Les études en science politique et relations internationales ont un succès retentissant auprès de la nouvelle génération. Résultat : beaucoup de lycéens, même très bons élèves, ne sont pas acceptés dans ces filières. Comment expliquer ce phénomène ? Éléments de réponse avec Olivier Grojean, responsable pédagogique de la Licence Science politique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et Lionel Lacoux, professeur d’histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP) au lycée Jules Renard de Nevers.
Plus de 8 000 candidats pour 80 places. Sur Parcousup, la Licence Science politique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne croule sous les demandes. En France, le phénomène n’est pas isolé. Même constat pour les relations internationales, un domaine lui aussi très sollicité par les futurs étudiants.
« C’est vrai qu’il y a un engouement, commente Olivier Grojean, responsable pédagogique de la Licence Science politique de la Sorbonne. Quand on regarde les lettres de motivation sur Parcoursup, au moins 50 % d’entre elles évoquent le métier de journaliste ou de diplomate. Ces envies se reconfigurent au cours des études, mais il y a la volonté, au départ, d’évoluer dans un milieu où il est possible de voyager et qui est reconnu socialement ».
Le maître de conférence en science politique évoque également « une matière très ouverte ». « La culture générale est importante, ce qui peut représenter un attrait pour les lycéens. On touche un petit peu à tout : l’histoire, la socio-histoire du politique, l’anthropologie politique… Plus généralement, de la sociologie et des sciences sociales ».
« Mieux comprendre le monde »
L’une des premières attentes de ces jeunes serait de « mieux comprendre le monde », estime Olivier Grojean. « Nos étudiants s’intéressent particulièrement à l’actualité nationale et internationale. Nous sommes dans une société qui se transforme rapidement, qui peut susciter des craintes. La montée des formes de fascisme, d’autoritarisme, des guerres… Ils se sentent mobilisés par tout cela ».
Un constat partagé par Lionel Lacoux, professeur d’histoire géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP) au lycée Jules Renard de Nevers (Nièvre). Cette spécialité a vu le jour dans le cadre de la réforme Blanquer, en 2019. Certains lycéens la choisissent dans le but d’intégrer des études en science politique ou relations internationales après leur bac. D’autres arrivent ici « un peu par hasard ». Lionel Lacoux partage aussi ses connaissances sur sa chaîne Youtube. Il décrit ses vidéos comme des « compléments » aux cours dispensés par les enseignants. Il assure d’ailleurs prendre énormément de plaisir dans l’apprentissage de cette nouvelle matière. « Un second souffle vraiment très fort » dans un métier qui le passionne toujours autant, s’enthousiasme-t-il.
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« Il y a une forte demande concernant l’actualité », assure le professeur, qui débriefe les dernières informations une fois par semaine avec ses élèves. « Un pas de côté », souligne-t-il. « Cela leur plaît beaucoup, mais ce n’est pas l’enjeu de notre programme ». Les lycéens sont « très intéressés par les relations internationales et la question politique, notamment grâce aux réseaux sociaux, soulève Lionel Lacoux. J’ai l’impression qu’ils sont plus cultivés sur ces questions aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a 15 ans ». La science politique telle qu’elle est enseignée en licence reste cependant différente, tient à préciser Olivier Grojean.
« Des métiers variés »
Comment ces jeunes voient-ils l’avenir ? « Lorsqu’ils arrivent en licence, leur projet professionnel est encore flou. Beaucoup ne savent pas comment ils vont pouvoir opérationnaliser leurs connaissances », détaille Olivier Grojean. D’où la nécessité d’effectuer un Master avant d’entrer sur le marché du travail. Un passage obligé « pour pouvoir travailler avec son bagage de science politique ». « Ce sont de longues études. Ils s’engagent au minimum dans un bac+5, qui va leur permettre de raisonner correctement, de gagner en agilité intellectuelle, de réfléchir sur un sujet ».
Des compétences qu’ils pourront mettre à profit dans « des métiers variés », selon l’enseignant. « Des postes dans l’humanitaire, dans des ONG, dans le conseil ou l’expertise… L’offre en termes d’emploi est assez large. Nos diplômés du Master Science politique trouvent la plupart du temps très facilement un poste, parce qu’ils ont une formation qui est reconnue, des capacités d’analyse. Ils savent aller trouver l’information, avoir une pensée complexe, synthétiser ». L’enseignant cite également, entre autres, le Master Conflits et crises internationales, dans lequel « tout le monde veut travailler à la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure) ». La série phénomène « Le bureau des légendes » aurait d’ailleurs contribué à ce succès.
« Une féminisation énorme de notre Licence Science politique »
Les études de science politique restent difficilement accessibles, notamment en raison du manque de places. « On s’adresse à de très bons lycéens. En dessous de 15 de moyenne, vous avez peu de chances d’être pris chez nous, explique Olivier Grojean. Nous sommes très sélectifs, mais nous cherchons à avoir une promotion la plus diverse possible socialement, en acceptant un taux de boursiers important ». Les doubles licences, comme Droit-Science politique, Histoire-Science politique, ou encore Philosophie-Science politique, sont elles aussi très demandées.
Quant au profil des étudiants, le maître de conférences souligne « une féminisation énorme de la Licence Science politique », avec « quasiment 80 % de filles dans la promotion ». « Cela va peut-être de pair avec leur faible présence dans les matières scientifiques ». Les lycéennes en HGGSP sont également plus nombreuses que leurs camarades masculins.
« Si je devais donner un conseil aux lycéens, je leur dirais de regarder les taux d’admission et de ne pas forcément vouloir allez chez nous, conclut Olivier Grojean. Il existe d’autres licences où il y a moins de demandes mais où les formations sont également très bonnes », assure-t-il, citant notamment les universités Paris Nanterre et Paris 8. Sans oublier le reste du territoire.
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Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Pourquoi la science politique et les relations internationales attirent autant les jeunes ?
Un engouement massif pour des études prestigieuses : Les filières de science politique et de relations internationales connaissent une demande exceptionnelle, avec des milliers de candidatures pour un nombre de places très limité. Les lycéens, souvent attirés par les métiers de journaliste, diplomate ou par l’idée de voyager, plébiscitent ces formations.
Une volonté de mieux comprendre un monde en crise : Les jeunes s’intéressent fortement à l’actualité et aux grandes mutations mondiales. Face à des enjeux comme les guerres, la montée des autoritarismes et les crises sociétales, ils cherchent à acquérir des clés de compréhension pour analyser et agir sur le monde.
Des parcours longs et des débouchés diversifiés : Un Bac+5 est souvent nécessaire pour exercer dans ce secteur. Les diplômés en science politique accèdent ensuite à des carrières variées : ONG, conseil, journalisme, secteur humanitaire, institutions publiques, voire la DGSE, souvent popularisée par des séries comme Le Bureau des Légendes.
Une forte sélectivité et une féminisation marquée : Les admissions dans ces filières sont très compétitives, souvent réservées à des lycéens avec plus de 15 de moyenne. On observe également une féminisation importante, avec près de 80 % de filles dans certaines promotions.
D’autres formations à considérer : Face à la saturation des licences les plus réputées, les experts recommandent d’explorer d’autres universités moins sollicitées, comme Paris Nanterre ou Paris 8, qui proposent des formations de qualité avec de meilleures chances d’admission.













