Cette année, près de 200 collèges français testent la pause numérique. Les élèves n’ont plus le droit d’avoir leur portable avec eux dans l’enceinte des établissements scolaires concernés. Une mesure qui vise notamment à améliorer la concentration et la mémorisation des jeunes, afin d’obtenir de meilleurs résultats.
Depuis la rentrée 2024, plus de 50 000 élèves français sont privés de téléphone mobile au collège. 199 établissements expérimentent la pause numérique, un chiffre annoncé par l’ancienne ministre de l’Éducation nationale Nicole Belloubet en août dernier. Une mesure qui pourrait se généraliser dès janvier 2025.
Depuis 2018, les collégiens (et écoliers) avaient déjà l’interdiction d’utiliser leur téléphone, y compris pendant les récréations. La pause numérique va plus loin : les adolescents doivent cette fois se séparer de leur portable dans l’enceinte des établissements. Ces derniers déterminent les « modalités pratiques pour assurer le respect de la loi », indique le ministère de l’Education nationale, évoquant comme « piste intéressante » la mise en place « d’un système de casiers ».
Quant aux lycées, la loi permet aux conseils d’administration d’introduire dans le règlement intérieur l’interdiction de l’utilisation de ces appareils, précise le ministère.
L’impact des écrans sur l’apprentissage
« L’utilisation du téléphone mobile peut nuire gravement à la qualité d’écoute et de concentration nécessaire aux activités d’enseignement », a notamment justifié le ministère de l’Éducation nationale, se basant sur les conclusions du rapport de la commission de travail sur les écrans, remis à Emmanuel Macron le 30 avril 2024. Et donc impacter les résultats des élèves.
« Selon plusieurs études, la simple présence du téléphone portable est source de déconcentration, même s’il ne sonne pas, ou qu’il est éteint », explique également Sébastien Herry, psychologue spécialiste de la psychologie des outils numériques, et fondateur de l’Observatoire Psycho-Social du Numérique. Un phénomène qui serait encore plus important chez les enfants et les adolescents. Les sonneries ont aussi un impact non négligeable. « On sait que lorsque l’on entend une sonnerie de téléphone portable, même si ce n’est pas la nôtre, nos capacités de concentration et de mémorisation sont considérablement altérées », indique le psychologue.
La concentration et la mémorisation sont étroitement liées, rappelle Sébastien Herry. « En cours, si vous voulez retenir quelque chose, il faut pouvoir se concentrer sur la chose à mémoriser », affirme-t-il. De plus, selon certaines études, un usage intensif du téléphone mobile et des écrans en général engendrerait « des baisses de la capacité de la mémorisation ».
Sans les smartphones les ados sont « obligés de parler entre eux »
L’utilisation des téléphones portables entraînerait aussi une diminution de « la qualité de la vie collective pourtant indispensable à l’épanouissement des enfants », soulève le ministère de l’Éducation nationale. Sans leur smartphone, les jeunes générations pourraient ainsi être amenés à communiquer davantage dans le monde réel, en dehors des cours, pendant la récréation ou lors de la pause déjeuner.
« Ils vont peut-être se rendre compte que c’est agréable de discuter réellement avec les autres. Dans la cour, ils vont être obligés de parler entre eux, et nous savons que cela est bénéfique pour la santé », détaille le spécialiste. La santé physique et mentale peut justement être impactée par l’utilisation du téléphone. Sébastien Herry évoque aussi « des troubles alimentaires », surtout chez les jeunes filles, « de l’obésité », ou encore « des problèmes de vue ». Un échantillon des conséquences répertoriées dans le rapport remis au chef de l’État. « Il y a beaucoup d’impacts sur la santé physique et mentale », confirme Sébastien Herry, y compris chez les plus petits (développement du langage, psychomoteur…).
Les téléphones portables peuvent aussi être des « vecteurs de cyberharcèlement », rapporte le ministère de l’Éducation nationale. « Interdire leur utilisation dans les établissements scolaires peut par exemple empêcher de prendre la victime en photo, et de la diffuser », estime Sébastien Herry. Sans oublier l’accès aux images inadaptées à un jeune public, « qui peut en revanche avoir lieu en dehors de l’école quand il n’y a pas de contrôle parental », souligne le psychologue.
Une mesure contre l’addiction au téléphone « compliquée à mettre en place »
Sur le papier, la pause numérique présente donc plusieurs aspects positifs face à d’éventuels dangers. Reste à savoir comment elle va être appliquée. En effet, la mesure semble « compliquée à mettre en place », note Sébastien Herry. « Comment est-ce que les portables sont collectés et où sont-ils stockés ? Comment les élèves les récupèrent ? Comment s’assure-t-on qu’ils ont bien laissé leur smartphone à leur arrivée ? Quelles sanctions vont être appliquées ? », interroge le spécialiste.
Si la pause numérique se généralise, on pourrait également, d’ici plusieurs années, mesurer son impact sur l’utilisation des téléphones chez les enfants. « On verra si ça leur a permis de prendre du recul, s’ils ont appris à vivre un peu sans leur smartphone », ajoute Sébastien Herry, qui évoque « un petit sevrage de tous les jours ».
Sources :
Ministère de l’Education nationale : https://www.education.gouv.fr/interdiction-du-telephone-portable-dans-les-ecoles-et-les-colleges-et-pause-numerique-7334
Rapport commission écrans : https://www.info.gouv.fr/actualite/pas-decran-avant-trois-ans
Observatoire Psycho-Social du Numérique : https://observatoirenumerique.fr/
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : l’impact des téléphones portables sur l’apprentissage des jeunes.
Interdiction des portables dans les collèges : Depuis la rentrée 2024, près de 200 collèges en France expérimentent la pause numérique, interdisant aux élèves d’utiliser leur téléphone dans l’enceinte des établissements pour améliorer leur concentration, leurs résultats scolaires et le cyberharcèlement.
Effets négatifs sur la concentration : Des études révèlent que la simple présence d’un téléphone portable est source de déconcentration et peut nuire à la mémorisation des élèves, ayant des impacts même si le téléphone est éteint ou silencieux.
Amélioration de la communication interpersonnelle : Sans leur smartphone, les élèves pourraient être amenés à interagir davantage entre eux, ce qui pourrait renforcer les liens sociaux et favoriser leur épanouissement personnel, avec des bénéfices pour leur santé mentale.
Risques liés à l’utilisation des téléphones : L’utilisation intense des portables est associée à divers problèmes de santé physique et mentale, tel qu’une grande fatigue oculaire et à plusieurs changements de comportement. L’exposition aux écrans peut générer de l’obésité, des troubles alimentaires, ainsi que des risques de cyberharcèlement chez l’adolescent.
Défis de mise en œuvre : La mise en place de la pause numérique soulève des questions logistiques : stockage des portables, récupération par les élèves et suivi des règles de l’interdiction, rendant son application potentiellement complexe dans les établissements scolaires.