Témoignage : immersion dans la vie d’une professeure des écoles

Le quotidien d'une professeure des écoles.

Le ou la professeur(e) des écoles est un(e) acteur(rice) clé(e) de l’éducation des enfants. Il ou elle les accompagne depuis leur plus jeune âge et leur apprend les bases des savoirs qui leur permettront de devenir des citoyens. C’est un métier qui demande de l’énergie, de l’organisation, de la patience mais aussi une bonne dose de créativité. Nous avons rencontré une enseignante du primaire qui nous offre un regard nouveau sur ce métier ancestral.


Depuis maintenant 6 ans, Claire est professeure dans une école privée de la région lyonnaise. Elle s’occupe d’une des deux classes de CM2 comptant, cette année, 28 élèves. À quoi ressemble le quotidien d’une maîtresse d’école ? Quelles sont les difficultés et grandes fiertés de ce métier ? Claire nous raconte son parcours, son travail et les moments forts de son année scolaire. Témoignage.

Claire : J’ai passé un Bac Scientifique (S) que j’ai obtenu en 2012. En sortant du lycée, je ne savais pas trop quoi faire, et j’ai intégré une école de tourisme, que j’ai suivie pendant un an avant que celle-ci ne fasse faillite. Puis je suis allée en fac de bio où je suis restée un mois seulement, parce que je ne trouvais toujours pas de sens à ce que je faisais. 

J’ai alors rencontré une coach, qui au travers de ce que je lui racontais à mis en avant le métier de professeur des écoles. Je me suis alors rendue compte que, petite, j’aimais beaucoup jouer à la maîtresse…et que j’y avais joué jusque très tard (rire). C’était en moi ! J’ai aussi découvert que j’avais certaines qualités compatibles avec ce métier : mon sens de l’organisation, mon besoin d’autonomie, ma créativité, le fait que j’aime le milieu scolaire, transmettre et raconter des choses. 

J’ai donc trouvé une licence de psychologie à la fac catholique de Lyon, grâce à laquelle j’ai pu accéder, après 3 ans, au master de l’enseignement. À ce moment-là, je ne savais pas encore si j’aurais un bon contact avec les enfants. 

Claire : À mon époque, on passait le concours à la fin du Master 1, et en Master 2 on devenait professeur des écoles stagiaire (PES). J’étais donc deux jours dans la semaine en classe de CM2 et deux jours et demi en formation. J’ai choisi d’enseigner dans le privé car on y est plus rapidement titularisé. Dans le public, il fallait attendre en moyenne 5 ou 7 ans avant d’avoir sa classe en tant que titulaire. Pendant ce temps, les professeurs étaient remplaçants, sans poste fixe. Une fois titularisée, j’ai fait mes vœux d’établissement et j’ai rejoint l’école dans laquelle j’enseigne aujourd’hui. Pendant deux années scolaires j’ai enseigné en CE1, puis je suis passée en CM2 quand la collègue qui s’occupait de ce niveau est partie à la retraite.

Claire : C’est vraiment très différent. Mais je pense que, même si j’ai adoré mes années de CE1, je préfère le CM2. Ce que j’aime dans ce niveau c’est la relation avec les élèves. Les enfants ont suffisamment grandi, ils sont en plein dans la préadolescence et sont davantage à la recherche d’un lien. On crée alors une relation plus durable que dans les niveaux inférieurs. En plus de cela, les projets qu’on peut mener en classe, le programme, l’autonomie des élèves, leur compréhension des choses sont plus intéressants. On parle de faits d’actualité et je constate une vraie compréhension de leur part avec des questionnements plutôt éclairés. Ils sont curieux et ils savent des choses.

Claire : Le matin, quand on arrive en classe à 8h30, je dédie une demi-heure à ce que j’appelle des rituels. Ce sont des routines que nous faisons tous les jours : après l’appel de la cantine, on découvre le mot du jour, puis on lit un chapitre d’un livre. C’est un temps que l’on partage tous ensemble devant le tableau, pour bien commencer la journée avant de passer aux apprentissages. Ensuite, en général, on fait du français jusqu’à la récréation du matin, puis des maths.

