Les nouvelles générations demandent plus de liberté et de flexibilité dans leur travail : 45 % de la Gen Z, née entre 1997 et 2010, pencherait aujourd’hui pour l’auto-entrepreneuriat. Pour autant, faut-il se diriger dans cette voie dès la fin de ses études ou débuter par quelques années de salariat ? Est-ce le moyen de s’offrir le job de ses rêves ou au contraire, un risque de déperdition de carrière ?
Selon une étude du CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), presque la moitié de la Gen Z est aujourd’hui attirée par l’auto-entrepreneuriat. Ces étudiants, stagiaires et juniors d’aujourd’hui pourraient-ils signer la fin de règne du sacro-saint CDI ? Selon Stéphane Truphème, qui vient tout juste de publier le livre Quitter le salariat, travailler en liberté aux Éditions Eyrolles, l’avenir du travail se dirigerait plutôt vers un mix de salariat et de freelancing : « travailler quelques années en entreprise, basculer en auto-entrepreneur, recommencer… Les nouvelles générations ne voient plus le travail comme une finalité mais comme un moyen de gagner de l’argent, de s’épanouir, de se faire plaisir, d’apprendre et de progresser. » Des valeurs incompatibles avec le salariat ? « Le salariat n’est plus aussi intéressant qu’avant car il peut enfermer dans une routine, rendre aveugle aux changements du monde. Le risque est de se réveiller 10 ans plus tard avec le constat que ses compétences sont totalement obsolètes », ajoute Stéphane Truphème.
Quels sont les risques à se lancer en freelance lorsqu’on est jeune ?
« Je serais presque tenté de dire aucun », reprend le spécialiste du marketing digital, selon qui le saut est plus risqué lorsqu’on a 50 ans, un gros salaire et des charges importantes. « Lorsqu’on est jeune, la situation est idéale, il faut oser se lancer. Les bénéfices sont bien trop importants pour ne pas tenter l’aventure. » Pourtant, ce jeune âge peut aussi faire office de barrière pour ceux qui tentent l’aventure : Constance Milojevic a 23 ans lorsqu’elle se lance en freelance. Elle vient de finir l’ISCOM Rouen et crée sa micro-entreprise de communication sur le conseil d’intervenants de son école, qui soutiennent alors que stage et alternance suffisent comme expérience à faire valoir.
Mais Constance se retrouve vite confrontée à son manque d’expérience que pointent du doigt les clients qu’elle prospecte. « Le plus dur est de ne pas être accompagnée et de ne pas savoir combien on vaut », confie-t-elle. Elle retourne travailler dans une agence, change encore d’entreprise pour un “CDI en or”, mais cela ne se passe pas très bien : « Coûte que coûte, je suis redevenue freelance et j’ai trouvé un super premier client. Je ne regrette pas toutes les étapes préalables car cela m’a confortée dans mon choix. » Elle recommande tout de même de passer par quelques années en entreprise, « déjà pour s’assurer que le salariat ne nous plaît pas », et souligne notamment la solitude qu’elle a mal vécue à ses débuts.
Pour réussir en freelance, il faut en effet avoir en tête quelques gardes-fous : Stéphane Truphème rappelle que les principaux risques d’échecs sont l’isolement, une offre imprécise et mal comprise par ses clients potentiels, et le manque d’organisation. « Il faut nouer des partenariats, rencontrer d’autres freelances, travailler en coworking ou directement chez ses clients. » Concernant l’offre, il n’a jamais été aussi facile de se lancer, mais en corollaire, la concurrence n’a jamais été aussi rude. « Dire : “je suis consultant en marketing digital”, nous expose, d’une part, à une concurrence féroce et d’autre part, à une mauvaise compréhension de la part du client sur ce que nous pouvons réellement lui proposer. Est-ce qu’il s’agit de prestations de rédaction de contenus, de référencement naturel, de stratégie marketing, de création de site Web ? L’imprécision ne rassurera pas le client qui ne se donnera pas la peine de comprendre ce que le freelance peut réellement lui apporter. »
Salarié versus freelance : le combat des Anciens contre les Modernes ?
