En 1980, la France compte presque un million d’étudiants, selon les données de Statista. 40 ans plus tard, elle a dépassé le seuil des trois millions. Avec une hausse de la poursuite des études et du nombre d’étudiants diplômés, la valeur du master est-elle aujourd’hui remise en question ?
Longtemps perçu comme un symbole de réussite académique et sociale, voire comme une étape incontournable dans ses études, le master tendrait-il à perdre de sa valeur ?
Une hausse continue de réussite en master…
Le master s’est démocratisé. 3 500 établissements d’enseignement supérieur publics ou privés sont aujourd’hui comptabilisés par le gouvernement et le taux de réussite des étudiants en master est en hausse depuis 2017 (année de la réforme sur l’accès au master). Ce diplôme attire de nombreux jeunes désireux de consolider leurs compétences dans la perspective d’une évolution professionnelle plus élevée et mieux rémunérée. Le niveau bac +5 est presque devenu un passage obligé.
Candidats ont validé au moins une candidature sur la plateforme mon master en 2025. C’est 10 % de plus que l’année précédente. d’après les données du ministère de l’enseignement supérieur.

… mais une baisse de compétences
La France le pays du diplôme ? Peut-être et pourtant les compétences sur le marché du travail ne sont pas toujours au rendez-vous. Pierre Rondeau, économiste et professeur d’économie au sein de l’école Sports Management School a déclaré récemment sur RMC : « Tout le monde a un master, mais il ne vaut plus rien sur le marché du travail ». Une déclaration forte qui soulève notamment la question de la valeur de ce diplôme. La démocratisation de l’accès aux savoirs aurait engendré une évolution du nombre d’étudiants et non une évolution des compétences.
Le niveau des étudiants tend même à régresser, selon le professeur qui souligne que « le niveau est en chute libre », se référant aux derniers chiffres de l’OCDE. L’organisme a présenté, au sein de son rapport annuel sur l’éducation, une analyse sur le niveau en littératie des adultes. « Environ 28 % des personnes âgées de 25 à 64 ans n’ont pas le niveau de lecture d’un élève de primaire. En France, ce chiffre atteint les 30 % ». Une compétence pourtant déterminante dans une carrière professionnelle. Pour Pierre Rondeau, « l’absence de méritocratie, c’est la chute totale du niveau des diplômés bac +5. »
Le chômage des diplômés atteint un niveau record
Être en possession d’un master ne garantit pas l’emploi. La concurrence entre les diplômés est d’ailleurs de plus en plus forte. Selon le ministère du Travail, le chômage des moins de 25 ans a augmenté de plus de 7 % en 2024 en France, contre 3,9 % toutes tranches d’âges confondues. Le nombre de diplômés pourrait avoir un impact sur le faible taux d’activité des jeunes. « La hausse du nombre de jeunes chômeurs diplômés du supérieur est spectaculaire. En 20 ans, il a été multiplié par 2,5, passant de 186 000 à 460 000, du fait de la croissance des effectifs de diplômés, » rapporte, en 2023, l’Observatoire des inégalités. Mais alors quelles sont les solutions ?
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Raccourcir la durée des études ?
Dans une tribune publiée au sein du journal les Echos, le sociologue Julien Damon partage le même point de vue. Il souligne le besoin d’une « démassification ». Raccourcir la durée des études supérieures pour accélérer l’entrée des jeunes dans la vie active. Une solution qui permettrait également de réduire les dépenses de l’État en matière d’éducation.
L’extension des études n’est pas forcément une garantie de compétences ni d’emploi par la suite. En parallèle, les apprentissages ne sont pas toujours adaptés aux besoins des entreprises. « Il faut convaincre les jeunes et leurs parents de la pertinence d’orientations plus axées sur le marché du travail, » déclare Julien Damon. Une inadéquation est aujourd’hui perçue entre les besoins des entreprises et les choix d’orientation. Pour le sociologue, il faut réviser la durée des études au sein de l’enseignement supérieur. « Une limitation à deux ou trois années d’études devrait devenir la norme ». À l’exception des formations nécessitant un apprentissage plus long (médecine, physique, etc).
Études longues ou études courtes, il est nécessaire de connaître les tendances de l’emploi. Certains secteurs, comme la communication ou le graphisme, sont saturés, tandis que d’autres, tels que l’enseignement ou le bâtiment, manquent de professionnels. L’économiste Pierre Rondeau souligne également le décalage entre les jeunes et la réalité : « ils s’imaginent pouvoir accéder facilement à des postes à haute responsabilité ».
Bon à savoir
Alors que la plupart des pays européens misent désormais sur les sciences, l’informatique et les mathématiques, c’est en commerce que la plupart des jeunes étudiants français préfèrent se former au niveau master.
La formation continue comme alternative
Diplômes en main, de nombreux étudiants se retrouvent parfois bloqués et confrontés à un chômage de longue durée. Un véritable cercle vicieux s’installe. Selon le sociologue, les diplômés ne trouvent pas d’emploi et refusent d’acquérir de l’expérience en dehors de leur domaine de spécialisation. Et si la solution était de se distinguer en misant sur l’originalité, avec des formations plus courtes et plus axées sur la pratique ? Adieu le master comme modèle unique ?
La formation continue en entreprise devient une nouvelle norme pour axer davantage son parcours sur le besoin des entreprises et de la société. Les étudiants ne se perdent plus dans des études sans fin et mettent tout de suite les pieds en entreprise. La réduction des années d’études signerait une insertion plus rapide dans la vie active et les projets de chacun. « Les entreprises ont besoin de jeunes indépendants plus tôt et dynamiques, » conclut Julien Damon. Le parcours de réussite d’un élève se redéfinit aujourd’hui et le master n’est peut-être plus une fin en soi.
NOTRE RÉSUMÉ EN
5 points clés
PAR L'EXPRESS CONNECT IA
(VÉRIFIÉ PAR NOTRE RÉDACTION)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : « Tout le monde a un master, mais il ne vaut plus rien »
Une explosion du nombre d’étudiants et de diplômés
L’enseignement supérieur français a franchi le cap historique des 3 millions d’étudiants en 2025. Le master est devenu un passage quasi obligatoire, avec une hausse de 10 % des candidatures sur la plateforme Mon Master. Cette démocratisation s’accompagne d’une multiplication des établissements privés.
Le master, un diplôme dévalorisé
Selon l’économiste Pierre Rondeau, « le master ne vaut plus rien ». L’abondance de diplômés a entraîné une perte de valeur du diplôme, la quantité primant sur la qualité. La sélection accrue n’a pas empêché une baisse du niveau général et un décalage entre formation et compétences réelles.
Des compétences en chute libre
L’OCDE alerte sur un niveau de littératie préoccupant : 30 % des adultes français n’ont pas le niveau de lecture d’un élève de primaire. Malgré le nombre croissant de diplômés bac +5, la France souffre d’un déficit de compétences pratiques et professionnelles adaptées au marché du travail.
Chômage record chez les jeunes diplômés
Le chômage des moins de 25 ans a grimpé de 7 % en 2024. Aujourd’hui, il y a presque autant de chômeurs bac +2 et plus que de non-diplômés. L’explosion du nombre de masters a donc peu d’impact sur l’insertion professionnelle.
Vers une remise en question du modèle du master
Sociologues et économistes appellent à « démassifier » l’enseignement supérieur et à raccourcir la durée des études. La formation continue, l’apprentissage et les parcours plus courts sont présentés comme des alternatives plus adaptées aux besoins du marché et aux attentes des entreprises.