Après la pause de midi, les élèves reviennent en classe pour un temps calme d’environ vingt minutes. C’est un moment où, normalement, personne ne parle et où les enfants peuvent lire. Les apprentissages reprennent dans l’après-midi. Je prévois les matières comme la géographie, l’histoire, les arts plastiques ou le sport en seconde partie de journée, à l’heure où ils sont un peu moins concentrés. Mais on retrouve aussi un peu de français et de maths. La récréation a lieu vers 15h00. En fin de journée, on s’arrête vers 16h15, on écrit les devoirs, on fait les cartables et à 16h30, ils partent.

De mon côté, sur le temps de midi, parfois, je fais des APC, de l’aide pour les élèves qui en ont besoin. Je dois faire une trentaine d’heures chaque année. Le soir, je reste à l’école pour corriger des cahiers ou photocopier des documents et, quand je rentre chez moi, je termine de préparer les cours du lendemain.

Claire : Le temps calme du début d’après-midi avait été imposé après le COVID. Pour éviter les contagions, il était préférable que les enfants remontent en classe directement après la cantine pour rester chacun à leur bureau, plutôt que de rester tous ensemble dans la cour. Pour les rituels du matin, en revanche, cela vient de moi. Je décide de ce que l’on fait en classe. Je pourrais ne pas faire de rituels ou je pourrais en faire des différents. Le rectorat n’impose rien du tout. On a une liberté pédagogique qui est totale.

Claire : C’est un moment convivial et chaleureux que l’on passe tous ensemble. Cela crée de l’interaction, tout le monde s’exprime, et je peux profiter de ces temps pour m’assurer de passer auprès de chacun de mes élèves et de leur accorder mon attention. C’est aussi un moment où tout le monde peut s’exprimer, car je sais que, quand on rentre dans l’apprentissage, certains, notamment les enfants qui ont des difficultés ou qui sont timides, ne vont pas oser lever la main.

Claire : Ce qui est difficile pour moi, et c’est très personnel, c’est de mettre la bonne distance entre les élèves et moi. Quand je sens que l’un d’eux ne va pas bien, j’ai tendance à vouloir l’aider et le suivre plus qu’il ne faudrait.

Ce qui est compliqué, c’est aussi de gérer l’hétérogénéité des classes. Cette année, par exemple, j’ai des élèves excellents qui pourraient déjà être en sixième et d’autres pour qui le CM2 est une année difficile et qui n’ont pas les acquis. Ceux-là ont souvent des troubles. Et puis, il y a ceux qui sont au milieu. Il faut donc se dédoubler et passer d’un groupe à l’autre en permanence.

La troisième difficulté, qui est assez relative à mon niveau, est de gérer le côté “préado” des élèves de CM2. Cela peut parfois mettre les nerfs à rude épreuve et il faut savoir serrer la vis. C’est quelque chose que je n’aime pas faire, mais je n’ai pas le choix.

Claire : Depuis ma deuxième année de CE1, j’ai commencé à me tourner vers des pédagogies un petit peu différentes, que j’ai vraiment mises en œuvre en CM2. J’essaie donc de proposer une autre organisation qui se traduit notamment dans la configuration de la classe. Il n’y a pas forcément un bureau par élève, certains sont assis par terre avec des supports adaptés et variés : des petites tables, des coussins, des tabourets, etc. On change souvent, et personne n’est jamais assis à la même place. Cela permet, entre autres, de répondre aux troubles de l’attention de certains enfants, qui ont besoin de bouger plus que les autres. 

