En pleine période de révision du bac et à quelques jours des épreuves finales et des résultats, la question de l’utilité du bac se pose de nouveau. Et fait débat parmi les spécialistes de l’éducation. Points de vue argumentés.
POUR : « Sauf à ce que l’État le réforme drastiquement, le bac actuel est inutile et couteux »
Anne Coffinier, présidente de l’association “Créer son école” et fondatrice de la Fondation Kairos pour l’innovation éducative sous l’égide de la l’Institut de France

« Sauf à ce que l’État le réforme drastiquement, le bac actuel est inutile et couteux. Pourquoi inutile ? Car le niveau du bac est dévalorisé à tel point qu’il n’est plus sélectif. Or, à la base, il est fait pour sélectionner les jeunes qui rentreront dans l’enseignement supérieur. Cet objectif n’est aujourd’hui plus satisfait. Les établissements du supérieur ne recrutent d’ailleurs plus sur les notes et les qualités des élèves mais en fonction de la réputation et de la localisation des lycées. C’est profondément discriminant et dramatique pour les jeunes. De plus le bac Blanquer augmente les inégalités territoriales entre les élèves. Pour des raisons évidentes de coût, tous les lycées ne proposent pas toutes les options. Cela a évidemment un impact pour les inscriptions sur Parcoursup.
Pour sortir de ce système, toute une partie de l’élite passe d’ailleurs le bac international. Comme le bac ne vaut plus rien, de plus en plus de familles font d’ailleurs passer des tests, en maths par exemple, afin d’évaluer le réel niveau de leurs enfants. On m’opposera que le bac est un rituel républicain. Or selon moi, conserver le bac tel qu’il est aujourd’hui est pire que tout. C’est même consacrer le mensonge. On le sait, les notes des épreuves du bac sont harmonisées et tirées vers le haut. Les lycées augmentent également les notes du contrôle continu. Tout ceci rend le système de notations totalement inutile.
L’idée même d’apprendre est complètement dévalorisée. Ce qui compte c’est uniquement d’avoir de bonnes notes. De plus, il y a de la triche lors des examens. Les lycéens obtiennent leur bac dans des conditions moralement faussées. Démocratiquement, c’est grave. Et puis, l’organisation des épreuves du bac coûte très cher. Sans oublier, l’impact sur la scolarité des élèves de seconde et de première. Entre mai et juillet, ils perdent a minima un mois et demi de travail. En résumé, le bac est aujourd’hui un joli nœud sur une boite pour couronner des études dans le secondaire mais il ne vaut plus rien ».
GRAND ANGLE
À l’occasion du Baccalauréat 2025, retrouvez notre dossier spécial “Bac” :
– Bientôt le BAC : la checklist indispensable avant de se présenter aux épreuves
– Passer son bac en candidat libre : les étapes et conseils
– Grand oral du bac : comment le réussir ?
– Mention Très bien au bac : comment est valorisée l’excellence ?
CONTRE : « Le bac revêt trois dimensions essentielles, sociale, scolaire et individuelle »
Charles Hadji, agrégé de philosophie, professeur honoraire en science de l’éducation à l’université Grenoble Alpes.

« Le bac revêt selon moi trois dimensions essentielles : sociale, scolaire et individuelle. Le bac est un rite de passage institutionnel et social vers la vie d’adulte. Chez nos voisins européens, c’est d’ailleurs l’examen de la maturité. Ce n’est jamais évident de supprimer un rite. Le bac est également une étape importante dans une trajectoire individuelle d’ouverture sur la liberté donnée par le statut d’étudiant. Personne dans les pays voisins ne l’a jamais supprimé. Pour l’examen à proprement parlé, la question de sa révision peut se poser.
En réalité, que reproche-t-on au bac ? Collectivement, le bac est devenu une examen trop facile. C’est vrai si l’on regarde le taux de réussite au bac et le pourcentage d’une classe d’âge qui passe son bac. Mais quelle est notre ambition pédagogique ? Si c’est la réussite pour tous, on ne doit pas s’inquiéter de l’excellent taux de réussite au bac. On entend aussi beaucoup que le bac est trop sensible aux inégalités. C’est vrai. Selon son lycée d’origine et son milieu social, le bac n’a pas la même valeur. Mais supprimer le bac ne ferait pas disparaître les inégalités de réussite scolaire.
Il faudrait d’abord s’attaquer à résorber ces inégalités. Notamment prendre à bras le corps le sujet du contournement de la carte scolaire. Les partisans de la suppression du bac dénoncent aussi une machine ingérable qui dépense beaucoup d’énergie pour rien. Il n’est pas interdit de le simplifier notamment en introduisant plus de contrôle continu, un facteur d’objectivité et de justice. Supprimer le bac reviendrait également à accepter de laisser la place au seul dispositif Parcoursup. Autrement dit, laisser l’évaluation des élèves aux seuls établissements de l’enseignement supérieur. De mon point de vue, cela n’est pas souhaitable ».
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Supprimer le bac : pour ou contre ?
Argument en faveur de la suppression du bac : L’opinion d’Anne Coffinier sur le sujet est qu’il est inutil et coûteux car il ne distingue plus réellement le niveau des candidats. Il est désormais dévalorisé, favorise les inégalités territoriales, et son coût financier est élevé, notamment à cause des notes finales manipulées et du contrôle continu biaisé. Certaines familles privilégient déjà le bac international ou d’autres tests pour évaluer le niveau réel des enfants.
Critique du système actuel : Le système de notation du diplôme est largement biaisé, avec des notes harmonisées et un contrôle continu souvent artificiellement gonflé, dévalorisant la valeur réelle de l’apprentissage. La triche et l’impact négatif sur la scolarité précoce sont aussi dénoncés, ainsi que le coût élevé des épreuves en termes financiers et temporels.
Argument en faveur du maintien du bac : Selon Charles Hadji, le baccalauréat possède une dimension sociale, scolaire et individuelle essentielle. C’est un rite de passage vers l’âge adulte, reconnu dans de nombreux pays européens, et un marqueur d’ouverture et de maturité. Sa suppression risquerait de fragiliser ce processus de transition sociale et personnelle.
La réponse aux critiques : Bien que le diplôme soit considéré comme inégalitaire et possédant un haut taux de réussite, supprimer l’examen ne résoudrait pas les inégalités éducatives entre les candidats. Il faudrait plutôt renforcer l’égalité des chances en s’attaquant aux déséquilibres territoriaux, notamment via une meilleure gestion de la carte scolaire ou une réforme du contrôle continu.
La nécessité d’une réforme plutôt qu’une suppression : Certains proposent de simplifier le diplôme en intégrant davantage de contrôle continu pour plus d’objectivité. Supprimer le bac reviendrait à laisser la sélection aux seules portes de l’enseignement supérieur (via Parcoursup), ce qui pose d’autres problèmes de justice et d’équité dans l’évaluation des élèves.