Référencer son école

L’exigence des classes prépas : avenir ou passé révolu ?

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L'exigence des classes prépas : avenir ou passé révolu ?

Symboles d’un certain idéal méritocratique, exigeantes, souvent redoutées, les classes préparatoires séduisent-elles toujours les étudiants ? La filière sait-elle encore convaincre, et surtout, se réinventer ? Rencontre avec Joël Bianco, proviseur du lycée Louis-le-Grand. 


On les disait fragilisées par la réforme du bac, dépassées par des formations plus professionnalisantes, et pourtant, les classes prépas enregistrent une hausse de 3 000 candidatures. « L’an dernier déjà, on constatait une augmentation. Cette année, elle se confirme. C’est un bon signal de la vitalité du modèle », observe Joël Bianco. Louis-le-Grand n’est pas un cas isolé : une enquête menée auprès d’autres lycées corrobore la tendance. 

Si les effectifs globaux ne représentent qu’une fraction de l’enseignement supérieur, l’intérêt des élèves reste bien réel. Même les prépas économiques (ECG), un temps malmenées, reprennent du terrain. « Il y a eu une période de flottement après la réforme du bac, doublée d’un effet Covid. Il a fallu un temps de stabilisation. Aujourd’hui, le parcours prépa–grande école est à nouveau lisible. »

Pour Joël Bianco, ce sont d’abord les fondements pédagogiques des prépas qui séduisent : « Les jeunes et leurs familles cherchent des formations avec un cadre fort, une pluridisciplinarité qui n’enferme pas. À 17 ou 18 ans, peu savent vraiment ce qu’ils veulent faire. La prépa laisse le temps de mûrir un projet, sans être livré à soi-même. »

La prépa offre un temps de maturation intellectuelle. « C’est une période de transformation. On quitte la dépouille du lycéen, on devient étudiant, on gagne en autonomie, on affine peu à peu son projet. Et tout cela se fait dans un cadre qui reste structurant. »

Le proviseur de l’établissement Louis-le-Grand défend une exigence « tempérée mais réelle », pensée comme un levier d’émancipation. « Ce qui fait la force de ce modèle, c’est ce cheminement progressif, cette capacité à faire émerger une orientation réfléchie, sans précipitation. »

Il reconnaît toutefois que ce format ne convient pas à tous. « Tous les jeunes n’ont pas envie de rester dans un cadre scolaire, et ce n’est pas un problème. Mais pour ceux à qui cela correspond, la prépa est une formidable école de construction personnelle. »

Loin des représentations anxiogènes, elle apparaît de plus en plus comme un espace de dépassement de soi. « Ce que je dirais à un élève qui hésite à rejoindre une prépa ? Viens, tu vas te surprendre toi-même. Tu vas réussir des choses dont tu ne te croyais pas capable, et tu vas t’en trouver grandi. »

Souvent décrite comme dure, élitiste, voire déconnectée, la classe prépa s’est transformée. « L’image du prof cassant, autoritaire, c’est terminé. Aujourd’hui, les enseignants sont attentifs, très disponibles. Les échanges avec les étudiants sont quasi permanents et dépassent le cadre des cours. » Le modèle a changé, à mesure que le profil des élèves évoluait lui aussi. « Les jeunes ne font plus les choses par devoir ou par automatisme. Ils demandent du sens, ils veulent comprendre pourquoi on leur demande tel effort, tel travail, et c’est une très bonne chose. »

Face à une génération marquée par les confinements, la question de la santé mentale est aussi devenue centrale. « On voit bien les effets du Covid sur ceux qui arrivent aujourd’hui en prépa. Les années collège passées en distanciel ont laissé des traces. Nous avons mis en place des cellules d’écoute, des ateliers de soutien psychologique. Partout, ces dispositifs se multiplient. »

Ce climat de bienveillance ne signifie pas relâchement. « La prépa reste exigeante. Mais quand l’exigence est accompagnée, expliquée, assumée, elle devient un moteur d’épanouissement. Les élèves progressent, gagnent en confiance et en ressortent souvent transformés. »

Les classes préparatoires s’ouvrent aux enjeux contemporains : les usages de l’intelligence artificielle, la transformation pédagogique, mais aussi la diversité. « Nous essayons, encore et toujours, de recruter davantage de boursiers, et de filles dans les filières scientifiques. Ce n’est pas simple, mais c’est une priorité. »

En 2025, un certificat viendra reconnaître officiellement les compétences acquises en CPGE : un Certificate of Liberal Arts pour les ECG ou B/L, un certificat Humanités pour les A/L. « Ce n’est pas un diplôme, mais un signe tangible, un repère de plus dans un parcours académique. C’est une bonne initiative, car elle rend visible une richesse jusque-là implicite », ajoute Joël Bianco. 

Alors, filière d’avenir ou héritage du passé ? « Tous les jeunes ne sont pas faits pour la prépa, et il ne faut surtout pas l’imposer comme une norme. Mais c’est une voie irremplaçable pour celles et ceux qui veulent prendre le temps d’apprendre, de s’orienter, de se construire. Dans une société où tout s’accélère, la prépa continue de former des esprits capables de recul, d’analyse, de discernement. »

Et de conclure : « On a besoin de jeunes capables de résister à la tentation de la facilité. La prépa, c’est une école du temps long et de l’approfondissement. C’est précisément ce qui en fait, aujourd’hui encore, une filière d’avenir. »


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : L’exigence des classes prépas, avenir ou passé révolu ?

Vitalité des classes préparatoires : Malgré les réformes et les défis récents, les CPGE constatent une augmentation de 3 000 candidatures, témoignant d’un regain d’intérêt pour ce modèle éducatif.

Cadre pédagogique rassurant : Les établissements de prépas offrent un environnement structuré qui permet aux étudiants de mûrir leur projet universitaire tout en leur donnant le temps et l’autonomie nécessaires pour se découvrir.

Évolution de l’image : Les programmes des classes préparatoires se réinventent avec des enseignants attentifs et disponibles, favorisant un climat d’échange constant, ce qui contribue à réduire l’image d’élitisme et de dureté.

Prise en compte de la santé mentale : Face aux effets de la pandémie, des mesures de soutien psychologique sont mises en place dans les établissements pour accompagner les étudiants tout en maintenant une exigence académique.

Une voie d’avenir : Les CPGE s’adaptent aux enjeux modernes, comme l’intelligence artificielle et la diversité. Elles restent une voie précieuse pour ceux qui cherchent une formation approfondie et réfléchie, avant la vie active, s’affirmant ainsi comme une filière d’avenir dans un monde en rapide évolution.

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