Référencer son école

[Dossier] La place des femmes dans les écoles d’ingénieurs

6 Min. de lecture
Nadège Troussier, DG de l'ENSAM

Aujourd’hui, les femmes restent minoritaires au sein des écoles d’ingénieurs, en particulier dans les formations tournées vers l’industrie. Pourtant, elles ont bel et bien leur place dans ce secteur, affirme Nadège Troussier, Directrice générale adjointe en charge des formations de l’École nationale supérieure d’Arts et Métiers (ENSAM).


En 2025, elles représentent toujours une minorité dans plusieurs écoles d’ingénieurs. Les jeunes femmes sont encore (très) peu nombreuses dans les établissements « orientés vers l’industrie avec une base mécanique forte », souligne notamment Nadège Troussier, Directrice générale adjointe en charge des formations de l’École nationale supérieure d’Arts et Métiers (ENSAM).

L’école compte environ 15 % de femmes étudiantes, une moyenne « que l’on retrouve dans l’ensemble des formations de notre type », ajoute Nadège Troussier, elle-même ingénieure en génie mécanique. Un pourcentage légèrement à la baisse. « Dans nos cursus, nous avons besoin d’avoir, au sein des filières amont, des personnes avec un minimum de connaissances en mathématiques, en physique, en sciences de l’ingénieur. Malheureusement, ces filières se sont encore plus déféminisées avec la réforme du bac. Nous sommes en fin de chaîne, mais ce n’est pas chez nous que le problème arrive. Il est déjà là bien avant », déplore-t-elle.

Comment expliquer ce manque d’attractivité ? « Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une absence d’intérêt pour ces domaines, mais plutôt d’un problème culturel très français », estime Nadège Troussier, évoquant par exemple 50 % d’étudiantes ingénieures sur le campus d’Arts et Métiers de Rabat, capitale du Maroc. « On sait que les filles, même quand elles sont de très bonnes élèves, vont moins oser se lancer si elles ne sont pas sûres de convenir. Ce qui n’est pas du tout le cas des garçons ».

Selon la professeure, des « prescripteurs assez forts » entrent également en compte dans le choix des études. Parmi eux, « les enseignants », « les parents », ou encore « une mobilité géographique réduite ». « Culturellement, leur environnement ne pousse pas les jeunes femmes à se déplacer facilement. Celles que j’ai rencontrées dans des collèges ruraux se tournent plus couramment vers le lycée professionnel local que vers le lycée général si ce dernier se trouve à 20 kilomètres », explique-t-elle.

« Je pense que ce sont elles qui s’autocensurent. Ce n’est absolument pas un problème de niveau, ajoute Nadège Troussier. Nos étudiantes réussissent très bien, voire mieux que leurs collègues masculins, et ne rencontrent pas de difficultés sur le marché de l’emploi », assure-t-elle.

Un sentiment d’illégitimité partagé par la professeure elle-même durant sa carrière. « Je suis sortie d’une école où j’étais la seule fille de ma promotion. Cela fait 25 ans que j’évolue en tant qu’ingénieure puis enseignante-chercheuse. Avant d’occuper mon poste actuel, j’ai déjà eu des remarques de collègues masculins dans des comités de direction par exemple. Quand j’essayais de défendre une idée, je n’étais pas entendue. C’est un homme qui devait l’exprimer à ma place. Lui était écouté ».

Aujourd’hui, la Directrice générale adjointe en charge des formations de l’École nationale supérieure d’Arts et Métiers évolue au sein d’un Comex (Comité exécutif) paritaire. « Depuis les derniers recrutements, nous sommes même plus de femmes que d’hommes. Ce qui permet peut-être de plus communiquer, de mettre davantage en avant certaines spécificités avec une perception féminine. Sur l’industrie par exemple, on a tendance à mettre en valeur des machines, des ordinateurs, etc. Mais pour moi, avec mon vécu d’ingénieure, c’est avant tout une expérience humaine, bien plus qu’une simple interaction avec les machines ».

Pour la professeure, cela ne fait aucun doute : les femmes ont leur place dans le domaine de l’industrie, « voire même une place en or ». « Il y a des superbes opportunités à prendre. Aujourd’hui, une femme qui veut travailler dans ce secteur a un tapis rouge qui se déroule devant elle, assure Nadège Troussier. Elles ne sont pas recherchées pour leur genre, mais parce qu’elles ont, elles aussi, des qualités ! Et ça, il faut qu’elles s’en persuadent. C’est le message que j’aimerais leur transmettre : Vous avez de vraies capacités pour répondre aux besoins actuels ».

L’ingénieure tient également à souligner un manque de parité dans le sens inverse, soit davantage de filles que de garçons, notamment dans le génie biologique. « Ce n’est pas un problème lié aux femmes, mais à l’incapacité de notre société à gérer, à accepter la diversité. Pour moi, le sujet est là. De fait, imposer des taux similaires à tout le monde n’a, selon moi, aucun sens. Il faut que l’on soit capable d’intégrer tous les points de vue et de les comprendre pour réussir à travailler ensemble ».

Lire le dossier complet :

#2 Camille, étudiante en génie énergétique : « Je ne regrette pas du tout mon choix »
#3 Morgane Colombert, ingénieure en génie urbain : « J’ai eu la chance de pas m’être sentie discriminée en tant que femme » – Rendez-vous dimanche
#4 Margaux Gaignebet, ingénieure d’études mécaniques : « C’est un métier très challengeant »

Crédit photo ENSAM-Lofti Dakhli


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : La place des femmes dans les écoles d’ingénieurs.

Sous-représentation des femmes en écoles d’ingénieurs en France : En 2025, on constate que les femmes représentent seulement 15 % des étudiants à l’École nationale supérieure d’Arts et Métiers, un chiffre en légère baisse, surtout dans les formations orientées vers l’industrie et basées sur la mécanique.

Problèmes culturels et d’autocensure : Selon Nadège Troussier, Directrice générale adjointe de l’ENSAM, le manque d’attractivité des filières techniques résulte d’un problème culturel en France, où les jeunes femmes s’autocensurent et sont parfois découragées par leur environnement, y compris des prescripteurs comme les parents ou les enseignants.

Performances des étudiantes : Les femmes en école d’ingénieurs réussissent très bien, souvent mieux que leurs homologues masculins, et ne rencontrent pas de difficultés sur le marché de l’emploi, ce qui souligne que le problème n’est pas lié à leurs capacités, mais aux perceptions culturelles.

Importance de la représentation : Nadège Troussier souligne la nécessité de diversifier les points de vue dans l’industrie. Elle témoigne de son expérience personnelle où elle a souvent été ignorée dans des discussions à majorité masculine. Actuellement, elle fait partie d’un Comité exécutif paritaire qui favorise une meilleure communication inclusive.

Opportunités pour les femmes dans l’industrie : Nadège Troussier encourage les femmes à saisir les occasions dans le secteur industriel, affirmant qu’elles possèdent les compétences nécessaires pour répondre aux besoins actuels du marché. Elle plaide pour une reconnaissance de la diversité et une intégration des différents profils au sein des écoles et des entreprises.

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