Référencer son école

Benoît Germain, luthier : « Ce n’est pas un métier que j’ai fait pour gagner de l’argent, mais par passion »

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Benoît Germain, luthier : « Ce n’est pas un métier que j’ai fait pour gagner de l’argent, mais par passion »

Benoît Germain est luthier depuis 25 ans. Installé à Toulouse, au premier étage de la librairie musicale Le Croquenotes, il prend quotidiennement soin des instruments du quatuor à cordes (violons, altos, violoncelles) et des contrebasses et en propose également de sa fabrication. Nous l’avons rencontré dans son atelier.


« Ici, il y a une zone où il n’y a plus de vernis. Je vais en appliquer pour protéger le bois et éviter que l’instrument ne s’abîme », nous explique Benoît Germain, luthier installé à Toulouse depuis 2020. Entre ses mains, un violon fabriqué au début du XXe siècle à Mirecourt (Vosges), berceau de la lutherie française. Une tâche à laquelle le professionnel de 45 ans est habitué. « C’est quelque chose de très courant. En l’occurrence, il s’agit d’un particulier qui souhaite le remettre en état avant de le mettre en dépôt ici », précise-t-il.

Au quotidien, le quadragénaire entretient, répare, restaure et vend des instruments du quatuor à cordes (violons, altos, violoncelles) et des contrebasses. Mais aussi la viole de gambe « et tout ce qui est instruments baroques », dont le luthier a eu l’occasion de s’occuper lorsqu’il était salarié.

« La réparation intervient dans le cadre de l’entretien des instruments. La restauration, c’est vraiment lorsqu’il y a un peu tout à reprendre sur un instrument cassé », souligne-t-il. Sans oublier la fabrication, sa principale motivation pour ouvrir son propre atelier. Une passion à laquelle il consacre la moitié de son emploi du temps.

Benoît Germain dans son atelier, à Toulouse
Benoît Germain dans son atelier, à Toulouse

Chaque luthier a sa propre technique. « En termes de fabrication, ce qui m’intéresse, c’est de revenir à ce qui a été l’âge d’or de la lutherie », explique Benoît Germain. Ce dernier participe notamment à un projet de copie d’un instrument datant de 1739. Un violon Guarnerius, l’un des deux noms les plus prestigieux de la lutherie italienne, avec Stradivarius. En mars dernier, un violon fabriqué par Antonio Stradivari est d’ailleurs devenu l’instrument le plus cher jamais vendu. Son nouveau propriétaire, un collectionneur américain anonyme, a déboursé pas moins de 23 millions de dollars, soit environ 21 millions d’euros, pour acquérir cet objet d’exception.

Du côté de l’atelier toulousain, plusieurs années de travail devraient être nécessaires pour reproduire l’instrument de Giuseppe Guarneri del Gesù. « Grâce à des données obtenues par scanner, on peut obtenir la forme exacte de certaines parties de l’instrument, afin de reproduire la même chose ». En 2026, des luthiers, dont Benoît Germain, auront le privilège de manipuler le violon original. Ce dernier est actuellement joué par un musicien basé en Italie. « Cela permettra de peaufiner les détails de la fabrication, et d’analyser le vernis. Les photos ne suffisent pas pour une faire une copie qui y ressemble vraiment ».

Benoît Germain dans son atelier, à Toulouse

Une expérience acquise en 25 ans de métier, et 28 ans de pratique. Avec, dès son plus jeune âge, une initiation à la musique. « J’ai appris le violoncelle à 7 ans. J’ai été amené à rentrer dans des ateliers de lutherie pour entretenir mon instrument. Vers 13-14 ans, je me suis dit que ça pourrait être quelque chose de sympa à faire. C’est d’ailleurs toujours le cas », sourit-il. Une vocation confirmée par l’intervention d’un luthier au sein de son école de musique, à Évry, en région d’Île-de-France, dont le quadragénaire est originaire.