Je fonctionne aussi beaucoup en atelier. On ne fait donc pas tous la même chose au même moment. Cela me permet d’avoir seulement sept élèves devant moi, au lieu de 28, pendant que les autres travaillent en autonomie. Je peux ainsi répondre aux différences de niveau de chacun. En réduisant ce groupe de 28, dans lequel certains n’osent pas parler, j’arrive à identifier plus facilement ceux qui n’ont pas compris quelque chose. En fait, je suis plus proche d’eux. C’est aussi utile pour créer une ambiance de travail sereine pour apprendre.

Claire : Les enfants adorent ce fonctionnement. C’est stimulant à la fois pour les élèves qui ont des difficultés, mais aussi pour ceux qui s’en sortent bien. Pour les premiers, je vais pouvoir tout de suite être au plus près de leur incompréhension pour les débloquer plus rapidement. Ils se sentent écoutés et pas jugés ou dévalorisés par le groupe. Et pour les enfants qui sont très bons, ils pourront avancer à leur rythme au lieu de rester bloqués sur un même exercice parce que d’autres n’ont pas compris.

Claire : Il faut avant tout être organisé mais aussi être très adaptable. Avec les enfants, ce que l’on prévoit est rarement ce qui se produit véritablement. Le jour où la photocopieuse ne marche pas alors qu’on avait prévu un exercice, on a toujours 28 enfants qui attendent que l’on fasse quand même quelque chose. Il faut donc savoir trouver tout de suite un plan B qui corresponde à leurs besoins. Je dirais aussi qu’il faut être créatif pour pouvoir mettre en œuvre des choses nouvelles. 

Enfin, il faut être bienveillant et patient. Il y a des enfants qui ne sont pas faciles, qui ont des problèmes de comportement, d’autres à qui il est compliqué de faire comprendre les choses. Il est important de rester bienveillant et de voir le meilleur en chacun d’eux.

Claire : C’est avant tout le contact avec les enfants. Je ne savais pas, au moment de passer le concours, à quel point j’allais être à l’aise avec eux. Quand j’arrive à créer un climat de confiance dans ma classe et que je me rends compte que mes élèves sont heureux de venir à l’école chaque matin, cela n’a pas de prix. J’ai l’impression d’avoir une mission, celle de leur faire passer une belle année, la dernière en primaire, et de les faire grandir en tant que personnes.

Un autre aspect de mon métier que j’adore est cette liberté pédagogique. Ce n’est pas pour autant que je fais n’importe quoi, mais je peux organiser mes journées comme je le souhaite. Cela laisse libre cours à l’imagination et à la créativité.

Claire : J’en ai deux. La première est liée à un concours de lecture à voix haute auquel j’ai inscrit ma classe. Lors de ce concours, une de mes élèves a été élue Meilleure lectrice et a gagné le concours au niveau départemental ! Elle était extrêmement fière, tout comme les autres élèves. Cet engouement autour d’elle m’a fait chaud au cœur. Mais en plus de cela, quand j’ai demandé aux élèves ce qu’ils avaient pensé de ce concours, j’ai découvert qu’ils avaient eu le sentiment de progresser et de prendre confiance en eux. Certains n’avaient plus peur de lire devant les autres, d’autres s’étaient aperçus qu’ils pouvaient faire rire leurs camarades. Ils ont pris un véritable recul sur ce qu’ils ont fait et appris. Quand les enfants se rendent compte de ce qu’un projet peut leur apporter et de leur progression, je trouve cela fantastique.

Ma deuxième fierté : c’est de voir de nombreux élèves revenir à l’école après être passés au collège, pour me donner des nouvelles. Ils sont heureux de me raconter leur évolution. Quand je vois ce lien entre nous perdurer, je me rends compte qu’ils ont été marqués par leur année de CM2 et que ma mission est accomplie.

Je pense que c’est une profession qui mérite d’être plus estimée qu’elle ne l’est encore aujourd’hui, parce que l’on forme les enfants à un très jeune âge. Les professeurs des écoles font, quand même, les futurs collégiens, lycéens et donc les futurs citoyens du pays. On leur apprend vraiment les bases de tout. C’est extrêmement gratifiant de voir, dans les yeux d’un enfant, qu’il a enfin compris.