Christophe David, Directeur du Pôle académique de l’ISARA, école d’ingénieurs en agronomie, agroalimentaire et environnement, décrypte les trois enjeux majeurs de l’agriculture et de l’alimentation, et les solutions mises en place pour y répondre.
« S’adapter aux changements climatiques, rendre l’alimentation accessible à tous, et assurer la performance économique des filières. Ce sont aujourd’hui les trois grands enjeux de l’agriculture et de l’alimentation auxquels nous faisons face », assure Christophe David, Directeur du Pôle académique de l’ISARA, école d’ingénieurs en agronomie, agroalimentaire et environnement de Lyon.
Pour répondre à ces défis, AGRIVIA, née en 2024 de l’union entre ISARA et ISEMA (Business school agri-agro), mise notamment sur l’agroécologie.
Les changements climatiques : « un enjeu extrêmement fort »
« Faire face aux changements climatiques, cela veut dire deux choses : être en capacité de s’adapter à ces changements climatiques, et avoir une agriculture et une alimentation avec moins d’impact sur l’environnement », explique le docteur en agronomie. Ce dernier préconise « une agriculture et une alimentation diversifiées, avec une moindre dépendance aux énergies fossiles, et beaucoup d’ingénierie écologique ».
« Un enjeu extrêmement fort » appréhendé par l’ISARA il y a une vingtaine d’années, par le biais de l’agroécologie et de systèmes alimentaires durables. « Il est nécessaire de former non plus des agronomes, mais des agronomes et des agroécologues, assure Christophe David. L’agroécologue s’appuie sur les éléments de la nature pour essayer de la protéger et de l’utiliser afin d’assurer une ressource productive. L’agronome, lui, a avant tout une mission de production. Que cela soit avec ou sans engrais de synthèse ou produits phytosanitaires. Il utilise tous les outils de l’ingénierie technologique, y compris ceux de l’industrie chimique ».
« Un accompagnement vers une alimentation de qualité et accessible à tous »
Le deuxième enjeu est « une alimentation de qualité et accessible à tous », explique Christophe David, évoquant « deux façons » d’y répondre.
La première via des formations, dont le master européen Sustainable Food Systems. « Nous avons des partenaires italiens et des partenaires belges. Dans notre formation d’ingénieurs, nous avons également des spécialités autour de l’innovation alimentaire ». L’un des objectifs étant de « revoir notre diète ». « Par exemple, nous allons voir comment consommer plus de protéines végétales et limiter notre consommation de protéines animales. Mais aussi comment garantir davantage de consommation de fruits et légumes ».
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Concernant l’accessibilité, l’ISARA a fait le choix de s’orienter plus particulièrement vers l’Afrique et le pourtour méditerranéen. « Les questions agricoles et alimentaires se posent bien entendu chez nous, mais aussi et essentiellement dans des zones à forte croissance démographique. Si nous ne répondons pas à ces questions agricoles et alimentaires dans ces zones-là, nous aurons énormément de problèmes géopolitiques », prévient Christophe David.
Assurer le renouvellement en agriculture en France
Le troisième enjeu, « peut-être un peu moins évident », est celui de la « performance économique de nos filières », ou comment assurer le renouvellement en agriculture, toutes productions confondues. « En France, on ne se rend pas compte de la fragilité de notre alimentation. Nous avons perdu un tiers des agriculteurs », déplore le docteur en agronomie, soulignant l’importance « d’attirer les nouvelles générations dans ces secteurs d’activité ».
« Le métier d’agriculteur n’a rien d’attirant si l’on regarde celui d’antan. Notre objectif en tant qu’école de management (ISEMA) et d’ingénieurs (ISARA), c’est d’innover. Si nous étions seulement une école d’ingénieurs, nous ne serions pas suffisamment armés. C’est pour cela que nous avons créé AGRIVIA, l’union de ces deux écoles. L’école de management nous donne une dimension économique, organisationnelle ».
Comment rendre le milieu attractif pour les jeunes ? « Il faut leur montrer que les nouvelles formes d’agriculture sont vertueuses. Nous avons constaté un regain d’appétence de la part de nos jeunes grâce à l’effort que nous avons fait autour de la transition agroécologique ».
Christophe David pointe également la nécessité de travailler avec les filières. « Dans l’agriculture, il y a de l’innovation, de la technologie, ce sont des métiers d’entrepreneurs ! C’est aussi une source d’attractivité, bien loin de l’image négative trop souvent relayée dans les médias », estime-t-il.
Enfin, en choisissant cette voie, les étudiants ont aussi « la satisfaction de pouvoir allier leurs aspirations personnelles à leurs aspirations professionnelles ». « En France, ils vont entrer sur le marché du travail en voulant répondre à ces trois enjeux-là. Il faut que l’on forme nos futures agricultrices et futurs agriculteurs, transformatrices et transformateurs, dès maintenant. C’est une urgence, mais une urgence positive. Il y a énormément de valeur à réinvestir dans nos campagnes ».
Des jeunes qui « ont envie de faire bouger les choses »
Aujourd’hui, le milieu de l’agriculture ne se limite plus au cadre familial. Les jeunes urbains et périurbains manifestent eux aussi un intérêt pour ce secteur.
Ces derniers, dotés d’une vraie conscience environnementale, restent cependant « déconnectés de l’agriculture ». « À l’inverse, dans les mondes ruraux, nous n’avons pas suffisamment mis de modernité autour de l’agriculture et de l’alimentation. C’est à nous de faire cette combinaison. Ce sont deux mondes encore trop séparés, qui ne communiquent pas assez. Nous avons la chance de pouvoir faire découvrir à ces jeunes urbains ce qu’est l’agriculture et ce que l’on peut en faire. Ils sont très ouverts, engagés dans leur choix d’études, et ont envie de faire bouger les choses ».
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Transition agroécologique : quels enjeux pour l’agriculture et l’alimentation ?
Trois défis majeurs : L’agriculture doit impérativement s’adapter aux changements climatiques, assurer une alimentation accessible et de qualité pour tous, et maintenir la performance économique des filières en France.
Adaptation au climat et développement durable : La lutte contre le changement climatique passe par l’agroécologie. Elle laisse une place centrale à la biodiversité, à la réduction des énergies fossiles et à l’ingénierie écologique pour une agriculture plus résiliente.
Améliorer l’accès à une alimentation saine : La formation, notamment via le master “Sustainable Food Systems”, a pour objectif de promouvoir une consommation plus végétale, équilibrée, et à favoriser l’accès à ces produits dans les zones en forte croissance démographique.
Attirer les jeunes et favoriser leur engagement : Pour renouveler le secteur, il faut rendre le métier attractif en valorisant l’innovation, la technologie, et en brisant l’image négative de l’agriculture traditionnelle.
Une jeunesse concernée et engagée : Les jeunes urbains, engagés pour l’environnement, manifestent un intérêt croissant pour l’agriculture durable, offrant une dynamique nouvelle pour la transition agroécologique.