L’adolescent, qui n’a jamais rêvé de devenir musicien professionnel, poursuit ses études à l’École Nationale de Lutherie, à Mirecourt. Il s’agit du seul établissement public en France consacré à la lutherie du quatuor. « C’est la plus reconnue, et l’unique à être spécialisée dans seulement cette famille d’instruments, souligne Benoît Germain. Il existe d’autres formations, qui sont davantage une initiation qu’une formation au métier de luthier. Il y a aussi de très bonnes écoles ailleurs en Europe, en Italie, en Allemagne et en Suisse ».

Une exclusivité logique, selon le professionnel. « Cela semble peu, mais c’est en fait déjà beaucoup. Il risque d’y avoir plus de luthiers que nécessaires pour tout le pays. Former des gens, c’est génial. Mais si derrière, il n’y a plus de boulot pour les personnes qui suivent ce cursus, ça ne sert pas à grand-chose ». En parallèle, le luthier, qui « ne travaille plus son instrument » par manque de temps, a joué pendant une trentaine d’années, y compris dans des orchestres de quatuors.

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Aujourd’hui, la France compte environ 400 ateliers. « La pratique de la lutherie est plutôt en baisse, analyse Benoît Germain. Certaines activités liées à la culture, comme l’apprentissage d’un instrument lorsque l’on est enfant, est perçu comme quelque chose de coûteux par les parents. Même si ce n’est pas toujours le cas ».

En 25 ans, le luthier a ainsi constaté une baisse des ventes d’instruments destinés aux plus jeunes. « En revanche, beaucoup de personnes en louent » ajoute-t-il. Les prix à l’achat, eux, sont variables, notamment en fonction de la réputation du luthier et, de fait, de la qualité de la main d’œuvre. « Un musicien amateur qui a un bon niveau, qui veut se faire plaisir et qui a les moyens, peut s’offrir un violon à 10 000-15 000 euros. Les instruments dans cette gamme de prix conviennent aussi à certains professionnels. Si l’on s’intéresse au marché des instruments plus anciens, on peut rapidement monter jusqu’à 40 000, 50 000, voire 60 000 euros ». L’entretien d’un violon « joué tous les jours » représente quant à lui en moyenne 200 euros par an, hors remplacement des pièces, un acte plus rare.

Aujourd’hui, le luthier vit correctement de son activité. « Ce n’est pas un métier que j’ai fait pour gagner de l’argent, mais par passion. J’ai un modèle économique qui fonctionne. Cependant, les dernières décisions gouvernementales posent beaucoup de questions », pointe-t-il, en référence à la baisse du seuil de TVA pour les micro entreprises envisagée par le gouvernement. « On verra ce que cela va donner » conclut-il, assurant « essayer de rester confiant pour l’avenir ».

Crédit photo : Claire Stathopoulos


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur : Benoît Germain, luthier, et sa passion pour la lutherie

Passion avant profit : Benoît Germain, luthier toulousain depuis 25 ans, exerce sa profession par amour des instruments et de la fabrication, non pour faire fortune. Son métier allie maintenance, restauration et création d’instruments du quatuor à cordes.

Une expertise rare et prestigieuse : Il participe à un projet de copie d’un violon de 1739, en s’inspirant des techniques ancestrales et des scans 3D, notamment pour reproduire un violon de Guarneri del Gesù, avec une attention particulière aux détails comme le vernis.

Une formation spécialisée en France : Benoît Germain a suivi la seule école nationale de lutherie dédiée aux quatuors, à Mirecourt. La formation y est exigeante, mais la pratique de la lutherie s’amenuise en France, avec une baisse des ventes d’instruments pour les jeunes.

Baisse de la pratique et marché variable : La pratique de la lutherie en France est en déclin, affectant aussi la demande d’instruments, souvent loués plutôt qu’achetés, avec des tarifs allant jusqu’à 60 000 euros pour certains violons anciens.

Une activité économiquement viable, mais précarité liée aux décisions politiques : Bien que vivant de sa passion, Benoît Germain évoque les difficultés liées à la fiscalité et aux décisions gouvernementales, tout en restant confiant quant à l’avenir de son métier.

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