Bienvenue dans 20 sur 20, le podcast de L’Express Education. Philippine Dolbeau, entrepreneure, conférencière et animatrice télé, y accueille des personnalités du monde de l’éducation, des hommes et des femmes inspirants venus livrer leurs réflexions sur l’école d’aujourd’hui et de demain. Alors, qu’ils soient chercheurs, entrepreneurs de la EdTech, professeurs, parents, politiques ou même philosophes, tous partagent la même volonté de transformer l’éducation et de préparer la nouvelle génération aux défis de demain. Chaque semaine dans 20 sur 20, nous découvrons ces acteurs qui font bouger les lignes de l’éducation.
Dans cet épisode, Philippine Dolbeau rencontre Caroline Maitrot-Feugeas, fondatrice de NOMAD Education. Depuis 2011, NOMAD Education a permis à des millions d’élèves de réviser leurs cours via une application mobile gratuite. Avec un engagement fort pour l’égalité des chances et une mission sociale sincère, Caroline et son équipe œuvrent chaque jour pour rendre l’apprentissage accessible à tous.
Qu’est-ce qui vous a poussée à créer NOMAD Éducation en 2011 ?
Caroline Maitrot-Feugeas : On m’a toujours dit que tout était possible. Je suis rentrée chez Studyrama comme vendeuse de publicité. Je vendais des coupons cadeaux dans un magazine étudiant pour des bars, des restos, des boîtes de nuit. J’ai gravi tous les échelons jusqu’à la direction générale adjointe. J’ai acheté des actions chez Studyrama alors que j’avais seulement 27 ans. Cette boîte m’avait tout donné mais ce n’était pas la mienne. J’avais envie de décider, d’aller où je voulais. Avec l’arrivée du smartphone je me suis aperçue que c’était un outil fantastique. Pourquoi ne pas l’utiliser pour l’école et nos jeunes ? […] Mon associé m’a encouragée à oser, je ne sais pas si seule j’aurais osé me lancer dans l’entrepreneuriat.
Qu’est ce qui vous a poussée à vous lancer spécifiquement sur la tech ?
Caroline Maitrot-Feugeas : J’avais besoin d’être indépendante et pour changer les choses en éducation il faut beaucoup moins de moyens que dans beaucoup de sujets, à travers le numérique. On s’est lancé avec mon associé, on a mis 30 000 € chacun. On l’a développé au début en Pologne. NOMAD reste une boîte très modeste dans ses moyens, sauf sur la pédagogie. Le numérique, aujourd’hui, ce sont 6 millions d’élèves accompagnés. Ce côté massif et très impactant m’a plu.
L’entreprise a été créée pour faciliter l’accès à des outils de révision pour tous ?
Caroline Maitrot-Feugeas : La question était : que faire de cet outil, le téléphone, possédé par tous ? Il faut y mettre des contenus intelligents, vivre avec son temps, profiter du fait qu’il existe dans les zones prioritaires d’éducation, en ruralité, partout. Comment créer une application intéressante pour nos jeunes ? […] Nous avons 350 professeurs collaborateurs qui travaillent chez NOMAD Education. […] Il ne faut jamais mettre un enfant en situation d’échec. On est là pour qu’ils comprennent trois choses : l’effort paye, à quinze ans tout est possible et ils doivent prendre confiance en eux. Le programme va s’adapter à leurs besoins pour les mettre dans une situation de réussite. […]
Combien d’élèves avez-vous accompagnés ?
Caroline Maitrot-Feugeas : 6 millions depuis le début de l’histoire de NOMAD et 2 millions l’année dernière. […] On a quand même été nommé French Tech 2030. Ce que l’on construit avant quinze ans, on le porte toute sa vie. L’éducation rejaillit sur tout, sur votre santé, sur ce que vous allez apporter à votre famille. Plutôt que de réparer, construisons. […] J’ai vraiment envie d’apporter quelque chose et de changer les choses.
Qu’est-ce que représente pour vous le programme French Tech 2030 ?
Caroline Maitrot-Feugeas : Il y a eu des rencontres avec des boîtes importantes et cela m’a rendue plus forte. J’avais peut être besoin de ça en tant que chef d’entreprise et il faut être fort dans les lignes qu’on décide. Cela m’a rendue forte aussi sur la reconnaissance du choix d’internationalisation qu’on a fait vers l’Afrique, à l’heure où tout le monde nous parlait des États-Unis ou de la Chine. Cela a validé des choix qui étaient importants et a permis de nouer des relations beaucoup plus fortes avec la BPI, avec les armées, avec des gros groupes français qui peuvent aujourd’hui nous suivre. Les groupes du CAC 40 ont envie d’accompagner NOMAD. Je ne ferai rien sans les gros groupes. […]
La plateforme s’exporte à l’international, notamment en Afrique francophone
Caroline Maitrot-Feugeas : Il y a une histoire personnelle car j’avais été plusieurs fois en Afrique pour des voyages. En Afrique on retrouve des gens simples qui ont une énergie incroyable et des parents qui pensent encore que l’école peut tout changer. Deuxièmement, je m’étais autofinancée, donc il fallait que je sois intelligente dans mon internationalisation. Quand on part dans des pays étrangers, on se rend compte que les personnes adorent la France et qu’elles ont une vraie reconnaissance pour l’enseignement à la française. C’était très facile de décliner nos contenus.
Le smartphone est présent partout. On avait développé une solution qui ne nécessitait pas de connexion Internet. En Afrique, c’était vraiment un continent d’opportunités. C’est sans doute demain le continent qui aura le plus d’impact sur le reste du monde. Je suis pour que l’Afrique reprenne le pouvoir. Ce que je veux dire par là, c’est que sur plein de sujets, je me dis qu’il faut qu’on aide les gens à être éduqués, à se soulever. On s’est retrouvé hyper vite avec 100 000 d’utilisateurs, puis 1 million.
Le numérique est une chance pour l’éducation et ce partout dans le monde ?
Caroline Maitrot-Feugeas : Oui en France, c’est une chance, pour différencier les parcours, pour l’inclusion et pour faire des groupes de niveau. Le numérique a un apport fantastique. Le professeur doit être là et bien formé, il a le temps pour répondre aux questions. Il est nécessaire qu’il y ait un temps d’école dès le primaire où l’enfant va travailler sur des exercices qu’il comprend, sur lesquels il va apprendre à son rythme ou avec sa différence.
Comment devrait-on apprendre et enseigner aujourd’hui ?
Caroline Maitrot-Feugeas : Il faut reformer les professeurs à la pédagogie, c’est-à-dire être capable de se faire respecter. C’est difficile aujourd’hui d’enseigner. Il doit y avoir une sélection sur soft skills. Il vaut mieux former les professeurs à la pédagogie. La gamification vient justement à travers le numérique, mais pas tant dans le cours. On doit beaucoup plus faire face aux jeunes, leur apprendre à parler et à travailler en groupe, comme on le fait dans le supérieur. […]
Si vous deviez imaginer la politique de l’enseignement de demain à quoi cela ressemblerait ?
Caroline Maitrot-Feugeas : […] Je me concentrerais beaucoup plus sur la formation, mais une vraie formation. J’aimais bien cette idée d’avoir une licence pour former les professeurs. Il faut arrêter la formation par dépit, mais former des professeurs dès le primaire qui sont ultra formés. Je les sanctionnerais plus aussi et je les payerais beaucoup mieux. […] J’irais détecter des talents, en capacité de grandir dans leur carrière et de faire grandir nos jeunes. C’est la première chose que je ferais. […]