Cette peur de l’insécurité financière et de l’instabilité professionnelle serait-elle un reliquat du vieux monde ? La Génération Z semble bien déterminée à travailler comme bon lui semble, et d’où elle le souhaite. « La nouvelle génération de freelances arrive en effet très bien à générer 2 000 ou 2 500 euros de revenus rapidement, ce qui lui permet d’aller travailler à Bali ou en Thaïlande quelques temps », ajoute l’auteur, un modèle qu’il perçoit comme une vraie source d’inspiration. « Ils inventent de nouveaux modes de travail efficaces, ils ont tout compris au marketing : comment monter une offre, la valoriser, comment passer d’une forme de vente de temps à une vente de produits. » Un phénomène qui porte un nom, l’économie de la création, et qui aux États-Unis pèserait déjà aussi lourd que l’agroalimentaire et le transport réunis.
La liberté avant la carrière : une promesse séduisante, mais jusqu’où ? « Le concept de carrière est hérité de l’ère industrielle. La voie royale était tracée : faire de belles études, obtenir un bon poste, devenir manager, puis directeur. Ce schéma, longtemps perçu comme le modèle de réussite, a volé en éclats face à des réalités comme le chômage de masse, la dévalorisation des diplômes et la transformation accélérée par le digital », rappelle Stéphane Truphème.
Grâce au digital, nombreux sont ceux qui parviennent à s’affranchir des sentiers battus, créant leur propre chemin là où, autrefois, il fallait s’inscrire dans un cadre rigide. Dans tous les secteurs, on voit émerger des success stories de freelances ou d’entrepreneurs qui construisent leur propre équilibre, loin des modèles traditionnels, à l’image d’Ilona Martins. Cette jeune diplômée de l’ISCOM Toulouse s’est lancée en indépendante, un peu par dépit au début : « Ça n’était pas un choix évident, j’étais très scolaire et conditionnée pour le salariat. Je me suis lancée une première fois à la fin de mon alternance, puis j’ai obtenu un CDI rêvé dans une grosse agence, mais j’y ai perdu tout l’aspect créatif que j’aimais tant dans mon travail. » Ilona retourne vers le freelance et vit depuis à 100 % de ses activités de communication 360, où la créativité a retrouvé sa place.
La Génération Z a grandi en intégrant l’idée qu’ils changeront de métier une quinzaine de fois au cours de leur vie. Désabusés quant à la pérennité du salariat, ils ne se laissent plus séduire par les promesses d’une carrière stable. Leur flexibilité et leur détachement vis-à-vis de l’entreprise les poussent à rejeter les modèles traditionnels qui ne répondent pas à leurs aspirations. Ils veulent du sens, de l’autonomie, et sont prêts à partir dès que ces conditions ne sont plus remplies. Le monde de l’entreprise devra sans aucun doute s’adapter pour retenir les jeunes talents qui rêvent de voler de leurs propres ailes.
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : La tentation du freelancing à la sortie de ses études. La Génération Z signera-t-elle la fin du salariat ?
Attrait pour l’auto-entrepreneuriat : Près de 45 % de la Génération Z est attirée par le freelancing pour la liberté et la flexibilité qu’il offre, préférant un mix de salariat et d’indépendance plutôt que le CDI traditionnel.
Risques et précautions du freelancing : Les jeunes freelances affrontent des défis comme l’isolement et le manque d’expérience. Réussir nécessite de définir clairement ses offres, de nouer des partenariats, et d’adopter une bonne organisation.
Évolution des modèles de travail : La Génération Z, priorisant la liberté et l’expérience plutôt que les carrières traditionnelles, remet en cause le schéma linéaire d’évolution professionnelle, préférant créer des chemins personnalisés et flexibles.
Impact du digital et de l’économie de la création : Le digital permet aux freelances de s’affranchir des schémas traditionnels, favorisant des carrières basées sur la créativité et l’autonomie, inspirant de nouvelles voies de réussite économique.
Transformation du monde de l’entreprise : Les aspirations de la Gen Z exigent des entreprises une adaptation pour retenir les talents, répondant à leur quête de sens, d’autonomie et de flexibilité, sans quoi ils se tourneront vers l’indépendance.