et de vision de ces métiers. La présence de rôles modèles peut participer à cette meilleure connaissance de ce qui existe dans l’ingénierie.
Si en parallèle on parvient à féminiser le corps enseignant, alors c’est un cercle vertueux qui se mettra en place, permettant aux jeunes filles de s’identifier dans leur quotidien. Petit à petit, grâce à ces actions, on souhaite densifier le vivier de filles en spécialités de maths dès le lycée. Ensuite à nous de promouvoir les filières scientifiques et les grandes écoles pour les convaincre de rejoindre nos rangs.
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Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Les quotas de filles dans les filières scientifiques : pour ou contre ?
Objectifs ambitieux pour la mixité dans les filières scientifiques : Le plan Filles et maths, lancé par le ministère de l’Éducation en mai 2025, vise d’ici 2030 à atteindre au moins 30 % de filles en classes préparatoires scientifiques, afin de lutter contre la stagnation de la phénomène depuis 20 ans.
Favorables aux quotas pour une transformation systémique : Selon Isabelle Huet d’Elles bougent, l’instauration de quotas est essentielle pour changer la dynamique de la représentation des femmes dans les filières scientifiques, malgré la remise en question des discriminations positives.
Critiques des quotas en faveur d’une diversification des représentations : Laurent Pater insiste sur le fait que les quotas ne suffisent pas et privilégie le développement d’une meilleure image des métiers d’ingénieur, avec des rôles modèles, pour inspirer davantage les filles.
Limites des quotas et de leurs effets passés : Les expérimentations avec des quotas, notamment dans la loi Orientation de 2018, n’ont pas permis d’augmenter significativement la présence des boursiers ou des filles en filières sélectives, montrant que d’autres leviers sont nécessaires.
Importance de valoriser la culture des métiers et la féminisation de l’enseignement : Pour attirer plus de filles, il faut « réinventer » l’image des métiers d’ingénieur, renforcer la présence de modèles féminins et sensibiliser dès le lycée, plutôt que de se limiter à des quotas.












